MULTICULTURALISME, COSMOPOLITISME ET INTÉGRATION POLITIQUE EN MILIEU URBAIN : LES DÉFIS DE LA CITOYENNETÉ DE TYPE RÉPUBLICAIN À DOUALA ET YAOUNDÉ
Claude Abé
UCAC-FSSG (IRSA)
INTRODUCTION
La présente étude entend cerner la question de l'intégration nationale dans les centres
urbains camerounais à travers le prisme des rapports entre la ville et l'Etat. Il s'agit
de faire le point sur les quatre décennies d'expérience de construction stato -
nationale au Cameroun à partir de l'examen des dynamiques identitaires à l'oeuvre en
milieu urbain. Ce qui est ainsi visé c'est l'intelligibilité des dynamiques citoyennes
en situation multiculturelle et cosmopolitique.
En effet, tous les chercheurs qui ont entrepris d'étudier la construction stato -
nationale du Cameroun l'ont fait exclusivement à partir de grilles d'analyse
institutionnelles; l'observation se faisait alors «par le haut» en mobilisant des
catégories d'analyse manichéistes : «hégémonie/contre hégémonie», aînés
sociaux/cadets sociaux, «Etat/société civile », «totalisation / dé totalisation »
(Mbembe, 2000 : 139). Or, non seulement « le politique en Afrique n'est pas qu'une simple
affaire de rapports invariables de dominants à dominés » (Lafargue, 1998 : 336), mais
en plus, depuis les travaux de l'équipe de J.-F. Bayart, l'on sait que les arts de faire,
d'agir et de penser qui meublent le quotidien des individus en Afrique participent
massivement à la structuration du champ politique (Bayart et al, 1992). Et c'est vers ces
« objets politiques non identifiés » (OPNI) (Martin, 1989) que la présente étude
entend se tourner pour comprendre les dynamiques à l'oeuvre dans la crise actuelle de la
construction stato - nationale aussi bien que les nouvelles orientations imprimées à
cette entreprise.
Pour entreprendre cette sociologie du projet stato - national « par le bas »,notre choix
s'est porté sur la ville comme site d'observation. L'objectif est d'examiner
l'intégration politique au Cameroun à la lumière des interactions et conditions que les
stratégies identitaires imposent à l'identification citoyenne.
En tant que cadre de rencontre entre individus d'horizons divers et de cultures variées,
« Les villes sont des lieux où se posent de profondes questions d âppartenance et
d'identité. Cest à léchelle de la ville que l'idée de communauté et de
culture partagées devient particulièrement problématique comme base de la citoyenneté
» (Rogers, 1998 : 228). Au Cameroun, les contradictions identitaires à l'allégeance
citoyenne républicaine sont marquées par les revendications ethniques et l'affirmation
culturelle-linguistique auxquelles il faut ajouter, à bien des égards, la
représentation que le citadin camerounais a de l'immigré dont la figure la plus
présente dans l'espace public reste le Biafraisl.
En Afrique subsaharienne, la ville reste sous l'emprise des particularismes
communautaires. C'est ce que le sociologue camerounais J-M. Ela relève lorsqu'il observe,
prenant l'exemple des logiques de colonisation de l'espace de la capitale camerounaise
Yaoundé, que « les différents groupes ethniques semblent même s'installer selon un
mode dorganisation propre à chacun. A Yaoundé, on trouve des quartiers qui se
signalent par la prépondérance d'une ethnie : Eton - Messa, Muog Ada, Nlong - Kak, Nhol
-Eton. Si les immigrants originaires du centre-Sud et de l'Est sagglomèrent à Mvog
Mbi / Nholndongo, les Bassa à Mvog - Ada, les Eton et les Bafia à Nlong - Kak,
les Bamoun et les ethnies du Nord se regroupent à la Briqueterie, tandis que les
Bamiléké se concentrent à Messa » (Ela, 1983 : 57).
Cet auteur observe d'ailleurs la même dynamique de localisation des groupes ethniques à
Douala (Ela, 1983 : 58). Ce qui indique la prépondérance des replis identitaires à
caractère ethnique dans les milieux urbains camerounais, notamment à Douala et Yaoundé,
nos deux sites d'observation. La marche conduite par les membres de l'ethnie duala en 1996
pour protester contre l'élection des allogènes venus des Grassfields à la présidence
des conseils municipaux de la plupart des mairies de la ville de Douala apporte un
argument supplémentaire à ce développement. Il en est de même de la pluie des tracts
qui s'est abattue sur Yaoundé pour protester contre la nomination de Mgr. André Wouking
comme prélat métropolitain en pays béti.
Mais à côté de cette réalité indéniable, à côté des dynamiques sociales qui
rendent compte de cette détermination communautaire du champ social urbain camerounais
telles que les associations à caractère ethnique, l'on assiste à la structuration
d'autres expériences identitaires depuis la libéralisation politique survenue en
décembre 1990.
L'une de ces expériences est celle de l'émergence des « associations « modernes »...
celles qui ne se font pas sur une base communautaire mais sur une base sociale de Libre
adhésion, à partir des pratiques et des problèmes auxquels sont confrontés Les sujets
sociaux ». (Leimdorfer, 1999 : 55). Il en est du club des volontaires de Mvog-Ada à
Yaoundé ; le dit club est, en effet, une association créée par les populations de ce
quartier, indépendamment de leur appartenance ethnique, pour s'occuper de
l'assainissement de leur cadre de vie. Ce qui est intéressant dans cette expérience,
c'est que ce club non seulement est une initiative propre des habitants de ce quartier
mais surtout qu'il fonctionne sans aucun appui institutionnel. La citoyenneté que cette
association expérimente n'a donc rien à voir avec la forme républicaine. C'est une
citoyenneté qui se structure au point d'articulation de plusieurs cultures et en dessous
de l'Etat notamment à l'échelle urbaine. Il en est de même des comités d'auto -
défense que l'on rencontre dans les divers quartiers des centres urbains camerounais et
dont l'objectif est d'endiguer l'insécurité qui règne alors dans ces cadres de vie.
Les citadins des villes de Douala et Yaoundé ont couramment recours à la violence « en
mettant en oeuvre la justice populaire » (Belomo Essono, 2001 : 6), pour faire échec à
cette insécurité, se détournant ainsi de l'appareil judiciaire étatique. Moins qu'un
retour à l'Etat de nature, il faut y voir une conduite collective qui dit le refus de
l'allégeance à l'ordre politique établi, une contestation de la citoyenneté
républicaine. Cet usage de la violence n'est pas non plus le fait d'une ethnie.
Sur un tout autre registre, nombre de pratiques et conduites sociales indiquent
l'émergence d'une forme inédite de citoyenneté liée à l'implication des citadins dans
le jeu international. Face à la conjoncture économique qui secoue le Cameroun depuis la
deuxième moitié de la décennie 80, les jeunes s'identifient de moins en moins à
l'Etat; pour eux, « l'étranger représente l'espoir » (Malaquais, 2001 : 106). D'où
l'émergence de cette citoyenneté que nous qualifions d'électronique : à Douala et
Yaoundé, les jeunes, particulièrement les filles, ont élu domicile dans les cybercafés
où ils passent la majeure partie de leurs journées les yeux rivés sur les écrans
d'ordinateurs et les doigts sur les claviers à la recherche de conjoints en Europe, au
Canada ou aux Etats-Unis (Malaquais, 2001 : 106). Avec les arts du Feyre (Malaquais, 2001
: 101) encore appelés Feymania , l'on a également assisté à la structuration d'une
citoyenneté de larnaque, qui se ressource également aux racines de pratiques
mafieuses tel que le blanchiment d'argent, dont la spécificité est d'échapper au
contrôle de l'Etat et d'avoir l'extraversion comme principe moteur. Ainsi les citadins
camerounais uoyagent pour aller développer les arts du Feyre à l'étranger (Malaquais,
2001 : 104) et revenir rouler carrosse au pays. Ainsi aussi les promoteurs d'ONG
s'enrichissent de l'usage à des fins personnelles des financements qui leur proviennent
des pays du Nord (Belomo Essono, 2001 ; Engola Oyeb, 1997 : 184).
Au total, les formes de citoyenneté qui se déploient dans les centres urbains
camerounais aujourd'hui sont aussi diverses que leurs acteurs. Pour tenter de les
catégoriser, elles sont en gros de deux sortes : celles qui se structurent à partir
d'une « référence fonctionnelle » (Leimdorfer, 1999) elles participent à
l'articulation de l'idée du bien commun à l'échelle urbaine et reposent sur des
pratiques qui contestent l'allégeance républicaine, et celles qui débordent le cadre
national, celui de l'Etat et échappent à son contrôle. C'est parce qu'elles
apparaissent comme une remise en question de l'Etat-nation au Cameroun que leur examen en
profondeur paraît intéressant pour tous ceux qui s'interrogent sur l'avenir de cette
forme d'organisation politique en Afrique.
Pour examiner le rapport entre ces logiques identitaires et les dynamiques de la
construction stato - nationale, une hypothèse nous sert de fil d'Ariane: la ville
camerounaise tend à instituer de nouvelles formes de citoyenneté dont le cadre de
référence se situe en deçà ou au - delà des frontières de l'Etat et qui débouchent
sur la déconstruction ou la reconsidération de l'identification à celui-ci. Mais le
propos de notre recherche déborde la problématique ainsi envisagée des défis
contemporains de l'Etat-nation au Cameroun. Etant entendu que toute crise, puisqu'il
s'agit bien d'une, est à la fois déconstruction et (re) construction (Dobry, 1995;
Balandier, 1989), cette hypothèse est apparue quelque peu limitée quant à l'explication
qu'elle fournissait au départ au sujet de ces nouvelles logiques identitaires.
Pour vider notre hypothèse de ses relents apocalyptiques, nous avons été conduit à
tirer profit de la thèse de lexit option (Hirschman, 1993) pour envisager les
pratiques en question comme des mouvements qui combinent arrachement et attachement
(Corcuff, 2001 : 174). En clair, nous envisageons les nouvelles logiques identitaires en
cours comme des formes de désengagement de l'ordre établi qui trahissent par la même
occasion un engagement à son remodelage. Elles s'instituent dès lors en modes et formes
de communication entre l'Etat et la société civile : elles expriment d'une part, la
conduite des pouvoirs publics à l'égard des catégories sociales à l'oeuvre dans ces
expériences inédites, et, de l'autre, les griefs que ces acteurs sociaux nourrissent à
l'encontre du pouvoir d'Etat.
Cette étude s'appuie sur la sociologie réflexive (Giddens, 1987 ; Bourdieu et Wacquant,
1992; Bourdieu, 1997) et sur le constructivisme méthodologique (Berger et Luckmann, 1989
; Corcuff, 1995). Les travaux de Michel de Certeau2 nous seront aussi d'un grand apport
pour cerner les sens que les acteurs de ces logiques identitaires leur impriment.
L'enquête a consisté à recueillir les discours desdits agents sur leurs pratiques à
l'aide d'un guide d'entretien. Dans la mesure où l'approche adoptée se veut moins
quantitative que qualitative, les données qui soutiennent la démonstration ont été
collectées auprès d'un échantillon réduit de quarante jeunes filles et garçons de 15
à 25 ans dans les villes de Douala et Yaoundé. Trois autorités administratives et sept
autorités municipales ont également été interrogées dans le but de sonder la
perception qu'elles ont de ces formes nouvelles de citoyenneté. Pour avoir la
représentation que les autres citadins ont de ces logiques identitaires, le regard qu'ils
jettent sur leurs acteurs, nous avons aussi organisé une discussion de groupe dans chaque
site de notre enquête. Cette dernière s'est effectuée au cours de la deuxième moitié
du mois de novembre 2002.
Le propos de ce travail se tient en deux parties de deux subdivisions chacune. Si la
première partie se veut descriptive, une sorte d'ethnographie des pratiques et logiques
identitaires des jeunes citadins camerounais, la seconde se veut analytique et vise
l'explication/la saisie de ces conduites quotidiennes.
I - PRATIQUES ET LOGIQUES IDENTITAIRES CHEZ LES JEUNES CITADINS CAMEROUNAIS
Cette partie s'emploie à décrire les formes et modes d'allégeance des jeunes citadins
camerounais en vue de repérer les pôles d'attraction et les repères identitaires à
partir desquels ces derniers construisent leur rapport à l'espace- temps et au monde.
A - Les socialités de proximité
Les formes d'allégeance émergentes et ambiantes dans le milieu jeune des centres urbains
camerounais sont de divers ordres, parmi les plus visibles se trouve celle relative à la
proximité. L'examen du réseau associatif au sein de cette catégorie sociale est apparu
pertinent à ce sujet pour mettre à jour cette allégeance à la proximité.
1 - L'espace de vie comme pôle identitaire
Avec la libéralisation du mouvement associatif consacrée par la loi n°90/053 du 19
décembre 1990, l'on va assister à une véritable effervescence dans ce domaine de
sociabilité. Cette fébrilité qui anime l'ensemble des centres urbains camerounais ne
laisse pas les jeunes citadins indifférents. A côté de la création des partis
politiques qui retient davantage l'attention des adultes, l'on peut remarquer une
revitalisation des espaces de sociabilité spécifiquement réservés à cette catégorie
sociale. L'examen attentif de ce réseau associatif révèle l'émergence du cadre de vie
comme référentiel. C'est ce que nous renseigne l'analyse des données collectées
auprès de nos informateurs à Douala et Yaoundé.
Tableau n°1 : Appartenance des jeunes à une association de promotion des intérêts
de leurs quartiers
oui |
Non |
Total |
|
Douala |
19 |
1 |
20 |
Yaoundé |
15 |
5 |
20 |
Total |
34 |
6 |
40 |
Source : notre enquête
Il ressort de ce tableau que la plupart des jeunes citadins
camerounais sont membres d'une association dont le référent est le quartier3. Sur les
six de notre échantillon qui ont déclaré n'appartenir à aucun regroupement de cet
ordre, l'on a perçu ce que nous appellerons provisoirement une attitude
d'auto-culpabilisation qui se manifeste par une litanie de justifications de cette absence
d'engagement. L'attachement au quartier prend ainsi une allure de norme. Il apparaît si
enraciné que nombre de nos informateurs ayant grandi dans un quartier et ne l'habitant
plus au moment de notre enquête nous ont révélé se sentir lié à ce cadre de vie
antérieur. Ils avouent même militer simultanément dans l'association de promotion de ce
dernier, même si cela se fait à un degré moindre lorsque l'on compare leur militance au
sein de celle du lieu de résidence actuel.
Ce qui est intéressant dans cette identification ou cette allégeance à la proximité
notamment au cadre de vie, c'est l'attitude qu'elle suscite à son égard. L'enquête
révèle que l'attachement au quartier se double/s'accompagne de l'engagement à sa
viabilisation. C'est dans cette mouvance que s'inscrivent les activités de mobilisation
endogène et d'auto- organisation des jeunes à Douala et à Yaoundé en vue d'assainir et
sécuriser leur cadre de vie. Ce sont là les deux principaux objectifs qui reviennent
dans les déclarations de nos interlocuteurs pour justifier leur adhésion à
l'association du quartier où ils vivent.
Ils avouent tous, y compris ceux qui ne sont pas adhérents, participer régulièrement
aux activités d'assainissement de leur cadre de vie. Ce qui montre que le sentiment
d'appartenance au quartier débouche sur l'articulation de l'idée de bien commun sur la
base de la référence à la proximité. Emerge alors une citoyenneté de type écologique
puisqu'il s'agit de s'occuper de l'environnement immédiat, de participer à son
amélioration ou tout au moins à sa préservation. Cette citoyenneté écologique est
cependant limitée au seul cadre de vie directe de ses acteurs qui reste au demeurant le
principe déterminant de sa structuration. Il ne s'agit donc pas de remplacer les pouvoirs
publics dans toute la ville. La substitution est géographiquement marquée ; la
circonscription de l'activité d'assainissement au seul cadre de vie de ses acteurs en est
la preuve. Ce qui motive l'action ici ce sont les intérêts locaux (Madiot, 2001 : 31)
qu'il ne faut pas confondre avec l'intérêt général, celui de tous les habitants de la
ville.
La même lecture peut être faite des groupes d'auto- défense qui ne sont autre que des
regroupements de jeunes vivant dans un même quartier en vue de le sécuriser. Face à la
montée du banditisme et surtout pour faire face à l'incurie des forces de l'ordre en la
matière, la plupart des quartiers de Yaoundé et de Douala se sont dotés de mouvements
de jeunes chargés sécuriser le cadre de vie immédiat (Chouala, 2001 : 37-38). Parmi les
34 jeunes de notre échantillon qui ont déclaré appartenir à une association de
promotion de leur quartier, 30 sont membres du groupe d'auto - défense de leur quartier.
Cette localisation de l'allégeance à la ville est confirmée par une constante, celle
relative aux contours des compétences spatiales de ces regroupements. Les activités
d'aucun groupe de sécurisation bâti à l'échelle du quartier ne débordent l'espace de
vie de ses acteurs. Ce qui atteste de l'émergence du cadre de vie comme pôle identitaire
et de la proximité comme principe directeur de la sociabilité dans les centres urbains
camerounais. Il n'y a cependant pas que ce type de proximité liée à l'espace qui
s'avère opérante dans la structuration des regroupements de jeunes en ville. Le terroir
demeure un référent important dans le milieu jeune.
2 - Le terroir comme pôle identitaire en ville
Si l'on en croit la plupart des écrits portant sur la ville, celle- ci est le cadre de
développement de l'anonymat et donc de ce que F. Tönnies appelle la Gesellschaft4. Son
avènement proclamerait la disparition des regroupements de type communautaires. Mais dans
nos deux sites d'enquête, l'on a pu observer comme une revanche du terroir sur les
centres urbains : il y'a une résistance de la proximité de type communautaire,
l'identification aux groupes primaires semble avoir intégrer l'urbanité avec laquelle
elle ferait corps. L'on assiste à une cohabitation des regroupements à référence
fonctionnelle et des associations à caractère communautaire.
Tous les 40 jeunes gens que nous avons rencontrés à Douala et Yaoundé avouent vivre
dans un quartier où les membres de leur ethnie d'appartenance sont majoritaires. Parmi
les 15 jeunes gens qui ont reconnu être responsables de leur propre hébergement, 12
affirment même que le choix de leur lieu de résidence a été dicté par la composition
sociologique du quartier. 18 des 25 sujets restant déclarent ne pas vouloir résider dans
un quartier à configuration différente lorsque l'occasion leur sera donnée de se
prendre en charge. Ce qui indique une allégeance du jeune citadin camerounais au groupe
primaire. L'explication souvent avancée pour justifier cette logique qui préside au
choix de la zone d'habitation en centre urbain au Cameroun « c'est la recherche d'une
sécurité et des voies de recours face à la dureté de la vie en ville » comme le
confesse Guillaume du quartier Madagascar à Yaoundé.
Ce qui précède atteste également que les jeunes citadins camerounais misent toujours
sur la solidarité de type communautaire. Mais l'identification au terroir n'est pas une
pratique exclusivement instrumentale, elle est aussi expressive ici : il s'agit d'une
stratégie de survie dans le milieu urbain qui se double de l'affirmation de l'attachement
au village, au groupe primaire d'appartenance. Valérie, une jeune Bamiléké de 28 ans
résidant au quartier New- Bell à Douala, affirme à ce sujet ce qui suit « j'ai
préféré venir habiter ici parmi mes frères pour ne pas perdre de vue les coutumes de
mon village ; j'avais peur d'arriver un jour au village et d'apparaître comme un
étranger pour les miens parce qu'on dit que la ville change souvent les gens ».
Cette articulation de la sociabilité de type communautaire dans le milieu jeune en ville
se présente aussi sous le visage de l'association des ressortissants de telle ou telle
localité villageoise. Tous les 40 individus interviewés au cours de notre enquête
avouent militer, avec qualité d'adhérent, dans une association des jeunes ressortissants
de leur village. Ce qui est porteur de signification sur leur allégeance à la proximité
de type communautaire. Les recherches de G. Séraphin sur le vivre et l'agir à Douala en
situation de crise permettent en effet d'observer que, au Cameroun, cc L'association met
très souvent en valeur les groupes et références sur lesquels se fonde l'individu pour
se constituer une identité » (Séraphin, 2000: 144). Dans ces conditions, il n'est donc
pas exagéré de tenir la militance pour une association de ressortissants d'un village
pour une pratique identitaire révélant l'intégration du communautaire dans les pôles
d'attraction affective en milieu urbain camerounais.
Toujours pour vérifier cet attachement du jeune citoyen camerounais vivant en ville à
son terroir, nous nous sommes intéressés au lieu où il aimerait se faire inhumer s'il
venait à décéder. Là aussi, les données collectées sont révélatrices d'une
profonde relation sentimentale entre le citadin et son village. Même ceux d'entre nos
informateurs qui nourrissent un projet de voyage pour aller faire fortune à l'extérieur
du pays sont unanimes sur leur désir de se voir mettre en sépulcre dans leur village en
cas de décès. Ils apparaissent, de ce point de vue, en situation de similarité avec les
nouveaux citadins abidjanais dont parle J.- M. Gibbal (Gibbal, 1974 : 302-06), ceux qui se
signalent par une fréquence de séjour au village démontrant que si leurs corps se
trouvent dans la capitale ivoirienne, leurs coeurs- eux sont ailleurs notamment dans leurs
localités d'origine. Cette référence au village comme lieu de sépulture atteste donc
aussi de son opérationnalité comme pôle identitaire en milieu urbain affirmant la
constitution de la proximité en référentiel. Ces pratiques qui participent de
l'affirmation du proche comme principe structurant de l'identification cohabitent avec
d'autres qui se fondent sur l'ailleurs.
B - L'ailleurs : un pôle identitaire émergent
L'ailleurs dont il est question ici renvoie à la catégorie sociologique du lointain, par
opposition au proche, que nous tenons de R. Bastide. Cet ailleurs s'inscrit dans la
mouvance des effets de la compression récente du temps et de l'espace sur les formes de
sociabilité en construction à la périphérie/au sud de l'hémisphère Nord.
L'introduction de l'Internet dans le quotidien des jeunes citadins camerounais est
porteuse d'une de ces socialités émergentes de même que l'attrait de l'ailleurs.
1 - Vers une citoyenneté électronique
L'avènement des inforoutes de la communication en Afrique à l'orée de la
décennie 80 ne s'est pas directement accompagné de la vulgarisation de leur usage. Cette
dernière a été progressive dans les centres urbains camerounais notamment à Douala et
Yaoundé jusqu'au détour de l'année 1995. Mais dès la deuxième moitié de la décennie
90, l'on a assisté à une véritable révolution en la matière. Apparaissent alors les
premiers cybercafés qui ouvrent l'usage des services offerts par Internet au grand
public. Aujourd'hui, surfer ou faire un "mail" est devenu une pratique
quotidienne pour les populations de Douala et Yaoundé. Les données de notre enquête
contenues dans le tableau qui suit sont éloquentes à ce sujet.
Tableau n°2 : La possessiond'une adresse par les jeunes citadins camerounais
Eff
Effectifs |
% % |
|
Po
Possède une boîte |
40 40 |
10 100 |
Ne
Ne possède pas |
0 |
0 |
To
Total |
40 40 |
10 100 |
A titre d'illustration, les 40 jeunes gens qui ont accepté de se soumettre à notre guide
d'entretien déclarent posséder chacun une boîte électronique. Interrogés sur le
nombre de fois qu'ils vont au cybercafé par semaine, 25 d'entre- eux ont reconnu qu'ils
fréquentent ce lieu deux fois par jour pour une durée allant entre une et trois heures
à chacun de leur passage, soit une fréquence de six heures/jour en valeur absolue.
Ce qui signifie que plus de la moitié des jeunes citadins camerounais passent un quart de
leur journée devant les écrans d'ordinateurs pour consulter leurs boîtes
électroniques, correspondre ou naviguer. Au total, l'Internet les occupe environ deux
jours (48 heures) par semaine. Les 15 autres individus restant de l'échantillon de jeunes
gens interrogés attestent se limiter à un ou deux séjours par semaine, d'une heure de
temps chacun, dans les cybercafés du fait de leurs occupations professionnelles.
Nous avons été amené à nous intéresser à la journée d'un internaute ayant six
heures de présence au cybercafé et voici ce que Hugues du quartier Ndokoti (Douala), un
jeune élève de terminale dans un établissement de la place nous a confié : Quand je me
lève le matin, je fais ma toilette ; puis, je vais au cours. Comme je reprends la classe,
dès qu'on sonne la récréation (9 heures 30 minutes), je sors pour ne plus revenir que
vers 13 heures. Je fais les cours de l'après midi qui me plaisent. Je sors avec tout le
monde (15 heures 30 minutes) et je repars au cyber avec mes camarades jusqu'à 18 heures.
En rentrant à la maison, j'explique à mes parents que je suis resté étudier à
l'établissement avec mes camarades.
Ce témoignage atteste de l'attrait que l'ailleurs, médiatisé ici par le cybercafé,
exerce sur les jeunes camerounais. Cette attraction apparaît si forte que leurs études
sont reléguées en seconde position.
Ici, comme le relève L'Effort camerounais - bimensuel catholique d'informations
paraissant à Douala - dans une de ses livraisons, le réseau des réseaux « sert
surtout- via les sites de rencontres et de dialogue en direct (chat (sic)) - à chercher
un Blanc ou une Blanche pour établir " une amitié sérieuse et durable pouvant
conduire au mariage " » (n° 307 (1292) du 25 juin au 08 juillet 2003 : 6).
L'utilisation d'Internet reste donc peu variée dans ce contexte ; elle se limite au
courrier électronique. La nature des sites fréquentés par nos internautes est
également peu diversifiée pour ne pas dire identiques. Les sites les plus fréquentés
sont ceux qui offrent des possibilités d'entrer en contact avec d'autres internautes à
la recherche du mariage dans l'hémisphère Nord5; comme on les appelle dans le milieu
jeune, ce sont les sites de rencontre ou de dialogue. Voici quelques noms que nous avons
enregistrés au cours de notre enquête : abcoeur, drague.com, drague.net, meetic,
rencontrons-nous.fr, amour.fr, hotmail.com (section tchat), caramail.com (section tchat),
yahoo messenger, etc. Le lecteur se rend facilement compte du caractère évocateur de ces
sites dont les dénominations en disent long sur la nature des services offerts.
Ce que nous a confié Tommy, gérant de cybercafé au quartier Madagascar à Yaoundé, est
fort révélateur de la conformité de ces dénominations avec la nature des services
sollicités par leurs internautes ; selon lui, en effet, « les garçons et les filles qui
viennent "surfer" cherchent surtout les sites où ils peuvent trouver les
demandes de mariages ». Cette représentation de la fréquentation du cybercafé dans les
centres urbains camerounais est si poussée que lorsque vous dites à quelqu'un que vous
étiez surfer, il comprend il/elle était cherché (e) un conjoint. Une histoire de
suicide d'une étudiante de l'Université de Buéa, dans le Cameroun anglophone, qui a
défrayé la chronique au cours du deuxième semestre de l'année académique 2001/02, est
venue renforcer l'imaginaire collectif à ce sujet. D'après l'anecdote, la jeune fille
aurait publié sa photo en tenue d'Adam et Eve sur Internet, photographie qui aurait été
découverte et publiée dans tout le campus par un autre étudiant de la même institution
universitaire. Folle de honte, la jeune fille aurait décidé de se donner la mort.
Vrai ou pas, ce que révèle cette histoire, c'est que l'imaginaire populaire des citadins
camerounais se représente la fréquentation des cybercafés comme une attitude
d'extraversion, une pratique qui débouche sur l'articulation d'un pôle de référence
nouveau en termes d'alliances. C'est dire que les jeunes camerounais s'identifient de
moins en moins à leur espace de vie national en termes d'union matrimoniale. Il suffit de
se rappeler que le mariage est une institution qui octroie des droits à ses contractants
autant qu'elle attribue des devoirs pour se rendre à l'évidence que l'on est là en
présence d'une pratique qui débouche sur la constitution de ses acteurs en citoyens
transnationaux ou du monde~.
Le référentiel à partir duquel se construisent ces liens transnationaux c'est
l'ailleurs. Car, en effet, par la même occasion où le jeune camerounais contracte un
mariage avec une Européenne, une Canadienne ou une citoyenne américaine, il provoque
l'activation du droit international en la matière, c'est ce dernier qui régie son union.
Ce qui le constitue, aussi bien que son conjoint ou sa compagne, en citoyens du monde.
Cette délocalisation du mariage s'accompagne de la personnalisation du lien matrimonial
qui était jusque- là une occasion d'alliance entre deux familles ou groupes sociaux8. Et
cette personnalisation du lien matrimonial rend possible l'inscription des jeunes citadins
camerounais dans un espace transnational de pratiques matrimoniales. Pour reprendre une
réflexion J. Ion parlant du recul de la militance en France, on assiste à une perte du
caractère rituel de ces dernières qui débouche sur le détachement, la rupture, « de
leurs points d'ancrage habituels, comme si elles échappaient au fonctionnement des
groupements » (Ion, 1997 : 58). C'est de cette façon que l'ailleurs émerge comme
référent ou pôle d'attraction. L'identification à l'ailleurs est enchâssée ici dans
l'affirmation du je contre le nous, de l'individuel au détriment du collectif. Les
nouvelles formes de migrations qui sont expérimentées au Cameroun depuis le début de la
décennie 90 ont également l'ailleurs pour référent.
2 - Le voyage
Il n'y a pas que les pratiques matrimoniales dans le milieu jeune pour attester de
l'émergence de l'ailleurs comme pôle d'attraction identitaire. L'une des choses qui
permettent également de l'affirmer est l'attrait des pays étrangers notamment
occidentaux sur la catégorie jeune. L'évaluation du nombre de candidats au départ que
l'on enregistre dans cette catégorie sociale est évocatrice à ce sujet. Parmi les 40
que nous avons rencontré dans le cadre de notre enquête, il n'y a que 4, soit un
dixième, qui ne sont pas candidats au départ du Cameroun pour aller vivre à
l'étranger. Cette observation rejoint par ailleurs celle de G. Séraphin qui fait le
constat que plus de la moitié de la population de plus de 16 ans vivant à Douala
expriment le désir d'aller à l'étranger même si leurs moyens matériels les cantonnent
dans l'univers du rêve (Séraphin, 2000 : 200). Les destinations qui sont régulièrement
revenues au cours de nos entretiens ne s'écartent que très peu des données collectées
par un jeune sociologue français : par ordre de préférence, c'est la France, les Etats-
Unis, l'Allemagne, le Canada, la Suisse ou encore le Gabon et l'Afrique du sud.
La plupart des jeunes camerounais ont ainsi fait de leur départ du pays une véritable
obsession. Toutes leurs petites économies n'ont de sens que parce qu'ils rêvent de
prendre l'avion un jour. C'est dire que ce désir est loin d'épargner même ceux d'entre
- eux qui possèdent un emploi sur place. Ainsi Denise Nathalie que nous avons rencontré
à Mimboman (Yaoundé), secrétaire de direction, qui « travaille en vue d'accumuler le
maximum d'argent pour aller en France dès que possible ». Les quartiers de Yaoundé et
de Douala ont chacun sa petite histoire d'un concubin qui, en rentrant de ses occupations
quotidiennes un soir, a découvert une lettre de sa conjointe l'informant de son voyage
pour un pays étranger. De même, elles sont nombreuses les jeunes Doualaises et
Yaoundéennes qui vivent l'oreille collée à un téléphone acheté pour la circonstance
et le regard tourné vers l'aéroport à l'attente, depuis deux ou trois ans, du retour
imminent d'un amant parti au front comme on dit dans le milieu jeune au Cameroun.
Si ces développements laissent en effet présager d'une adhésion collective de la
jeunesse camerounaise au désir irrésistible de partir du pays, cela ne signifie pas
qu'il n'existe pas un profil type du candidat à l'émigration. La description qu'en donne
G. Séraphin apparaît pertinente à ce sujet : « Plus précisément, ceux qui expriment
le plus vivement cette envie de partir à l'étranger sont les personnes jeunes, au niveau
scolaire élevé, pas encore responsable (fils ou fille du chef de ménage), survivant
grâce à un revenu relationnel élevé. La stratégie du départ est souhaitée (mais
peut difficilement être mise en oeuvre...) par ceux qui possèdent un maximum d'atouts
pour s'intégrer professionnellement à l'étranger (jeunesse, niveau d'études...) et qui
n'arrivent pas à conquérir un statut [sur place] » (Séraphin, 2000 : 200).
Les stratégies et les tactiques auxquelles les jeunes Camerounais ont recours pour
réussir à partir du pays sont à la mesure de l'importance et de l'enracinement de ce
virus de lémigration (Rosny (de), 2002 : 623) dont -elles rendent par ailleurs
compte. Elles vont de la voie officielle aux pratiques les plus insoupçonnables en
passant par les fugues à l'occasion de voyages de courte durée.
De notre enquête auprès des autorités administratives à Yaoundé et Douala, il ressort
que beaucoup de jeunes sont sortis du pays de façon légale. Certains pour aller
poursuivre leurs études ; d'autres pour aller rejoindre leurs parents installés à
l'étranger. Ceux - là ont emprunté la voie officielle. Une autre catégorie de jeunes a
opté pour la stratégie de la fugue. Ce sont ceux qui ont fait le choix de l'échappée
lors d'un séjour de courte durée à l'étranger pour une activité ponctuelle sous la
bannière d'une institution ayant requis leurs services9.
C'est l'expérience d'Alain, un jeune de 24 ans que nous avons rencontré à Mvog-Ada
(Yaoundé), à la faveur d'un séjour au bercail car il vit à Paris depuis quatre
années. Alain travaillait dans une entreprise de la place qui avait jugé utile de se
doter d'un cadre qualifié en matière de gestion des petites et moyennes entreprises.
Alain fut choisi, d'où son départ pour Lille en France. Après ses deux ans de
formation, il a fait part à son employeur de sa décision de ne pas revenir. Et c'est
ainsi qu'il y vit depuis deux ans. La voie de la fugue n'a pas épargné la jeunesse
militante et engagée des mouvements d'action catholique comme l'atteste l'amincissement
des rangs de la délégation camerounaise lors des Journées Mondiales de Jeunes (JMJ)
tenues en 2000 à Rome. Grande de deux cent soixante individus à son départ de Douala,
cette délégation n'a pu ramener que soixante de ses membres au bercail. Les autorités
diplomatiques italiennes manifestent encore leur amertume de n'avoir délivré aucun
permis de séjour de moyenne ou de longue durée à aucun de ces jeunes (Rosny (de), 2002
: 623). De même, aux jeux de la francophonie à Toronto deux ans plus tard, le titulaire
de la seule médaille d'or que le Cameroun avait glané, notamment en boxe, a préféré
faire une demande d'asile à l'Etat canadien que de rentrer célébrer son sacre au pays
avec les autorités politiques comme la coutume le veut.
Lorsque la possibilité de la fugue ne leur est pas offerte alors que la voie officielle
reste inaccessible, les jeunes citadins camerounais n'hésitent pas à recourir à des
technologies criminelles pour réaliser leur rêve de voyager. Tentant de justifier sa
stratégie, notamment son choix pour la fugue, Alain (de Mvog-Ada) nous a confié qu'il
connaît beaucoup de jeunes camerounais qui ont voyagé avec le visa d'un de leurs
compatriotes après avoir troqué la carte photo du titulaire avec la leur. De nombreux
informateurs rencontrés au cours de notre enquête ont reconnu avoir été en contact
avec des intermédiaires leurs proposant ce type de solution pour leurs permettre de
s'exiler.
De tout ce qui précède, on peut retenir que les mouvements migratoires des jeunes
citadins camerounais sont de moins en moins tournés vers des destinations à l'intérieur
du pays, leur référent c'est l'extérieur et tous les moyens apparaissent bons pourvu
qu'on arrive à partir du Cameroun.
II - ESSAI D'INTELLIGENCE DES NOUVELLES CONSTRUCTIONS IDENTITAIRES DES JEUNES
CITADINS CAMEROUNAIS
Cette partie entend saisir la portée de ces nouvelles trajectoires identitaires sur
l'intégration nationale et, partant, sur la construction stato-nationale au Cameroun
depuis quatre décennies. Il s'agit d'un engagement à aller débusquer le sens et la
puissance (G. Balandier, 1981) de ces pratiques sociales dont la jeunesse citadine est
l'acteur. Notre hypothèse ici est qu'elles annoncent la remise en question de
l'identification à l'Etat- nation de type jacobin et le déplacement/la mutation de
l'imaginaire collectif dans les centres urbains.
A - La conflictualisation de la citoyenneté de type jacobin
Les trente premières années d'indépendance du Cameroun ont été marquées par une
affirmation très prononcée du refus de la différence. Au nom de l'unité nationale, les
Camerounais ont été contraints de taire leurs particularismes. C'est ce que semble
remettre en question la ville et l'ailleurs en mettant en scène des pratiques
identitaires ouvertement inscrites en défiance de la logique qui a prévalu jusque- là.
1 - La ville contre l'Etat
L'une des hypothèses à partir de laquelle il nous est apparu pertinent de saisir les
pratiques à l'oeuvre dans les centres urbains camerounais est celle du rapport de la
ville à l'Etat. Il ne s'agit pas d'une conjecture récente que la ville tend à se
constituer par opposition à l'ordre établi (Habermas, 1986 ; Senett, 1980). Mais au
Cameroun, la visibilité de cette dialectique ne date pas de longtemps. La réactivation
de la société civile dont on parle de plus en plus depuis l'aube de la décennie 90
n'est pas étrangère à l'émergence de cette dynamique. Ceci apparaît d'autant plus
vrai que ce réveil de l'infrastructure civile de la société camerounaise s'est
révélé comme l'aboutissement d'un processus de détotalisation de l'ordre établi11. Ce
n'est donc pas un hasard si l'apparition des nouvelles pratiques identitaires en cours au
Cameroun dans le milieu de la jeunesse citadine coïncide en effet avec le mouvement
d'émancipation du corps social à l'endroit de l'autoritarisme érigé en règle de
gouvernement à Yaoundé.
A titre d'illustration, l'affirmation de l'appartenance ethnique comme pôle identitaire,
longtemps combattue par le discours officiel, a accompagné le mouvement revendicatif de
l'Etat de droit12. Elle est apparue, à bien des égards, comme un des visages de
l'émancipation de la société camerounaise vis- à - vis de la camisole de force dans
laquelle le pouvoir retenait les populations. Des événements plus ou moins récents
viennent confirmer cette lecture des choses tout en apportant la preuve de la
conflictualisation, de la démonopolisation et de la désétatisation de l'identification
citoyenne au Cameroun.
Parmi ces événements figurent les mobilisations populaires de l'ethnie duala en février
1995. Se disant minoritaire, cette dernière revendiquait « la gestion exclusive des
mairies de la ville de Douala » (Sindjoun, 1996 : 61) ; cette protestation visait
particulièrement les élus du SDF (Social Democratic Front) - parti qui avait raflé
pratiquement toutes les mairies de la ville de Douala aux municipales de 1992 - qui passe
pour être la structure politique de représentation du groupe que la presse désigne sous
le vocable anglo-bami , groupe « fondé sur les traits communs de la culture des
Grassfields (Province de l'Ouest et du Nord - Ouest) » (Sindjoun, 1996 : 61). Etant
entendu que « Douala, capitale économique du Cameroun, est surtout peuplé de gens venus
d'ailleurs » (Ela, 1983 : 52), la revendication des Duala peut paraître justifiée
surtout quand on sait que la constitution de janvier 1996 venait juste de consacrer les
notions très polémiques d' « autochtones » et de « minorités ». Il suffit cependant
de s'intéresser au peuplement de cette ville depuis la période coloniale, notamment
après la seconde guerre mondiale, pour constater qu'en raison de la sécularité des flux
migratoires multiples dont cette ville n'a jamais cessé d'être l'objet (Ela, 1983: 52),
ces revendications posent plutôt le problème de l'intégration nationale et, partant,
celui de la construction de la citoyenneté républicaine dans les centres urbains
camerounais. C'est l'affirmation de la prééminence de la conscience ethnique sur
l'allégeance nationale.
C'est également cette « prise en charge communautaire de la dynamique sociale »
(Sindjoun, 1996 : 61) qui est à l'uvre dans le débat qui a entouré la nomination
par le Saint Siège de Mgr. André Wouking, originaire des Grassfields, comme archevêque
métropolitain de Yaoundé. Les tracts distribués par les Ewondo et assimilés ne
récusaient pas le clerc mais son origine ethnique. On peut lire ce qui suit dans l'un de
ces tracts : « Disons non à un archevêque adorateur de crâne ! ». Or, l'on sait bien
que c'est dans les hauts plateaux de l'Ouest -Cameroun que la tradition veut que l'on
conserve les restes du crâne d'un ancêtre non seulement pour lui rendre un culte
d'adoration mais aussi pour y recourir à l'occasion des cérémonies d'expiation ou de
bénédiction. C'est dire que l'on est rentré dans une phase de remise en question
profonde de la citoyenneté multiculturelle sur laquelle la constitution de l'Etat -
nation camerounais a pourtant parié.
C'est ce retour en force et ostentatoire des particularismes, cette redécouverte des
différences à partir de l'affirmation de l'appartenance communautaire et leur usage dans
des pratiques s'inscrivant en défi au projet hégémonique bâti par Ahmadou Ahidjo que
nous appelons la revanche de Léthnie sur l'Etat13. Il s'agit en effet d'une revanche
parce que la politique de construction d'une identité nationale expérimentée jusque-
là se voulait ethnocidaire, d'où le refoulement de l'ethnie dans l'espace privé.
2 - La valeur heuristique du conflit : vers un contrat de citoyenneté
multiculturelle
Il est important d'interroger et de tenter de saisir le sens et le message dont la
conflictualisation de la citoyenneté de type jacobin est porteuse. L'expression
conflictualisation utilisée ici renvoie à un processus qui voit émerger une
confrontation symbolique entre deux trajectoires identitaires distinctes. Le conflit en
question est médiatisé par la contradiction qui se dégage de l'analyse des logiques
fonctionnelles des pratiques sociales s'inscrivant dans l'une et l'autre de ces voies de
fabrique sociale. En s'engageant dans une activité de valorisation et de défense des
intérêts des leurs, les regroupements de jeunes citadins de Douala et Yaoundé se
retrouvent au centre d'un conflit entre l'Etat et la ville. Comme l'attestent les données
analysées plus haut, le conflit en question se joue au détriment de la première de ces
deux entités. Son enjeu c'est la rédemption de la différence, c'est-à-dire la remise
en cause de l'universel abstrait dont le projet hégémonique mis en route par les
premiers gouvernants et soutenu par les actuels est porteur.
Ainsi abordé, le conflit apparaît moins comme la marque d'un dysfonctionnement du
système social camerounais que comme un phénomène derrière lequel se profile de
profondes mutations. Cette perspective d'analyse s'inspire des travaux de G. Simmel sur la
valeur du conflit dans l'intelligence de la dynamique de tout système social (1908). Pour
G. Simmel, le conflit est moins une pathologie qu'un phénomène normal dans la production
incessante du système social par lui-même. Il est au centre de la dynamique de la
société en même temps qu'il révèle la vitalité de cette dernière (1908 : 31-32).
L'on saisit alors pourquoi le conflit entre la ville et l'Etat, médiatisé par celui
entre l'ethnie et l'Etat, ne peut s'appréhender dans le cas d'espèce sans prendre en
compte le constat historique selon lequel «Les conflits...deviennent de plus en plus des
moyens de production du politique en Afrique» (Ben Hammouda, 1999 : 11). C'est tout ce
qui précède qui permet de comprendre que les mobilisations ethnico-politiques ou
religieuses de Douala et Yaoundé sont des lieux de médiatisation d'un rapport émergent
entre le corps social et le léviathan. Elles sont révélatrices d'une crise de
l'allégeance citoyenne de type républicain. L'on assiste en effet à une déconstruction
du jacobinisme dont cette forme de citoyenneté est porteuse. Le désassujettissement de
l'ethnie à l'égard de l'Etat-nation débouche aussi sur la recomposition du lien
politique de la ville à l'Etat : en tant que les centres urbains constituent le cadre de
déréalisation du lien jusqu'ici en vigueur entre l'ethnie et l'Etat, la ville se
révèle porteuse d'un potentiel d'indocilité et de nuisance non-négligeable pour le
projet hégémonique qui sert de support à la construction nationale au Cameroun.
Au demeurant, ce que veulent exprimer les acteurs des mobilisations qui médiatisent la
ville et les regroupements infra-étatiques (regroupements communautaires et associations
de proximité) comme alternative vis-à-vis de l'Etat c'est le refus d'une forme de
citoyenneté qui nie les différences et table sur la hiérarchisation de
l'identification. C'est le jacobinisme inhérent à la citoyenneté des quarante
premières années d'indépendance qui se trouve être en question derrière ces pratiques
identitaires. L'idée que ces acteurs sociaux mettent en lumière c'est que «
L'identification des citoyens à l'Etat n'épuise pas la réalité de leur identification
à divers groupes sociaux : tout dépend de l'opportunité et du contexte d'action. Les
identités ne sont pas nécessairement superposées suivant un mode hiérarchique ; elles
sont mobilisées en fonction des circonstances de lieu, de moment et d'action »
(Sindjoun, 2000 : 23). En d'autres termes, l'enjeu du conflit entre la ville et l'Etat
c'est la prise en compte de l'un et du multiple, de l'universel et du particulier, bref la
reconnaissance du pluralisme social et du multiculturalisme qui caractérisent la
société camerounaise dans la mise en route du projet d'Etat-nation. Ce conflit est donc
le lieu d'ouverture d'un débat sur le contrat de société sur lequel repose la
construction nationale au Cameroun. C'est un défi similaire que la référence des jeunes
à l'ailleurs impose à cette entreprise.
B - L'épreuve du cosmopolitisme inhérent à la mondialisation
La mondialisation se saisit comme la villagisation du monde sous l'effet de la compression
du temps et de l'espace (Abe, 2001 : 314). Nous l'avons qualifié ailleurs comme une
épreuve pour le continent africain tout entier (Abe, 2001). C'est la même figure qui est
convoquée ici pour étudier les contraintes qu'elle fait subir aux Etats africains
notamment au Cameroun. L'attrait de l'ailleurs au niveau du jeune camerounais est alors
analysé moins comme un phénomène endogène, comme tend à nous le faire croire une
certaine analyse quelque peu naïve (Rosny(de), 2002 : 625), qu'un effet induit du
cosmopolitisme dont le phénomène de la mondialisation est porteur et des développements
récents survenus dans les rapports de nos Etats à l'environnement international.
1 - L'imaginaire identitaire du jeune camerounais à Douala et Yaoundé
La mondialisation est porteuse d'un nouvel ordre du monde sous-tendu par la
méconnaissance des barrières et des différences. C'est le principe qui est à l'oeuvre
dans les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ou encore, derrière les
politiques économiques auxquelles les pays du Sud sont confrontés depuis la fin de la
décennie 80 par exemple. C'est cette polarisation inhérente à sa nature qui permet de
la rapprocher du cosmopolitisme pour voir en ce dernier une reproduction doctrinale de ce
principe de dédifférenciation propre à la mondialisation. En effet, en tant que
"théorie de la citoyenneté universelle" (Nkolo Foé, 2001 : 72), la doctrine
cosmopolitique soutient que « l'unité du genre humain interdit tout repli identitaire et
le refuge derrière les frontières nationales au nom d'une quelconque indépendance
nationale » (Nkolo Foé, 2001 : 72). Tout comme la mondialisation donc, elle encourage et
promeut la libre circulation, la libre entreprise, le libre établissement partout où le
désir se fait, bref une liberté dont les contours de jouissance sont identiques à ceux
du globe terrestre. Ce faisant; la doctrine cosmopolitique s'affirme comme une idéologie
qui opère à rebours de l'idée de construction nationale. Elle se pose contre l'idée
d'un Etat-nation ou, pour le dire autrement, d'une citoyenneté républicaine.
Pour les jeunes Etats africains, tel que le Cameroun, dont l'expérience de l'intégration
politique est à peine entamée, cette circonstance historique constitue une épreuve
particulière. Sur le plan de l'imaginaire collectif par exemple, la mise en route du
cosmopolitisme vient brouiller les repères identitaires renvoyant à l'Etat-nation. C'est
en cela qu'il apparaît comme un défi auquel l'identité nationale est confrontée.
L'ailleurs s'affirme en effet de plus en plus comme étant un repère identitaire pour la
jeunesse camerounaise que ce soit en termes de lieu d'attraction, de vie ou de choix d'un
conjoint pour la vie.
Le crédit et l'image des jeunes qui reviennent d'ailleurs, notamment d'un pays africain
autre que le Cameroun ou de l'Occident, auprès de leurs congénères restés au bercail
sont révélateurs à ce sujet. L'exemple des Fey Men est plein d'enseignements pour
l'analyste. Interrogés sur la manière dont ils perçoivent ces nouveaux riches qui ont
accumulé leur fortune par le biais du uoyage, peu de jeunes camerounais s'aventurent dans
des jugements dépréciatifs tant les voyageurs jouissent d'une bonne presse dans les
rangs de cette catégorie de la population camerounaise. C'est que le Fey Man constitue
ici une nouvelle figure de la réussite, tout un symbole (Malaquais, 2001 : 108-116 ;
Rosny(de), 2002 : 628-29).
L'on comprend alors pourquoi lorsqu'on demande à « un jeune ce qu'il veut faire
lorsqu'il sera adulte, il vous répondra : je veux devenir feyman » (Rosny(de) : 2002 :
629). Derrière le feyman se profile la figure de l'ailleurs qui devient ici une
ressource, une raison d'espérer et de vivre pour les jeunes générations camerounaises.
A Douala comme à Yaoundé, il n'y a aucun mérite que l'on reconnaît à un universitaire
qui a fait toutes ses études dans les universités locales. L'ailleurs se transforme
alors en fétiche.
La tenue vestimentaire en vigueur dans le milieu jeune rend également compte de ce
déclassement de l'ici au profit de l'ailleurs. Depuis peu, le look le plus en vue dans le
milieu jeune en zone urbaine, notamment à Douala et Yaoundé est une réplique tropicale
de la pop-culture américaine. La mode est donc à des parures empruntées au look en
vigueur dans le hip-hop. C'est ce que constate aussi D. Malaquais lorsqu'elle souligne que
« Au Cameroun, dan,s la seconde moitié des années 1990, dans les boîtes de nuit, les
hôtels huppés et la classe Espace d Air France, on voyait des jeunes gens vêtus de pied
en cap de produits de sport Nike, trademarh du Hip-hop américain. A Douala, on disait
d'un, homme ainsi sapé...qu'il était «niké» (Malaquais, 2001 : 107). L'on comprend
alors pourquoi la ligne de vêtements Afritude qui prône la valorisation de l'héritage
vestimentaire inspiré des costumes traditionnels locaux n'a enregistré qu'un succès
limité dans cette catégorie sociale.
Même l'esthétique corporelle n'est pas en laisse pour traduire cette adhésion à
l'ailleurs comme repère identitaire. Les années 90 sont aussi marquées par la
réapparition du look Youl-Brunner ; ce dernier se caractérise par le choix d'une
coiffure qui met en valeur le crâne. Celui-ci est alors rasé de très près. D'où les
multiples crânes tondus que l'on rencontre dans les rues de Yaoundé ou de Douala. C'est
aussi le retour des coiffures Pink ; bien que la Pink constitue une coiffure proprement
africaine que l'on retrouve chez nombre de figures historiques de l'Afrique subsaharienne
tel que Lumumba, l'on ne peut s'empêcher d'y voir une déconstruction à l'ancrage local
dans la mesure où ces coiffures font l'objet d'une réappropriation de la part du milieu
du hip-hop américain à la même période.
Sur le plan artistique, c'est également la musique d'ailleurs qui attire davantage les
jeunes urbains camerounais. L'identification au milieu du hip-hop américain est encore
plus visible ici. Les musiques les plus suivies et les plus sollicitées sont le rap ou la
raggae murfy. Les idoles de cette catégorie sociale dans le monde de la musique que nous
avons recueillies au cours de notre enquête sont là pour attester de cette observation.
Les noms qui reviennent sont suffisamment évocateurs à ce sujet : les Jackson (Michael
et Janet), Eric B. et Rakim, le groupe New Jack, ...R. Kelly, etc. On voit alors naître
des groupes locaux spécialisés dans le genre rap ou raggae murfy. Quelques noms suivent
pour se convaincre de cette attirance de l'ailleurs par les jeunes citadins camerounais :
le Bantou po'si, le Bantou clan qui s'emploient à tropicaliser ces deux genres musicaux
à la mode au pays de l'oncle Tom. Au cinéma, c'est également des films venus de ce
dernier pays qui font salle comble. La pratique du basket dans les villes camerounaises
est aussi revigorée à l'occasion. Même dans des quartiers où les infrastructures font
défaut, l'on rencontre des anneaux fixés à même le mur d'une barrière ou, plus
insolite encore, sur le tronc d'un arbre. Est-il utile de souligner ici que ce sport est
roi aux Etats-Unis. ?
Mais l'adhésion à l'ailleurs, ce n'est pas seulement ce pastiche du mode de vie du
milieu hip-hop américain. Il y a aussi un ailleurs glocalisé (Appadurai, 1993), si l'on
peut dire, notamment celui que l'on expérimente localement dans les groupes de prières
par le biais de l'évasion. Il s'agit ici d'une appropriation locale des effets de la
mondialisation, appropriation qui a pour cadre le champ du religieux. La loi n°90/053 du
19 décembre 1990 portant liberté d'association a débouché sur la recomposition du
champ religieux avec de nombreuses propositions de culte. Le fait marquant ici c'est
1`entrée en service des pentecôtismes (Rosny (de), 2002 : 630). Face à la crise
multiforme que connaît alors le Cameroun en ce début de la décennie 90, ces nouvelles
associations de foi vont se révéler comme une voie d'évasion pour les jeunes en proie
aux difficultés de toutes sortes. Le discours d'alors des pentecôtismes est en effet
très séducteur : le monde est présenté comme le règne du Satan et des forces du Mal
rendues responsables de la précarité ambiante et des difficultés éprouvées. Et ce que
proposent ces nouvelles associations religieuses à leurs adeptes notamment les jeunes,
c'est de les sortir de cette situation par le biais de la prière présentée dans cette
optique comme «un combat mené avec et par l'Esprit Saint contre les forces du Mal
incarnées en Satan» (Rosny (de), 2002 : 631). Nombre de jeunes citadins camerounais
vivent ainsi déconnectés de la réalité en raison de la promesse de l'avènement
prochain de cette société nouvelle. Ce constat nous introduit dans l'intelligence des
logiques identitaires faisant allégeance à l'ailleurs dont la ville camerounaise est le
théâtre.
2 - Saisir l'allégeance à l'ailleurs en milieu urbain camerounais
L'explication la plus commode ici serait d'indexer les médias satellitaires, notamment
leur flot d'images présentant les pays occidentaux sous un jour radieux. (Malaquais, 2001
: 107). Mais il s'agirait d'une lecture superficielle et trop rapide, qui ne reflète pas
la réalité. A fin d'esquiver les faiblesses inhérentes à ce mode d'explication nous
prenons le parti de comprendre l'allégeance à l'ailleurs en milieu jeune à partir de la
piste des difficultés qu'ils éprouvent à vivre en milieu urbain depuis la fin de la
décennie 80. Cette piste de lecture se connecte à une autre sans laquelle elle ne
saurait faire pleinement sens, c'est celle des contraintes induites des injonctions
occidentales aux pays de l'Afrique subsaharienne (Mappa, 1995).
Nombre de dynamiques internes récentes relatives à la situation du jeune en ville
aujourd'hui permettent en effet de comprendre la tendance actuelle des jeunes citadins
camerounais à émigrer vers les pays occidentaux. Tout d'abord, le désir d'émigration
du jeune citadin camerounais peut s'appréhender comme la réponse à la crise ambiante
des repères. Les anciens repères ont connu un déclassement sans précédent. Ainsi
celui de la légendaire solidarité africaine jusqu'ici opératoire pour l'accueil des
nouveaux venus ou des proches en difficulté en milieu urbain au Cameroun. Dans la ville
camerounaise, le devoir d'assistance des aînés aux cadets est vécu aujourd'hui par les
premiers comme une solidarité paralysante (Chandom-Moët, 1998 : 15).
Deux choses au moins permettent de soutenir cette thèse : la restriction du cercle de
parenté et le recul progressif de l'obligation de redistribution à laquelle était tenu
un nanti. Les baisses drastiques de salaires survenues au cours de la première moitié de
la décennie 90 ont débouché sur un décuplement sensible du coût de la vie en ville.
Cette hausse du coût de la vie a provoqué une mutation du lien social classique en
Afrique. Depuis le renchérissement du coût de vie en milieu urbain, les liens familiaux
tendent à se restreindre : de la famille élargie, l'on assiste à l'émergence de la
restriction comme principe de définition. Par ailleurs, l'affirmation de l'autonomie
individuelle se fait au détriment de la valorisation de la séculaire obligation de
redistribution à laquelle était tenu celui qui avait suffisamment accumulé. Le fortuné
ou celui qui est perçu comme tel a de moins en moins peur des attaques en sorcellerie, il
« cherche à se protéger des rancoeurs réelles ou supposées de parents qui s'estiment
injustement laissés pour compte » (Joseph-Laurent, 2002 : 107).
Or, du fait de leur extrême précarité (Kobou, 1999 : 134-36), les jeunes constituent la
couche sociale la plus vulnérable aujourd'hui en milieu urbain camerounais. C'est dans ce
sens que l'on peut saisir l'allégeance à l'ailleurs ici comme l'expression de la rupture
d'un ordre social sur lequel les acteurs de cette logique identitaire prenait appui pour
vivre en ville. C'est parce que la ville est devenue un risque en Afrique (Chandom-Moët,
1998) au moment où le village offre moins d'espoir que l'on assiste au déclassement de
l'identification à l'ici pour l'ailleurs. Dans ce sens, l'intelligence de l'émergence de
ce dernier en tant que le repère identitaire peut se ramener à l'hypothèse que J.-M.
Ela avance pour expliquer le phénomène de l'exode rural en Afrique : ce que les jeunes
fuient c'est moins la sorcellerie que la précarité ambiante et la situation de blocage
que leur impose la vie au village (Ela, 1990 : 165).
Dès lors, l'allégeance à l'ailleurs se vide de son élan apocalyptique de
déconstruction de l'ordre étatique pour s'instituer en un mode d'expression inédit qui
médiatise la condition juvénile, celle de marginalisation, et la crise des repères
locaux de survie en ville. De ce point de vue, le déclassement du local au profit de
l'ailleurs traduit l'échec des politiques d'insertion sociale de la jeunesse citadine au
Cameroun. Les propos de Martin, un jeune camerounais de 20 ans vivant à Paris, que nous
avons rencontré au cours de notre enquête à Mvog-Ada, quartier chaud de Yaoundé, sont
éloquents à ce sujet. Pour motiver son départ, il nous a confié ce qui suit : « Je
suis parti parce que ici sur place, j'ai tout essayé et j'ai constaté que l'univers de
la réussite était obscur ».
De ce qui précède, il ressort que les jeunes qui migrent en Occident et les candidats au
voyage s'inscrivent dans une solution d'Exit Option. Il s'agit de se soustraire non de
l'Etat mais de l'avenir que son fonctionnement leur réserve. Ceci apparaît d'autant plus
vrai que leur départ n'est jamais conçu comme une solution radicale. E. de Rosny aboutit
au même constat lorsqu'il relève que « Un trait est...caractéristique à l'Afrique
subsaharienne, et en tout cas au Cameroun, qui demeure aussi bien dans l'esprit de celui
qui a réussi à s'envoler que de celui qui en rêve : c'est cette recherche d'un statut
ou d'une reconnaissance sociale auprès des siens. Peu de jeunes, me semble t-il, partent
avec l'idée de s'expatrier pour de bon. » (Rosny (de), 2002 : 628).
Vu sous cet angle, le problème que pose l'émergence de l'ailleurs comme pôle
identitaire en milieu citadin jeune au Cameroun n'est pas exclusivement un défi pour
l'Etat-nation en construction. Il se double de la dénonciation du discours officiel selon
lequel la jeunesse est le fer de lance de la nation. L'on se retrouve du coup en face
d'une pratique qui dénonce le fonctionnement de l'Etat camerounais en lui imputant la
responsabilité de l'exclusion sociale que connaissent les catégories sociales
vulnérables depuis l'avènement de la conjoncture économique. Quand on sait que la fin
du Welfare State est la conséquence des injonctions occidentales aux pays africains, l'on
comprend que les pratiques identitaires ayant l'ailleurs comme référent débouchent sur
la remise en question des résultats des politiques d'ajustement structurel auxquels ces
pays sont soumis depuis la fin de la décennie 80 par les institutions de Bretton Woods.
CONCLUSION : L'ENGLOBEMENT DES CONTRAIRESl4
Dans le présent travail, nous avons voulu démontrer que la construction républicaine
camerounaise est à l'épreuve des logiques identitaires à l'oeuvre dans le milieu urbain
au sein des catégories sociales les plus vulnérables, notamment les jeunes. Autant elle
doit faire face au multiculturalisme, autant elle se doit de glocaliser (Appadurai, 1993)
le temps mondial. Il nous est apparu que ces défis contemporains participent de deux
trajectoires apparemment contradictoires mais, à la réalité, complémentaires à bien
des égards. Ainsi, observées au premier niveau, les logiques identitaires que nous
venons d'étudier peuvent s'appréhender comme des processus sociaux de déconstruction de
l'Etat-nation. Et dans une certaine mesure, à partir d'une analyse s'intéressant au
second degré de leur signification, ces mêmes pratiques se révèlent être des modes
d'expression qui disent le drame quotidien des catégories sociales qui y sont engagées.
En effet, comme le relève Y.-A. Chouala, s'inspirant des travaux de N. Elias (1991), «
les actions et les stratégies pour s'éloigner, contourner ou sortir de l'Etat sont des
comportements par rapport à l'Etat, donc dans une certaine mesure étatisées » (2002 :
524). Et c'est dans ce sens que l'on peut voir en lesdites logiques identitaires des
conduites de crise faisant léloge du mouvement (Balandier, 1989), c'est-à-dire des
pratiques remettant en cause la forme d'Etat en cours actuellement au Cameroun et militant
par la même occasion pour sa réforme.
NOTES
l. Au Cameroun, le terme « Biafrais » désigne à l'origine les Nigérians, mais, pour
marquer l'altérité et le rejet, les Camerounais d'expression française l'utilisent pour
désigner leurs concitoyens dont la première langue est l'anglais.
2. Ce qui retient notre attention ici c'est son approche du quotidien en termes de
pratiques porteuses de sens et de signification, voir M. de Certeau : 1980- L'invention du
quotidien, t. 1 : Arts de faire, Paris, UGE, coll. « 10/18 ».
3. Pour G. Séraphin, la militance dans une association est une constante des populations
de Douala ; il observe que 63% des acteurs sociaux âgés de plus de 16 ans vivant dans
cette ville sont membres d'au moins une association d'une manière générale, in G.
Séraphin : 2000- Vivre à Douala : l'imaginaire et l'action d'une ville africaine en
crise, Paris, l'Harmattan, coll. «Villes et entreprises», p. 143. L'on comprend dès
lors avec beaucoup d'aisance l'écart qui existe dans l'appartenance à une association de
quartier entre les jeunes de Douala et ceux de Yaoundé.
4. Le terme allemand Gesellschaft a été traduit en français par société, celle-ci se
définit habituellement par opposition à la communauté, autre concept forgé par le
sociologue allemand F. Tônnies. Dans la littérature disponible sur ces deux notions, il
est généralement admis que la communauté est une collectivité d'individus unis par des
liens naturels ou spontanés et ayant des objectifs communs qui transcendent les
intérêts particuliers de chacun, alors que la société se présente sous le visage d'un
regroupement de personnes structuré sur la base d'intérêts individuels qui entrent en
compétition les uns les autres, il y'a dans la société un sentiment d'indifférence à
l'égard de tout ce que fait l'autre. Sur ces deux notions, voir G. Rocher : 1968-
Introduction générale à la sociologie, t.2 : Lorganisation sociale, Paris, éd.
HMH, coll. »Points », pp.52- 3.
5. Malaquais fait le même constat lorsqu'elle souligne que « Au cours des deux
dernières années [1999 et 2000], Douala et Yaoundé se sont dotées de nombreux
cybercafés. On y trouve à tout moment des jeunes femmes, les yeux rivés sur les écrans
d'ordinateurs... Beaucoup s'intéressent aux services de courriels gratuits proposés par
les portails Yahoo et Hotmail. Elles s'y rendent pour correspondre avec des hommes en
Europe, au Canada, aux Etats- Unis. Le but ? Trouver au loin un conjoint et quitter le
pays », in D. Malaquais : 2001- « Arts du Feyre au Cameroun », Politique africaine, 82,
juin, "Nouvelle figures de la réussite", p. 106.
6. Que cette anecdote ne soit pas vérifiée ne doit pas nous faire perdre de vue qu'elle
dévoile une réalité dont l'expérience peut être faite par quiconque le souhaite à
savoir, comme le souligne D. Le Breton, que « Sur Internet, d'innombrables photos
pornographiques ou pédophiliques circulent chargées par des agences qui font payer un
droit d'accès ou par des particuliers qui les envoient sur le réseau ou procèdent à
des échanges avec d'autres usagers», in D. Le Breton : 1999 -« L'amour sans corps : de
la cybersexualité », Bastidiana, 27- 8, juil- déc., "Sexualité et
sociétés", p. 204
7. Il ne s'agit pas pour nous d'adhérer ici aux excès de la thèse de l'extraversion
soutenue par J. - F. Bayart ; thèse qui fait de l'Afrique un acteur de sa propre
marginalisation/dépendance et, partant, de la globalisation à luvre
aujourd'hui. Lire à ce sujet J. - F. Bayart : 1999- «L'Afrique dans le monde : une
histoire d'extraversion », Critique internationale, 5, automne, pp. 97- 120.
8. Nous tenons à remercier l'anthropologue camerounais S. C. Abega qui nous a suggéré
cette lecture féconde des choses qui nous échappait.
9. Nous tenons ces informations de nos entretiens avec le sous - préfet de Douala 3è qui
a bien voulu se soumettre à notre enquête.
10. Au sujet de la réactivation de la société civile au Cameroun, le lecteur pourra
consulter avec intérêt M. D. Ebolo « De la société civile mythique à la société
civile impure : entre assujettissement, émancipation et collusion », in L. Sindjoun : La
révolution passive au Cameroun. Etat, société et changement, Dakar, CODESRIA, coll.
«série de livres du CODESRIA », pp. 67- 100 ; P. Moukoko Mbonjo: 1993- « Le retour du
multipartisme au Cameroun », in G. Conac : L'Afrique en transition vers le pluralisme
politique, Paris, Economica, pp. 240- 46, etc..
11. C'est l'approche que J.- F. Bayart emprunte pour rendre compte de la structuration de
la société civile en Afrique, voir de cet auteur : « La revanche des sociétés
africaines », in J.- F. Bayart et al : La politique par le bas en Afrique noire, Paris,
Paris, Karthala, coll « les Afriques », pp. 65- 106 ; voir aussi notre article : «
Problématique de la société civile en Afrique : la contribution de la sociologie de
l'entrecroisement des civilisations », Bastidiana, 33- 34, "Regards sur l'Afrique
noire", p.237.
12. Pour l'économie des luttes tribales et de l'ostentation de l'ethnie dans l'espace
public au Camreroun, voir L. Sindjoun, 1998, La politique daffection en, Afrique
noire, Boston, African Studies Center, /GRAF.
13. Cette analyse rejoint celle de C.- P. Belomo Essono qui parle de la revanche de
l'ethnie face à l'Etat, pour décrire la pratique qui consiste pour un groupe ethnique à
interpréter la nomination d'un de ses membres dans le gouvernement ou à un haut poste de
l'administration publique comme une inscription collective dans le champ officiel de la
manducation de l'Etat; le groupe mange alors ce dernier à travers les divers réseaux mis
en place pour la redistribution de la richesse accumulée par son fils ainsi nommé, voir
de cet auteur : 2001- «Etat et logiques citoyennes de (dé)(re)constructions au
Cameroun», communication présentée au 13è congrès biennal de l'association africaine
de science politique, Yaoundé, 19- 22 juin, pp.l2- 3.
14. Nous empruntons cette expression à l'anthropologue français E. Leroy, voir de cet
auteur : 1998 -« Repenser l'Etat », interview réalisée par M. Fall pour Le courrier
ACP/UE, 171, sept-oct.
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