|
COMMENT LES "IDEES" PASSENT DANS "L'ACTION" LE CHANGEMENT DE DISCOURS PUBLIC EN MATIERE ECONOMIQUE AU CAMEROUN
par Stéphane ENGUELEGUELE Avocat à la Cour Faisant la synthèse des principales approches de laction publique construites par les politises dans les années cinquante et soixante, Jean-Claude Thoenig caractérise une politique publique par cinq traits : lexistence dun contenu produit du travail gouvernemental, des éléments de décision mesurant le caractère autoritaire de lallocation politique des valeurs, la désignation dun cadre plus large pour laction étatique, lexistence dun " public-cible " qui constitue la clientèle de la politique publique et, des objectifs rationnels en finalité puisque toute politique publique ambitionne " datteindre des objectifs, de mettre en oeuvre des valeurs, de satisfaire des intérêts ". Une politique publique consiste en actions concrètes, mais passe aussi par la production de discours, de messages ; elle peut même référer aux symboles, consister en signes divers adressés aux publics, et à travers eux, à des électorats. Lanalyse des discours publics peut dès lors constituer un moyen de comprendre laction publique, et de mesurer les renouvellements dont elle est lobjet au Cameroun depuis le milieu des années quatre-vingt. Laction publique revêt de fait une dimension normative que la seule focalisation sur les stratégies dacteurs impliqués dans lélaboration des politiques publiques peut conduire à occulter. Cest le grief majeur que lon peut faire au pluralisme classique appliqué à lanalyse des politiques publiques, ainsi quaux reconceptualisations dont il est lobjet depuis la fin des années soixante-dix. Dans sa version classique, le pluralisme postule que les politiques publiques sont des produits des interactions nombreuses qui traversent le marché politique, et qui jalonnent les échanges entre les professionnels de la politique et les groupes dintérêts. Le champ politique obéirait à une structuration de type polyarchique, et les politiques publiques cristalliseraient un équilibre dans la confrontation des intérêts portés par des organes de représentation et par une pluralité délites régulièrement renouvelées , et entre lesquelles existe un consensus sur les règles de la compétition politique ; cette structuration particulière requiert par ailleurs que la participation politique de la population soit mesurée, quelle ne compromette pas lefficacité du gouvernement polyarchique . Comme le marché économique, le marché politique voit la confrontation dun grand nombre dentrepreneurs politiques qui rivalisent pour différencier des produits régulièrement soumis à larbitrage de consommateurs de " biens politiques " ; au nombre de ces produits figurent les politiques publiques auxquelles les électeurs manifestent leur adhésion lors des consultations électorales . Les politiques publiques résulteraient dès lors de la libre confrontation entre des demandes sociales et des offres politiques, et mesureraient la capacité délites plurielles de satisfaire aux besoins sociaux, quelles doivent identifier et traiter en conséquence. Dans lanalyse de laction publique, cette " vision libérale " conduit à identifier les protagonistes de linteraction politique, et commande de reconstituer leurs stratégies, ainsi que les modalités de leurs négociations. Plutôt que de centrer la réflexion sur les demandes, certains tenants du pluralisme ont insisté sur la construction de loffre. Mettant en évidence ce que la construction des politiques publiques doit aux stratégies des administrations et des élus, beaucoup dauteurs ont en effet dénoncé les biais résultant dune surdétermination de laction politique par loffre : maintenant de manière artificielle la demande dintervention publique à un niveau élevé, les professionnels de la politique anticipent leur réélection en satisfaisant a priori les besoins de leurs administrés , alors même que les responsables des administrations étendent de plus en plus le domaine de laction étatique . On trouve une version contemporaine de ces thèses dans les analyses dauteurs qui appellent au repli de lÉtat, ou constatent " le réajustement de la place occupée par ladministration dans la société ". Un modèle théorique actuellement dominant ambitionne de porter sur le pluralisme classique un regard plus critique : le modèle des réseaux daction publique. Le développement de cette problématique dans la science politique anglo-saxonne puis en France correspond à un bouillonnement intellectuel que lon pouvait considérer de deux manières. Comme le suggèrent Kenis et Schneider , il pouvait dabord sagir dun phénomène lié aux transformations des modes daction publics : les changements des mécanismes de lintervention publique commanderaient dinventer de nouveaux instruments de recherche, capables de rendre compte dune réalité qui sest désormais transformée. On pouvait ensuite y voir, un mouvement lié à la remise en cause globale des paradigmes qui, jusqualors, présidaient seuls à lanalyse des politiques publiques : le pluralisme et le néo-corporatisme. Les travaux proposés entre la fin des années soixante-dix et la fin des années quatre-vingt attestent quil sagit dune reformulation de problématique interne au champ des politiques publiques . Le concept reste encore assez vague, et cette instabilité sobserve à linexistence dune définition précise des réseaux de politique publique. Pour certains auteurs, il sagit de modes dintermédiation dintérêts entre la société civile et lÉtat, " le terme de réseaux daction publique (servant) ici de terme générique englobant tous les types " ; dautres ny voient quun équivalent du concept de " groupe " en science politique, alors même quà la suite de Heclo et Wildawsky dans leurs travaux sur " Whitehall ", quelques auteurs instituent un dédoublement au sein du concept, entre les " policy communities " et les autres types de réseaux. Jordan opère ainsi une distinction entre deux types de construits, selon quexiste ou non entre les membres du réseau, des représentations identiques de laction à entreprendre : les communautés de politique publique sont " a special type of stable networks, which has advantage in encouraging bargaining in policy resolution.(...) A policy community exist where there are effective shared " community " views on the problem. Where there are no such shared views, no community exist ". Rhodes et Marsh distinguent quant à eux les communautés de politique publique et les " réseaux thématiques " ou " réseaux par question " : " un tel réseau implique seulement une consultation à propos des politiques publiques, avec la participation dun grand nombre dacteurs ; une interaction qui fluctue avec un accès pour tous les membres ; labsence dun consensus et la présence de conflit ; une interaction qui se fonde sur la consultation plutôt que sur la négociation ou le marchandage ; des relations inégales de pouvoir dans lesquelles de nombreux participants peuvent avoir peu de ressources, peu daccès et aucune alternative ". Lapproche par réseaux conduit à avoir une vision " désagrégée " de laction publique; malgré la multiplicité des définitions, les auteurs saccordent de fait autour de quelques points : 1- lexistence de plusieurs acteurs dans le cadre dune politique sectorielle ; 2- des interactions intenses entre ces acteurs, reposant sur lexistence de références et dintérêts partagés, ce qui induit un certain consensus sur la politique considérée ; 3- une interdépendance élevée ; 4- la fermeture du réseau et son isolement par rapport à son environnement, ce qui limite ladmission de nouveaux membres. Outre son ambiguïté, le modèle de " policy networks " présente quatre inconvénients : 1- le dédoublement que certains auteurs ont introduit entre les " réseaux " et les " communautés " de politique publique contribue à les aligner sur lopposition pluralisme/ corporatisme quil sagit principalement de dépasser ; 2- lapproche sous-estime lincidence de la configuration interne du secteur sur la structuration des réseaux sociaux qui le composent, et naccordent que peu dintérêt aux relations entre les différentes communautés de politique publique par-delà les secteurs ; 3-lapproche est très statique : focalisant lessentiel de la recherche sur lidentification des regroupements dacteurs qui interagissent dans le cadre dune politique sectorielle, elle occulte le changement ; enfin 4- elle naccorde que très peu dintérêt à la dimension cognitive de laction publique ; ce faisant, elle interdit de penser le rapport qui sétablit dans les politiques publiques entre les idées, les connaissances et laction. Laction publique suppose quau préalables soient définis le cadre et les cibles des politiques ; elle consiste aussi en activités variées par le biais desquelles sont mis en forme de nouveaux cadres de pensée pour les politiques gouvernementales. Cest dailleurs au moyen de ces activités cognitives quest produit lassentiment des assujettis aux programmes daction conduits, et quest légitimée laction politique dans le secteur qui fait lobjet dune intervention des autorités publiques. Systématisé par les " politistes grenoblois " à partir des travaux de L. Nizard sur la planification, le concept de référentiel pourrait être couplé à lapproche par réseaux, et savérer dune certaine utilité pour lanalyse du changement des matrices conceptuelles des politiques publiques. Le référentiel est la représentation que lon se fait du secteur ainsi que sa place et son rôle dans la société ; il est construit par un médiateur, cest-à-dire " lacteur, groupe ou individu (qui dit) la " vérité du moment (...) et créé les conditions politiques de la définition dun nouvel espace dexpression des intérêts sociaux à partir dun cadre de référence à la fois normatif et cognitif dans lequel les différents acteurs vont pouvoir mobiliser des ressources et nouer des conflits " . Analyser le changement des principes daction publics à partir du modèle de référentiel supposerait lidentification des acteurs auxquels est impartie la conversion de " lévolution idéologique en choix politiques ". Ce modèle est cependant sous-tendu par une théorie de lÉtat qui nest pas recevable dans les systèmes politiques qui nous occupent. La définition du référentiel suppose lexistence dun État investi dune mission de mise en ordre du système social où des secteurs, de plus en plus nombreux, tendent à sautonomiser et à sauto-reproduire ; or comme le remarque Pierre Muller, " une société sectorisée a nécessairement besoin dune instance extérieure pour réguler sa propre reproduction. Linstance cest lÉtat, son moyen daction, les politiques sectorielles ". La sectorisation fait peser sur la société un risque de désintégration, alors même que limbrication sans cesse croissante des fonctions sociales rend indispensable une adaptation et une mise en cohérence. Technocrates ou opérateurs sectoriels, les médiateurs mettent en forme le langage qui justifie lintervention étatique et légitime sa fonction de régulation. LÉtat au Cameroun na pas un tel rôle ; poursuivant une " vague " stratégie de planification du changement, il procède, dans des configurations variées, à larbitrage des conflits qui opposent divers systèmes dintérêts. LÉtat est ici une variété dentreprise politique caractérisée par un certain niveau de concentration de la contrainte, et organisant les interactions entre les groupes dintérêt localisés dans la " public " ou le " privé ". Imperceptible mais certain, un changement subtil est à loeuvre dans laction publique au Cameroun, spécialement en matière économique. Il nest que danalyser le discours des élites chargées de conduire la politique économique pour montrer que lon assiste à un déplacement inédit des priorités de laction gouvernementale. Comment rendre compte de linflexion des principes daction publics, et comment comprendre les mutations des discours et des programmes gouvernementaux en matière économique ? Il convient dexpérimenter des schémas danalyse qui, tout en permettant dintégrer les idées et les connaissances dans la formulation des politiques publiques, autorisent une analyse des transformations à loeuvre ainsi que létude des acteurs qui en sont les protagonistes (I). Il faut également, tout en insistant sur les traits propres de lÉtat au Cameroun, suggérer une approche des processus de changement dans les politiques publiques économiques (II).
I. Les acteurs du changement de la politique économique En quelques années, les paradigmes de laction étatique au Cameroun se sont transformés, les autorités privilégiant des stratégies dassainissement des finances publiques et de libéralisation de léconomie, à la légendaire politique de gonflement de la sphère publique dont les conséquences, un temps masquées par lembellie pétrolière, ne devaient pas manquer de se faire sentir . Les premières manifestations de ce changement de paradigme sont visibles au tournant des années 88-90 lorsque la thématique de lajustement structurel entre dans le discours public, pour concrétiser une stratégie économique singulière prétendant juguler lendettement croissant et létat de " panne " du système économique. Cette transformation a des traductions concrètes : au-delà du coût social de la politique de rigueur économique, certains indicateurs sont progressivement sortis du " rouge " : le taux moyen de croissance qui voisinait -6,6% se situe désormais à un niveau réel de 4% du produit intérieur brut, malgré la constance à un niveau élevé de linflation ; très largement déficitaire dans les années 80, le déficit de la balance des paiements semble se stabiliser à 2% du produit intérieur brut. Le changement sobserve aussi dans les discours : comme pour prouver leur compétence, en tout cas la compatibilité de leurs stratégies avec les contraintes du nouveau contexte économique et les données du nouveau paradigme, les acteurs politiques multiplient les usages rhétoriques de " catégories économiques " qui deviennent alors des composantes de la langue politique. Renonçant aux fictions qui singularisaient le discours politique des années dindépendance et post-indépendance (" lunité nationale ", " le développement auto-centré ", le " libéralisme communautaire "...), les acteurs des politiques publiques feraient de la " bonne gouvernance " , de lefficacité et de la performance en économie, des conditions du " redressement national ". Dans certaines déclarations, linvocation de ces catégories confine au catalogue : " les signes dun redressement économique sont réels et visibles. Nous avons un taux de croissance qui est maintenant de +5% alors que nous avions un taux négatif, il y a une dizaine dannées. Nous avons une balance commerciale largement excédentaire. Nos avoirs bancaires se reconstituent et nous sommes entrain de restaurer le secteur bancaire pour le rendre compétitif. Linflation qui était de plus de 38% a été ramenée à 3%. Cest rare et cest dire si le niveau général des prix est très bas. Cela permet une stabilité du pouvoir dachat " . Gestion rigoureuse, assainissement des bases du système économique, amélioration de la qualité des grands agrégats, autant de signes qui visent à rendre visible un style politique pétri de sérieux ; il est probable que la capacité à différencier sur la scène politique des messages prônant des stratégies économiques précises, permette de discriminer les professionnels de la politique " crédibles ", de ceux qui ne le sont pas. Mais ces discours visent surtout à rendre laction publique conforme au paradigme ultra-libéral. Ce changement nest cependant pas le produit dune génération spontanée : à lorigine de ces mutations, il y a des acteurs concrets, dont les idées sont progressivement introduites dans laction publique, au gré des opportunités que leur procure le contexte institutionnel créé par les programmes dajustement structurel. Le concept de communauté épistémique est ici pertinent pour rendre compte des activités organisationnelles et cognitives par lesquelles des réseaux dacteurs et dinstitutions définissent les matrices qui serviront de support à laction étatique en matière économique. A.- Le concept de communauté épistémique est initialement formulé pour rendre compte de la contribution des experts à la construction des instruments de la coopération internationale. Pour Hass, les communautés épistémiques qui ont un rôle de " réducteur dincertitude ", procurent aux acteurs de la scène internationale, linformation et le conseil dont ils ont besoin pour opérer, ce qui place ces réseaux dacteurs dans des positions stratégiques : " en même temps que les demandes " de conseils " augmentent, on voit proliférer les réseaux ou les communautés de spécialistes, capables de fournir de linformation. Comme les décideurs politiques sollicitent leurs avis et leur délèguent des responsabilités, les membres de la communauté épistémique dominante deviennent des acteurs forts au niveau national comme au niveau international ". Une concurrence sinstaure entre les communautés épistémiques pour loccupation des positions de conseillers des gouvernants, ce qui procure à la communauté dominante lopportunité dimposer sa participation aux processus décisionnels, et dinstitutionnaliser son influence. De fait, remarque Hass, " dans la mesure où une communauté épistémique consolide le pouvoir des administrations nationales et des secrétariats internationaux, elle a la possibilité dinstitutionnaliser son influence et de faire valoir des opinions jusque dans des politiques internationales plus larges ". Ce sont les communautés épistémiques qui produisent les connaissances qui façonnent laction des États au plan international : " elles peuvent influer sur les intérêts de lÉtat, soit en les identifiant directement pour les décideurs politiques, soit en éclairant les dimensions importantes dun problème, influençant ainsi le choix des décideurs quant aux intérêts quils ont à défendre. Les décideurs politiques dun État peuvent ensuite influer sur les intérêts et les comportements dautres États accroissant ainsi les chances de convergence des comportements des États et la coordination internationales des politiques ". Le concept de communauté épistémique permet de décrire la construction de laction publique comme un processus concurrentiel voyant aux prises divers groupes dacteurs qui rivalisent pour imprimer aux politiques publiques des " marques déterminées ". Il aide aussi à découvrir quà lorigine de laction étatique et ses renouvellements, il y a des réseaux dacteurs qui produisent des matrices théoriques qui orientent les choix des décideurs publics. Les discours, les théories, jouent un rôle décisif dans laction publique, et le modèle de communautés épistémiques permet dintégrer à lanalyse des politiques publiques, ces activités intellectuelles et den identifier les principaux protagonistes. Par communauté épistémique il faut entendre : " a network of professionals with recognised expertise and competence in a particular domain and an authoritative claim to policy-relevant knowledge within that domain or issue-area. Although an epistemic community may consist of professionals from a variety of disciplines and backgrounds, they have, 1) a shared set of normative and principled beliefs, which provide a value-based rationale for the social action of community membrers ; 2) shared causal beliefs which are derived from their analysis of practices leading or contributing to a central set of problems in their domain and which then serve as the basis for elucidating the multiple linkages between possible policy actions and desired outcomes ; 3) shared notions of validity that is intersubjective, internally defined criteria for weighing and validating knowledge in the domain of their expertise ; and 4) a common policy entreprise, that is a set of common practices associated with a set of problems to which their professional competence is directed, presumably out of the conviction that human welfare will be enhanced as a consequence ". B.- Depuis maintenant dix ans, la politique économique est pilotée par les membres dune communauté épistémique ultra-libérale, solidement implantés dans les institutions financières internationales et dans les cercles de décision politique au Cameroun ; cette communauté consiste en un réseau dacteurs partageant un certain nombre de connaissances et poursuivant, au Cameroun comme dans beaucoup autres pays, une stratégie de " conversion " des économies aux dogmes de lultra-libéralisme. Ils représentent le Fonds monétaire international (F.M.I.) ou la Banque mondiale, jusque dans certains conseil des ministres ; cest le cas du " discret " Tener Eckelberry, conseiller spécial du chef de lÉtat camerounais, et plus connu sous le pseudonyme de " monsieur privatisation " ; directement chargé de la privatisation des entreprises publiques, il est recruté par le gouvernement camerounais par lintermédiaire du F.M.I., après avoir assumé des fonctions identiques au Burkina-Fasso, en Côte divoire et en Tanzanie. La présence de ce réseau dacteurs peut être institutionnalisée : il existe au Cameroun, comme dans dautres pays, une Délégation permanente du F.M.I. qui contribue en apparence à la centralisation de la politique économique puisque les décisions pertinentes supposent laccord du délégué. Dans certaines configurations, ces représentants des institutions de Bretton Woods opèrent comme des " juges " distribuant les bons points, voire comme des " censeurs " de la politique gouvernementale : à la mi-juin 1997, le Cameroun achève des pourparlers avec le F.M.I. en vue de loctroi dune facilité dajustement structurel renforcée, finalement consentie le 20 août 1997 ; conforme à lorthodoxie des institutions financières internationales et au nouveau paradigme de laction publique, le programme élaboré par les autorités camerounaises prévoit de porter la croissance du produit intérieur brut (P.I.B) à 5%, de ramener linflation à 3%, de stabiliser le déficit extérieur à 5% du P.I.B, daccélérer lassainissement des finances publiques et la privatisation des entreprises du secteur public, de durcir le " dégraissage " de la fonction publique et de moderniser les transports et le sytème bancaire . Adoptant un ton magistral à peine dissimulé par un style somme toute assez diplomatique, le délégué du F.M.I. déclarait : " un progrès considérable a été réalisé dans nos négociations, mais quelques détails restent à finaliser ". On retrouverait le même ton dans le propos de T. Eckelberry : " cest un pays (le Cameroun) qui a un avenir extraordinaire : de nombreuses richesses non exploitées, une élite bien formée (...). (Mais il faut) instaurer un esprit civique national qui supplante le tribalisme, et renforcer la confiance en la justice camerounaise, ce dont ont besoin les investisseurs étrangers ". En fait, comme le montre bien Zaki Laïdi, " de modeste technicien de projet, (la banque mondiale) sest muée en super-ministre de lÉconomie un peu dominateur (...) (et) bouscule donc la souveraineté des États " ; le F.M.I. agirait de la même manière. Protagonistes de lélaboration des politiques publiques au Cameroun, les représentants des organisations internationales sembleraient investis dune fonction de surveillance, de contrôle des choix élaborés par les décideurs politiques ; cette image que corroborerait le style " messianique " du discours de ces représentants savère cependant réductrice à un double égard : 1- les délégués de la Banque mondiale et du F.M.I. interagissent avec les élites politiques locales dans le cadre dun sous-système politique où ils opèrent comme les membres dune " communauté " ; 2- le discours libéral que véhiculent les délégués et que mettent en oeuvre les élites locales procurent en fait, à ces dernières, des ressources dont elles peuvent se prévaloir vis-à-vis de départements ministériels périphériques ou dautres segments administratifs, par exemple dans la discussion budgétaire. Le pilotage de la politique économique au Cameroun opère dans le cadre dun sous-système politique où les jeux pertinents se déroulent sous larbitrage des représentants locaux des institutions financières internationales, ces derniers participant aux jeux. À la Présidence de la République, une cellule économique est peuplée déminences grises dont la capacité daction et de neutralisation des stratégies parasites sest donnée à voir lors de la " privatisation avortée dIntelcam ". Au cabinet du ministre dÉtat chargé de lÉconomie et des finances, un conseiller technique n°1, jouant dune compétence technique incontestée, de la proximité du ministre dÉtat, et dune ancienneté qui lui confère la maîtrise des principaux centres de décision du ministère, opère comme un régulateur du système, entre la cellule économique, le F.M.I., et les autres acteurs de ce système. Le conseiller technique n°1 coiffe de fait quatre directions stratégiques : le trésor, les impôts, les relations financières extérieures, et la statistique. Un ministre-délégué au budget assiste le ministre dÉtat chargé de lÉconomie. La Caisse autonome damortissement est plus directement chargée du service de la dette. Les autres départements ministériels ont des positions plutôt périphériques, puisquils ne maîtrisent pas les rapports avec le F.M.I., et que leur capacité dinitiative est limitée ; le F.M.I. sappuie souvent sur ces départements lorsque, pour des interventions plus spécifiques, il préfère contourner le centre du système daction. Les directeurs généraux de sociétés et entreprises publiques sont aussi des protagonistes de ce système. Il faut faire une place à part à la commission des finances de lAssemblée nationale, autour de laquelle gravite des professeurs déconomie dont le " conseil aux partis politiques " est un aspect non négligeable de leurs activité. Un autre groupe dacteurs est constitué par les " patrons " réunis en syndicat depuis peu, par divers opérateurs économiques (filière cacao, café, bananes...), les représentants paysans, et les organisations syndicales encore embryonnaires. Ces acteurs peuvent, se trouver unis par une attitude identique face aux stratégies prônées par les protagonistes du système central, ou servir dappuis à ces mêmes protagonistes. Un autre groupe, moins visible mais efficace est constitué par les " groupes privés ", auxquels on peut appliquer le qualificatif de pouvoirs neutres. Rassemblant des acteurs privés qui gravitent autour des cercles du pouvoir politique central, ce groupe est aussi composé des représentants locaux de grandes entreprises étrangères et autres multinationales. Alors même que la conduite de la politique économique peut opérer sous le contrôle dacteurs publics situés au centre du système daction, lintervention de ces pouvoirs privés contribue à la désinstitutionnalisation des processus politico-administratifs, et peut jouer en faveur de leur patrimonialisation : on parlera de " gestion patrimoniale de réseaux ". Tous ces acteurs opèrent dans un environnement politico-administratif où ladhésion au credo libéral est la valeur première. La culture administrative sest dailleurs profondément transformée ce qui attesterait lintériorisation dune logique libérale par les agents publics. Contraints dadhérer au " discours " dont les institutions financières internationales sont les gardiennes de la pureté, les protagonistes de ce système contribuent au renforcement du paradigme qui, sous-tendant laction du F.M.I. et de la Banque mondiale, est à la base des politiques économiques. Ce modèle repose sur deux postulats : en vertu de lapproche monétaire de la balance des paiements, on considère dabord que toute extension du crédit intérieur entraîne, de manière mécanique, une réduction du niveau des avoirs extérieurs nets ; la restauration de léquilibre de la balance des paiements suppose la diminution du crédit intérieur, cest-à-dire la réduction du financement monétaire de lÉtat, et du crédit à léconomie ; de lavis des libéraux, ces objectifs sont facilement réalisés par le plafonnement du crédit ou par une compression des taux dintérêt, laquelle contracte le crédit et stimule lépargne. Au nom du présupposé keynésien de labsorption, on considère ensuite que " le solde de la balance courante est (en principe) égal à la différence entre le P.I.B et labsorption, définie comme la somme de linvestissement et de la consommation " ; tout déséquilibre proviendrait alors dun niveau excessif des revenus ou dune faiblesse de lépargne ; la solution consisterait à réduire de manière drastique les salaires, et de réajuster à la hausse les taux dintérêt. On est en présence dune matrice conceptuelle où les prix sont considérés comme les meilleurs régulateurs des échanges économiques, le marché mondial comme l" arbitre ultime " du jeu économique, et où lon affirme la vocation du secteur privé à être libéré de toute contrainte étatique . Cest ce modèle qui structure laction des élites chargées de mettre en forme la politique économique. Unies par conviction ou par défaut par ce paradigme, elles sen servent pour interpréter les situations auxquelles elles doivent faire face, et le mobilisent dans leur travail. Ce sous-système politique est un espace de médiation qui est cependant loin de se caractériser par labsence de conflits : récemment encore, le ministre dÉtat chargé de lÉconomie et des finances faisait état de lincompréhension qui, dans la négociation de certains aspects des programmes dajustement structurel, caractérise les rapports des acteurs politico-administratifs camerounais avec le F.M.I. ou la Banque mondiale. Aux préoccupations radicales des seconds, les premiers opposent souvent le coût social des mesures envisagées, la fonction symbolique de linvestissement public, la dimension sacrée de certaines réalisations , tous arguments qui contribuent à faire des ces débats, de véritables dialogues de sourds. Le paradigme ultra-libéral reste cependant la matrice de la nouvelle politique économique, définie à lintention des pays du tiers monde par les institutions financières internationales, et mise en oeuvre, dans des configurations variées, par un réseau dacteurs constitués des élites politico-administratives converties au credo libéral, et par les représentants locaux du F.M.I. et de la Banque mondiale. Laction publique est indissociable de la production de connaissances, de discours qui sont mobilisés par les autorités dans la formulation et la mise en oeuvre des politiques publiques. On est dès lors conduit, dans lanalyse du changement des principes daction publics, à faire porter la recherche sur les regroupements dacteurs dont les activités sont à lorigine de ces renouvellements. Adhérant au même paradigme, opérant dans un contexte pétri de contraintes spécifiques (ne serait-ce que le principe de la conditionnalité), ils sont les instruments de la mise en oeuvre dune politique économique aux relans monétaristes, et les acteurs dune transformation en profondeur des modes daction publics. Il convient cependant de trouver un schéma qui aiderait à interpréter le changement du discours public en matière économique au Cameroun.
II. Le processus de changement de la politique économique Le modèle de communautés épistémiques est dune rentabilité scientifique élevée pour expliciter les activités cognitives qui sont à la base des renouvellements de laction publique. Elle permet de rendre compte du " contenu " des matrices conceptuelles qui servent de support à lélaboration des politiques publiques, et aide à identifier les configurations dacteurs qui sont à la pointe du changement dans la politique considérée. Le modèle est cependant dune utilité limitée pour expliquer les processus de changement. En science politique, le changement des orientations de laction publique est traditionnellement appréhendé à partir du modèle systémique qui décrit le processus politique comme un ensemble de flux générés par les échanges entre le système politique et son environnement . Certains schémas ont été proposés sur la base de cette grille, mais réduisent les processus politiques à une succession de séquences, interdisant du même coup lanalyse du changement. John March distingue ainsi quatre composantes de base du processus politique qui peuvent se combiner différemment : 1- des problèmes à résoudre, 2- des solutions à mettre en oeuvre, des acteurs qui interviennent, 4- des occasions favorables pour la prise de décision . De même, Charle O. Jones définit le travail gouvernemental comme une séquence dactivités allant de lémergence publique dun problème à la terminaison du travail public ; il y aurait cinq phases : 1- lidentification dun problème et son inscription sur lagenda dune autorité publique, 2- la formulation des réponses, 3- la prise de décision, 4- la mise en oeuvre, 5- lévaluation des résultats qui débouche sur lapparition de nouveaux problèmes. Ces grilles danalyse savèrent en fait beaucoup trop rigides, linéaires et formalistes ; elles ne proposent aucun instrument danalyse des perturbations éventuelles qui peuvent se produire entre les séquences ; de surcroît, elles reposent sur le postulat implicite de la supériorité de la régulation par le haut (top down focus), et sous-estiment la capacité dinitiative et daction dautres protagonistes des processus politiques. Comme le montrent bien Jenkins-Smith et Sabatier, " such a top down view results in a tendency to neglect other important players, restricts the view of " policy " to a specific piece of legislation and may be entirely inaplicable when " policy " stems from a multitude of overlapping directives and actors, none of them dominant " . Enfin, ces approches font du politique le niveau central et exclusif de lanalyse, alors que les processus politiques sont initiés, à différents niveaux, par des acteurs qui conçoivent, testent et reformulent problèmes et solutions . Il convient, tout en prenant en compte limportance des idées, des connaissances et de lexpertise dans la transformation des principes daction publics, de proposer un modèle qui aide à comprendre, en même temps que le contexte où elles interviennent, les initiatives multiples qui incitent au changement. On souhaite présenter ici le modèle ACF (Advocacy Coalition Framework) que Sabatier propose, à partir des travaux de Heclo, pour rendre compte des processus de transformation et les réorientations de laction étatique. En 1974, Heclo conduit une étude comparative des politiques sociales en Suède et en Angleterre dans les premières années du siècle, et propose un cadre danalyse qui dépasse les modèles dinterprétation classiques du changement. Il constate que la transformation des conditions socio-économiques (poussées migratoires, émergence de mouvements sociaux, chômage, inflation..) constituent les bases dun changement radical des politiques du " welfare " dans ces deux pays ; mais il accorde aussi une grande importance aux échanges entre les spécialistes des politiques sociales qui entreprennent de modifier les modalités de laction publique dans ce secteur. De son point de vue, le changement résulte de la cooccurrence de deux phénomènes : les mutations du cadre socio-économique, et les affrontements dans le cadre dun sous-système politique, dacteurs impliqués dans la lutte pour le pouvoir, qui développent de nouveaux paradigmes pour les politiques sociales . Cest ce modèle qui sert de base à lélaboration de lACF. Sabatier propose cependant de désenclaver les " triangles dacier " (iron triangles) limités aux agences administratives, commissions législatives et groupes dintérêt, perçus comme niveaux exclusifs de gouvernement . Ce schéma repose sur quatre prémisses : " 1- lanalyse du changement requiert que lon fasse porter la recherche sur une longue période ; 2- le meilleur moyen de rendre compte des dynamiques de changement est de centrer lanalyse sur les interactions entre plusieurs acteurs dorigine institutionnelle variée, qui rivalisent au sein dun sous-système politique, pour influencer les politiques gouvernementales ; 3- ces sous-systèmes obéissent eux-mêmes à une composition trans-sectorielle intégrant des acteurs opérant à plusieurs niveaux de gouvernement ; 4- les politiques publiques peuvent être analysées comme étant dynamisées par des systèmes de représentation spécifiques " . Les protagonistes de ces interactions sont rassemblés en coalitions de défense de causes déterminées ; ils partagent des préférences normatives, cognitives et instrumentales identiques, et peuvent receler en leur sein les membres de communautés épistémiques. Le changement réfère à des processus continus de recherche et de redéfinition des référents des politiques publiques, motivés par la volonté quont divers groupes dacteurs de transformer en issues concrètes, des schémas théoriques qui ont leur préférence. Pour Sabatier, ces changements se produisent selon des scénarios déterminés : quelques acteurs perçoivent un problème dont ils évaluent les dimensions après sêtre procuré, à cette fin, de linformation. Après avoir identifié les causes supposées du problème, ils suggèrent la mise au point dun ensemble de mesures. Mais les idées qui sont à la base de ces dynamiques émergent de manière progressive, de " conflits de paradigmes et doppositions théoriques ". Pour Sabatier, la probabilité quun tel débat sengage et génère du changement dépend dabord de lintensité du conflit entre les coalitions dintérêt, laquelle se mesure au " degré dincompatibilité des représentations portées par les membres de coalitions concurrentes " ; elle dépend ensuite de la " tractabilité analytique de lissue " cest-à-dire la plausibilité que le conflit peut se résoudre par le recours à un corps commun de connaissances et de techniques (" resolve competing analytical claims by recourse to a common body of analytical knowledge and techniques " ) ; elle dépend enfin de lexistence dun forum ouvert ou fermé, où les arguments peuvent librement séchanger et sarticuler. Le changement se produit dans des contextes déterminés ; il obéit aux mutations de lenvironnement socio-économique et politique : " although policy-oriented learning is an important aspect of policy change and can often alter secondary aspect of a coalitions belief system, changes in the core aspect of a policy are usualy the results of perturbations in noncognitive factors external to the subsystem, such as macroeconomic conditions, or the rise of a new systemic governing coalition " . Comme le montre bien Zaki Laïdi, plusieurs modèles ont présidé à laction de la Banque mondiale avant que, dans les années soixante et soixante dix, un consultant permanent de la banque, Bela Belassa, introduise dans le discours des institutions de Bretton Woods les concepts de " protection effective " et de " coût en ressources intérieures ", qui contribueront à battre en brèche les politiques d" import-substitution " qui, jusqualors, présidaient aux stratégies économiques des pays en voie de développement. Le niveau de lendettement extérieur de ces pays commence à être préoccupant alors que, inspirée par R. Reagan et M. Tatcher, une vague libérale déferle sur le monde occidental, dont les libéraux de Bretton Woods vont profiter : " les temps ont changé. Les libéraux sont de retour ; le libéralisme à la bouche, le tatchérisme à la boutonnière, le reaganisme californien en bandoulière, ils affichent le sourire des grands jours, celui que lon arbore volontiers après avoir longtemps, trop longtemps rasé les murs. " Voyez, disent-ils, lenvolée des cours des matières premières ! nest-ce pas là le démenti le plus catégorique au pessimisme de Prebisch, la réponse la plus convaincante à la mythologie vieillissante de la dégradation des termes de léchange ? " " voyez la réussite de la Corée et de Taiwan. Ne tenons-nous pas entre les mains la preuve tangible du succès des politiques libérales ? " . La libéralisation des économies des pays du tiers monde, leur nécessaire ouverture sur le marché mondial, devient la matrice centrale du discours des " coalitions " qui entendent remettre en cause les anciennes politiques du développement. Contrairement aux acteurs qui vantent le rôle de lÉtat dans le développement et valorisent les stratégies dimport-substitution, les libéraux dénient à linstance étatique tout rôle en matière économique, et affirment que le libre échange est la condition de lépanouissement des nations. La transformation de la politique économique au Cameroun est donc, au moins en partie, le résultat dune dynamique amorcée au plan international par une coalition libérale composée de plusieurs acteurs au nombre desquels figurent des acteurs proches des communautés épistémiques monétaristes autour desquelles gravitent les membres des entourages des nouveaux leaders politiques occidentaux. Le changement est le produit dune double dynamique externe et interne. La dynamique externe réfère à laction des groupes dacteurs qui, au plan international, incitent au renouvellement des référents des politiques du développement : consultants, experts, représentants des pays sous-développés au F.M.I. ou à la Banque mondiale, universitaires, dirigeants de multinationales, ils agissent par divers moyens pour la concrétisation des schémas qui ont leur préférence. La dynamique interne est relative aux stratégies des représentants des institutions financières internationales dans les pays du tiers monde, et celles des élites politico-administratives locales qui sapproprient à diverses fins les discours mis au point par les communautés libérales auxquelles elles adhèrent. Le principal problème posé par cette démarche est larticulation de lapproche par communautés épistémiques avec la perspective de lAFC : les communautés épistémiques procurent, à différents niveaux, du conseil et de linformation aux responsables des politiques publiques ; elles ont en charge la production et le renouvellement des principes de laction étatique. Les coalitions de défense de causes (Advocacy coalition) agissent, dans différents contextes, pour la conversion en mesures concrètes, des hypothèses qui ont leur soutien, et à lélaboration desquelles peuvent avoir contribué les communautés épistémiques ; elles sont composées dacteurs dorigine institutionnelle variée, qui sont parfois membres de communautés épistémiques. Les conflits entre les coalitions peuvent dès lors (mais pas toujours) recouvrir les oppositions entre les communautés épistémiques : laffrontement au sein de la Banque mondiale entre les tenants dune politique du développement reposant sur la redistribution et la croissance (Hollis Chenery, McNamara..) et les tenants dune libéralisation très large des économies des pays en voie de développement (Bela Belassa...) recouvre ainsi le conflit théorique des structuralistes et keynésiens dune part, et les ultra-libéraux de lautre. Un autre problème est la localisation des forums de débat sur la politique économique au Cameroun, sur lesquels on pourrait voir saffronter les différentes coalitions dacteurs. La présente contribution vise à participer au renouvellement des approches du politique en Afrique en général et au Cameroun en particulier.Cest cependant à la confrontation des recherches effectuées sur plusieurs politiques publiques que lon pourra juger de la pertinence ou des limites du modèle que nous expérimentons.Au principe des politiques publiques il y a des discours, qui ne sont pas des produits de générations spontannées, mais qui sont construits, dans des configurations déterminées, par des acteurs publics et privés. Janvier 1998 |