|
LA SOCIOLOGIE ET L'ACTUALITE MEDIATIQUE CONTRIBUTION A UNE SOCIOLOGIE DES TRANSFORMATIONS DU CHAMP JOURNALISTIQUE DANS LES ANNEES 80 ET 90 A PROPOS "D'EVENEMENTS SIDA" ET DU "SCANDALE DU SANG CONTAMINE"
par Dominique MARCHETTI Docteur en Sociologie Retour sur un travail Cette recherche a pris naissance dans une période où, dans le cadre dun DEA de science politique (1991/1992), on cherchait à travailler sur lactivité journalistique. Lunivers médiatique ne nous était pas étranger puisque, depuis plusieurs années, on réalisait de manière occasionnelle des piges dans plusieurs médias. A la suite de la lecture de travaux sociologiques et de discussions, une question en apparence simple et peu analysée par les sciences sociales en France avait attiré notre attention : pourquoi et comment une occurrence devient, à un moment donné, un événement journalistique ? On sest mis à la recherche dun " événement " en train de se dérouler, ce parti-pris méthodologique de létude de cas paraissant en effet plus fécond que les enquêtes trop globales sur " les journalistes ". Laffaire du sang contaminé, qui commençait alors à faire la " une " des médias nationaux, avait rapidement suscité de lintérêt pour plusieurs raisons. Elle constituait un " feuilleton à rebondissements ", comme disent parfois des journalistes, avec des " temps morts " et des " temps forts " médiatiques dont la durée de vie était très variable. Cette affaire rassemblait également des événements très différents allant de la révélation dun document par les médias, à une déclaration télévisée en passant par lannonce de décisions judiciaires ou encore une conférence de presse. Enfin, à la lecture dune revue de presse, lévénement paraissait dautant plus ajusté à la question de recherche quil sagissait dun " scandale " qui avait mis du temps à être perçu publiquement comme un " scandale ". Si ce travail - qui sest élargi dans le cadre de la thèse à dautres " événements sida " - fait une place importante à ce cas précis, cest surtout parce quil a pris avec le temps une dimension exceptionnelle qui en fait un événement analyseur également exceptionnel. Non seulement le " scandale du sang contaminé " a été un " événement analyseur " des rapports entre les " experts scientifiques " et les " hommes politiques ", comme la montré Michel Setbon, mais il a été un révélateur des transformations qui ont affecté lespace des médias nationaux dinformation générale et politique dans les années 80 et 90. Cest cette hypothèse qui sous-tend une grande partie de ce travail et qui permet dexpliquer au moins en partie cette énigme spécifiquement française puisque si des faits proches se sont déroulés à létranger, ils nont pas donné lieu à la construction dun tel " scandale ". Quelques obstacles à lanalyse sociologique des médias et des " scandales " Travailler sur la médiatisation dun événement aussi important na pas été sans poser des difficultés qui tiennent à la fois au fait de traiter de lactivité journalistique et au terrain lui-même. Sagissant de faire la sociologie des médias, lun des obstacles majeurs réside dabord dans la fausse familiarité avec cet objet fortement investi par des problématiques éthico-politiques. De nombreux journalistes prétendent, à travers leurs essais sur les " dérapages ", les " dérives " notamment, faire une analyse de leur propre milieu, y compris et surtout une analyse critique. Parmi les travaux de chercheurs qui se sont fortement développés à partir des années 80 dans différentes disciplines (sociologie, histoire, sémiologie, etc.), beaucoup néchappent pas à ces problématiques indigènes qui font obstacle à lanalyse sociologique. Le second problème important est lié à labondance et au rythme des productions journalistiques. La constitution dune " revue de presse " est non seulement fastidieuse mais le flot des informations tend à " noyer " lapprenti chercheur. Laccumulation des coupures de presse produit très souvent un autre effet pervers qui est de croire que la revue de presse se suffit à elle-même pour étudier la production dun événement sans voir quelle cache (notamment les conditions de production des journalistes) souvent bien plus quelle ne montre, surtout pour un observateur peu informé. Traiter dune actualité journalistique incite en second lieu à courir après lévénement en train de se dérouler en ayant toujours, à la manière des professionnels, la peur de rater la dernière information jugée " importante " et " nouvelle " ou de ne pas avoir vu tout ce quont réalisé les autres médias. Cette " veille " journalistique est essentielle mais ne doit pas enfermer dans le rythme journalistique, et donc dans ses catégories de pensée. Une troisième série de difficultés tient au nombre très faible de véritables enquêtes sur ce sujet en France, dans la mesure où elles pourraient à la fois donner des points de comparaison et élever le niveau dexigence scientifique. En effet, nombre de travaux montrent une grande méconnaissance des conditions des activités journalistiques. Lexpansion de recherches à partir des années 80 a cependant contribué à améliorer la connaissance du journalisme français. Au-delà de lapport régulier de travaux historiques sur les médias en général (notamment audiovisuels) et/ou sur les journalistes, des recherches récentes ont permis de mieux connaître ce champ dactivité, quil sagisse des études sociographiques portant sur les titulaires de la carte professionnelle, même si elles restent très incomplètes, ou sur certains types de journalistes (" lélite " ou les " journalistes sociaux " notamment), des travaux sur lidentité professionnelle des journalistes et sa constitution, sur les normes et les valeurs en vigueur, sur les contraintes du " système médiatique " ou encore sur la formation professionnelle. De même, nombre douvrages, qui évoquent plus précisément aussi les relations des journalistes avec leurs sources, tout particulièrement avec le milieu politique, constituent une précieuse base de travail. Mais, hormis quelques enquêtes sur les émissions politiques ou le travail quotidien des journalistes, peu sintéressent au processus de sélection et de fabrication de linformation. Cest en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, où il existe une tradition de recherche très ancienne, que les travaux sur ces questions sont nettement plus développés. On sest ainsi appuyé sur des travaux de David White (et de ses successeurs) sur les journalistes comme gatekeepers ou de létude de Jeremy Tunstall sur des journalistes spécialisés britanniques, montrant le poids des news organizations dans la production de linformation. De même, de nombreuses recherches dites " constructivistes ", comme celles Harvey Moloch et Marilyn Lester sur le passage de loccurrence à lévénement et de Gaye Tuchman sur la manière dont les news sont construites socialement, sont des contributions majeures. Plus récemment, Michaël Schudson, par ses travaux sur lhistoire du journalisme américain, et Herbert J. Gans, lorsquil sintéresse à la façon dont les valeurs, les standards professionnels ou les sources interviennent dans la sélection de linformation, ont permis également de mieux connaître les processus de production de linformation. En revanche, les recherches sur cette question restent en France peu nombreuses en dépit de plusieurs travaux importants qui en sont proches sous certains aspects. La deuxième grande difficulté qui sest posée durant cette recherche ne tenait plus seulement au fait de travailler sur les activités journalistiques mais aux propriétés du principal événement traité, c'est-à-dire le " scandale du sang contaminé ". La forte dimension émotionnelle de cette affaire et les instructions judiciaires en cours notamment tendaient à accroître le risque bien connu dêtre pris par lévénement lui-même, et tout particulièrement par les visions médiatiques dominantes. Au-delà du fait quil fallait chercher à comprendre les problèmes qui étaient posés (lorganisation de la transfusion sanguine, les traitements de lhémophilie, etc.), le principal obstacle à lanalyse sociologique tenait (et tient toujours) à la logique du procès qui était présente chez tous les protagonistes et les journalistes. En effet, lenquête sociologique se distingue fortement des enquêtes judiciaro-policières ou journalistiques. Même si le travail de terrain a pu prendre, par certains côtés, des allures policières, quand on cherchait à savoir si tel interlocuteur navait pas menti ou quand il sagissait de constituer un réseau d" informateurs ", il nétait pas question de suivre sur leur terrain magistrats, gendarmes et journalistes, pour rendre " la justice ". Lenquête sociologique na donc pas à déterminer sil y a eu ou non " scandale " ou si celui-ci est justifié sur le fond mais doit constater que " socialement " il y a eu scandale à partir dune certaine période. Le travail sociologique na pas non plus pour ambition de chercher à suivre les journalistes dans la quête de scoops et de révélations. La spécificité de cette démarche est souvent très mal comprise, surtout par de nombreux journalistes qui nous ont sommé demblée de choisir notre " camp ". Une dernière différence entre lenquête sociologique et dautres types denquêtes réside dans le traitement des personnes interviewées, le sociologue se devant de respecter lanonymat des personnes interrogées quand il a été demandé. Cest pourquoi, les noms des enquêtés, voire parfois leur sexe et les entreprises dans lesquelles ils travaillent, ont été très souvent cachés dans la thèse. Cétait une des conditions de réussite de cette entreprise, du fait de la virulence des conflits qui existaient par exemple dans le milieu des journalistes médicaux des grands médias nationaux. Prendre du champ Pour tenter de rompre avec les problématiques politiques ou judiciaires et essayer plus largement de prendre des distances avec lévénement lui-même, on a essayé à la fois de retracer lhistoire médiatique du drame des contaminations post-transfusionnelles et dutiliser une méthode comparative. Si la mise en perspective historique de cette affaire occupe en effet une place importante dans ce travail, cest parce quon sest rendu compte, dès les premières consultations de revues de presse et les premiers entretiens, de la nécessité de faire la genèse médiatique de ce drame (1982-1991). Il fallait comprendre le décalage existant entre ce que les journalistes des médias nationaux disaient à propos de ce problème à lépoque des faits, et ce quils racontaient quelques années plus tard, c'est-à-dire à partir de 1991. Autrement dit, il sagissait dexpliquer comment le drame était devenu soudainement un " scandale " et pourquoi son émergence médiatique avait été aussi lente. Cétait une première manière de rompre, sans pour autant tomber dans le relativisme, avec l" évidence " trop évidente de cette affaire. La chronologie apparaissait dautant plus nécessaire quelle est en fait lenjeu principal de cette affaire pour les protagonistes bien sûr, mais aussi pour les journalistes puisque, pour beaucoup, ils étaient en activité au moment des faits entre 1982 et 1985. Une seconde manière de construire lobjet a consisté à comparer laffaire du sang contaminé à dautres événements portant le sida qui sétaient déroulés à des périodes charnières de lhistoire de cette pathologie. La comparaison portait en premier lieu sur des événements qui relevaient du mode ordinaire de traitement de linformation médicale, c'est-à-dire les événements " obligés " comme les annonces scientifiques. Ainsi, on a analysé lannonce en 1985 dun traitement du sida par la ciclosporine et lannonce en 1994 de lexpérimentation dun prototype de vaccin contre le sida. La comparaison portait en second lieu sur un événement du même type (un événement plus " imprévu "), en loccurrence laffaire du vaccin anti-hépatite B en 1983. Mais la principale originalité de ce travail par rapport aux autres recherches sociologiques sur les médias en France tient probablement dans le fait de penser cet objet comme un champ, en sappuyant notamment sur les travaux de Patrick Champagne. Lexigence de penser cet espace en termes relationnels sest traduite dans les opérations de recherche en apparence les plus banales. Ainsi, on a tenté de traiter cet espace de production dans son ensemble (et essentiellement une de ses fractions les plus importantes : les médias nationaux dinformation généralistes), c'est-à-dire en ne nous intéressant pas seulement à une rédaction, à quelques grands médias ou encore à une spécialité journalistique. Par exemple, une revue de presse quasi-exhaustive a été constituée pour chaque événement, celle-ci comprenant les articles de la presse écrite dinformation générale et politique, les dépêches de lAgence France Presse, les retranscriptions des productions des médias audiovisuels qui ont été complétées par la consultation à lInstitut National de lAudiovisuel des reportages télévisés. Ce souci théorique a également été très présent dans le choix des entretiens, réalisé notamment à partir de la revue de presse. Si le milieu des journalistes dits médicaux a été privilégié, on sest également entretenu avec les différents types de journalistes qui avaient couvert les événements traités, notamment des reporters, des grands reporters généralistes et des chroniqueurs judiciaires. De la même manière, il fallait voir des professionnels travaillant dans les différents sous-champs de concurrence que constituent les types de médias (radios, télévisions et presse écrite) mais aussi les rédactions, parfois très divisées. Les principales sources des journalistes ont également été interrogées : avocats, magistrats, gendarmes, membres de cabinet dhommes politiques et médecins. Enfin, cette manière de pratiquer la sociologie se manifeste dans la façon même de mobiliser et de construire des données statistiques sur les transformations morphologiques de lespace des médias nationaux dinformation générale, statistiques qui permettent de le replacer par rapport aux grandes enquêtes portant sur lensemble des journalistes titulaires de la carte : on a par exemple analysé des données sur les concours des trois écoles de journalisme ou sur la répartition des diplômés de ces écoles dans les grands médias nationaux. Les principaux résultats Les principaux résultats de cette recherche portent dabord sur les transformations internes du champ journalistique dans les années 80 et 90 et leurs effets sur la production de linformation. Deux transformations majeures de la structure du champ des médias omnibus nationaux dans les années 80 et 90 apparaissent nettement. Celui-ci sest dabord homogénéisé fortement comme en témoignent la " dépolitisation " relative des newsmagazines et la disparition de plusieurs titres de la presse d" opinion " ou " populaire ". Cette homogénéisation est liée à une autre transformation nettement plus importante que constituent larrivée des chaînes de télévision privées et le développement des médias audiovisuels plus généralement. Léconomie générale de cet espace a été bouleversée, ce qui sest traduit par le renforcement de son pôle " commercial ". Cette double transformation est particulièrement visible à travers le processus des " reprises " entre supports qui a été très peu analysé jusque-là alors quil est pourtant très important pour comprendre le fonctionnement contemporain du champ journalistique. En suivant la circulation des informations à lintérieur de cet univers, on décrit le poids fonctionnel très variable des différents supports dans la fabrication de linformation qui compte politiquement. Bien que quelques grands quotidiens comme Libération et surtout Le Monde jouent très souvent le rôle de " déclencheurs " dans les affaires ou disposent dun pouvoir de consécration interne important comme lAFP, ce sont surtout les chaînes de télévision qui, par leur effet amplificateur, exercent des effets de domination. En effet, une information prend aujourdhui dautant plus de valeur journalistique quelle est reprise par les journalistes de télévision et quelle est ajustée aux exigences de ce média. Une seconde série de transformations tiennent plus généralement à la montée des contraintes économiques. En effet, si le champ journalistique sest relativement autonomisé, notamment à légard du champ politique, il est de plus soumis aujourdhui à une logique commerciale qui a contribué à bouleverser dune part la hiérarchisation et le traitement de linformation et, dautre part, les pratiques professionnelles. Cette logique est visible dans la hiérarchisation de linformation, comme le montre par exemple la place prise aujourdhui par les faits divers ou les " affaires " - bref ce qui relèvent très souvent des services dits dinformation générale ou société - par rapport à la politique intérieure stricto sensu et surtout étrangère. Le poids des contraintes économiques a été également mis en évidence à travers le manière dont les journalistes de laudiovisuel ont cherché à faire du " scandale du sang contaminé " un sujet " médiatisable " (ajusté aux contraintes du média), par exemple par le recours quasi-systématique aux témoignages des victimes ou à des procédés de dramatisation. Ce travail montre que cette logique commerciale se traduit aussi par laccélération du rythme de production de linformation et surtout lintensification de la concurrence entre supports dans les années 80 et 90. Laffaire du sang contaminé, qui est devenue très rapidement un enjeu de concurrence important, fournit un exemple extrême de la course au scoop ou de la nécessité pour chaque média dêtre présent médiatiquement, ne serait-ce que parce que les confrères en font beaucoup. Cette concurrence nest pas seulement externe mais interne dans la mesure où, à travers elle, se jouent en fait les réputations professionnelles, c'est-à-dire aussi des profits symboliques et économiques à la fois individuels et collectifs. Cette enquête met également en évidence des transformations qui sont liées au recrutement des journalistes. Elle fait apparaître le poids croissant, dans les grandes rédactions nationales, des élèves issus des trois principales écoles de journalisme. En effet, les journalistes " généralistes ", et surtout ceux qui occupent des positions de pouvoir dans les rédactions nationales, sont moins quavant des journalistes formés sur le tas. Le recrutement sest fortement homogénéisé socialement et le passage par un Institut dEtudes Politiques, puis une école de journalisme est devenu une " voie royale " daccès aux rédactions les plus réputées. Enfin et surtout, ce travail décrit les changements qui ont affecté linformation médicale dans les médias nationaux généralistes. Après la recherche de Sandrine Lévèque sur les journalistes sociaux, il fournit une contribution supplémentaire à létude des journalistes spécialisés, du rubriquage journalistique (notamment des hiérarchies professionnelles) mais aussi des hiérarchies professionnelles. En retraçant lhistoire de linformation médicale " grand public " depuis les années 50, on montre comment elle est devenue une information journalistique " comme les autres ". Le statut dexception dont elle bénéficiait a disparu et elle est aujourdhui soumise à un double régime. Dune part, le régime de linformation institutionnelle qui sest transformé avec le développement de la concurrence par exemple sur les annonces scientifiques, les médias devenant un espace stratégique pour les chercheurs et les revues scientifiques internationales. Dautre part, les années 80 et 90 sont marquées par lapparition dun nouveau régime quon a appelé l" expertise critique ", c'est-à-dire que linformation médicale est devenue plus concurrentielle, moins strictement médicale et de plus en plus politique, économique, voire judiciaire comme le montrent les affaires récentes. Larrivée dune nouvelle génération de journalistes de plus en plus " experts ", ayant suivi des études de médecine, a contribué à promouvoir un type de journalisme plus " critique ". Enfin, dans la dernière partie, cette recherche donne à voir le poids croissant de lespace médiatique dans le fonctionnement des autres champs sociaux et les effets quil tend à exercer sur ces espaces, y compris les plus autonomes. Cette analyse nest quesquissée à propos des champs judiciaire et scientifique. Létude de la coproduction des événements médicaux les plus " obligés " pour les journalistes, comme les annonces scientifiques, met en exergue le fait que le champ journalistique est un moyen pour certains chercheurs de concurrencer les modes habituels dévaluation scientifique ou dagir sur le champ politique. De même, lanalyse des épisodes judiciaires de laffaire du sang contaminé met en lumière le poids grandissant des médias dans le fonctionnement même dune petite partie de lactivité judiciaire : ils sont parfois non seulement un recours pour agir sur les instructions des grandes affaires mais ils imposent aussi directement une logique externe concurrente par le biais des enquêtes et même des procès parallèles quils instruisent. Ils contribuent ainsi à imposer une forme de justice populaire au nom de l" opinion publique ". Les prolongements : la médiatisation des risques de santé publique Mais ce travail présente un certain nombre des limites qui tiennent entre autres au fait que le principal cas analysé, le " scandale du sang contaminé ", ne permet pas de voir certaines évolutions importantes en cours dans les grands médias nationaux, comme par exemple la montée de la précarité économique et ses effets. Une comparaison internationale aurait probablement permis de cerner davantage les spécificités du journalisme français mais elle impliquait une comparaison de " système " à " système " qui nétait pas envisageable dans le cadre de ce travail. Celui-ci doit être en effet compris comme un état dune recherche quon compte prolonger dans plusieurs directions. En premier lieu, on souhaiterait, à travers la médiatisation récente de risques de santé publique (laffaire de lamiante et de lhormone de croissance contaminé), poursuivre lanalyse des rapports quentretient le champ journalistique avec les champs scientifique, politique et judiciaire en traitant par exemple la contribution importante que le champ journalistique apporte à la production de la doxa (ici en matière responsabilité dans le domaine de la santé publique). En second lieu, on voudrait poursuivre létude sur les transformations du fonctionnement du champ journalistique en insistant, dune part sur le poids grandissant des diplômés des écoles de journalisme dans les rédactions des grands médias nationaux et ses effets sur la production de linformation, dautre part sur les effets des transformations technnologiques sur la production de linformation. Pour ne prendre que quelques exemples, on voudrait analyser les effets de linformatisation des dépêches dagence (le basis), de la mise en page assistée par ordinateur, bref de la technicisation de plus en plus grande du métier, notamment dans les médias audiovisuels. Bibliographie - " Les conditions de réussite dune mobilisation médiatique et ses limites : lexemple dAct Up " in CURAPP, La politique ailleurs, Paris, Presses Universitaires de France, 1998 (à paraître). - Contribution à une sociologie des transformations du champ journalistique dans les années 80 et 90. A propos d" événements sida " et du " scandale du sang contaminé ", Paris, thèse de sociologie sous la direction de Pierre Bourdieu, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 15 décembre 1997. - " La genèse médiatique du scandale du sang contaminé " in Ethique, sida et société. Rapport dactivité du Conseil national du sida, Paris, La Documentation française, 1996, pp. 327-468. - Patrick Champagne et Dominique Marchetti, " Linformation médicale sous contrainte. A propos du scandale du sang contaminé ", Actes de la recherche en sciences sociales, n°101-102, mars 1994, pp. 40-62. |