LES ÉTRANGERS, ACTEURS DE LA VIE POLITIQUE CAMEROUNAISE :
par Blaise-Jacques NKENE
GRAPS / Université de Yaoundé II
INTRODUCTION
Comment seffectue lentrée des communautés étrangères dans le champ politique de leurs pays daccueil ? Ainsi posée, cette question aux apparences anodines se trouve pourtant au cur des mutations et des reconfigurations de paysages sociopolitiques que lon observe ces dernières années en Afrique noire, notamment en ces périodes de libéralisation politique. Cest, surtout, au regard de lactualité, une interrogation qui pose de manière fondamentale, lépineux problème de lintégration politique des étrangers en Afrique, comme on peut lobserver ces jours en Côte-dIvoire.
On part ici du postulat que létranger évolue très souvent en terre daccueil dans un univers fait de restrictions de toutes natures juridiques (Lochak, 1985 :86; Withol, 1987 : 11), sociales (Elias et Scotson, 1997; Abdelmalek, 1997; Badie et Sadoun, 1996), économiques (Marantzidis et Mavromatis,1999) et où de manière assez constante, le champ politique fait montre de " clôture " (Weber, : 43-46; Brubaker, 1997 : 48) singulièrement difficile à surmonter. Pour les nationaux et même pour certains citoyens observe Pierre Bourdieu, laccès dans ce champ ne relève pas toujours dune évidence (Bourdieu, 2000 : 8) Il devient donc intéressant dans ce contexte d"exclusion " et de " disqualification " politique permanentes (Prujiner, 1993 : 75; Abdelmalek, 1999), de voir comment se construisent, lorsque cela est possible, les dynamiques d"entrée " des " étrangers " dans le champ politique (Back et Soininen, 1998 : 29)
Sagissant du Cameroun, le phénomène de limmigration nest entré dans le débat national que très récemment, par lentremise du problème des réfugiés de guerre tchadiens, burundais et rwandais. Paradoxalement, limmigration nigériane qui est numériquement et historiquement lune des plus importante ny apparaît que très furtivement. On serait a priori tenté de croire que cest une immigration qui se situe en dehors du champ politique. Il nen est rien. Cest que son entrée dans le champ politique se déroule surtout en marge des " espaces centralisés " et se caractérise, à linstar des relations entre le Cameroun et le Nigeria, par une ambiguïté permanente (Sindjoun, 1998 ; Ngniman, 1996). Ainsi, son traitement à léchelle nationale constituerait pour le moment, une sorte de réflexion trop vague et abstraite, déconnectée des lieux où sobserve de manière plus patente ce processus. Il faut ajouter ici que le processus de libéralisation politique enclenché au Cameroun en 1989/1990 surgit dans une conjoncture de " crise " de l'État et de l"affaiblissement relatif" de sa souveraineté dans les " périphéries " (Sindjoun ,1999) Cette situation a favorisé linvestissement des " marges " sous des formes très diverses par des nouveaux acteurs, à linstar des immigrés nigérians, dont la présence et les activités (clandestines, frauduleuses et informelles pour lessentiel), (Adepoju,1983) leurs interactions avec les instances politiques locales, ont acquis une visibilité inhabituelle et engendré des nouvelles " figures du politique " (Momar Coumba et Mamadou Diouf, 1999), sans commune mesure avec la configuration des " espaces centralisés " traditionnels. Le choix de Douala, principale ville économique du Cameroun (Gouellain, 1976) et aire de longue tradition migratoire (Mainet, 1985) offre pour les raisons évoquées un cadre privilégié de visualisation des modalités dentrée des " étrangers " dans le champ politique des milieux urbains dAfrique noire.
Comme champ politique, lespace urbain de Douala est caractérisé par un énorme bouillonnement, qui implique depuis le processus de libéralisation politique au Cameroun, un nombre important et hétéroclites dacteurs. La forte tendance pour lillégalité, linformalité et la violence régnantes vont à terme produire un paysage sociopolitique particulier et justifier les qualificatifs qui font de Douala la "ville rebelle", la "capitale de lopposition". Il est dailleurs symptomatique dobserver à cet effet que "les villes mortes", phénomène politique sans précédent au Cameroun débutèrent à Douala en 1990. Cest dans cet univers politique surchauffé que lon découvrira dans certaines instances (scène et jeu) politiques locales, des immigrés nigérians fort curieusement à laise ; présence, il faut le dire, très énigmatique dans un environnement de répulsion sociale avérée envers les " étrangers " (Nkene 2000 :46).
Lhypothèse que nous avançons dans la présente étude est que lentrée des immigrés nigérians dans le champ politique de la ville de Douala seffectuerait à travers un mécanisme de politisation, cest-à-dire quoutre leur constitution en " objet de débat sur la scène politique institutionnelle ou médiatique" (Badie, Hermet, Birnbaum, Braud,1994 :216) ils procèdent par une incorporation ou une infiltration physique ou/et symbolique dans les instances du pouvoir politique local (withol,1993 :106). L"entrée dans le champ politique" ici référera alors dune certaine façon au concept de "publicisation" dans loptique habermasienne, mais aussi à celui de "passage au politique" dans le sens de François Bayart. Envisagée de cette façon, cette perspective permet un autre regard sur la question de limmigration, embrigadée telle quelle est souvent sous langle économique ou juridique (Withol, 1987 :11) En effet, notre intuition de départ est basée sur le fait que la présence massive d"étrangers " dans certaines aires sociales ne peut ne pas avoir des conséquences sur le champ politique. Celui-ci est affecté de manière significative, notamment dans des villes cosmopolites comme Douala par linterférence et les interactions entre acteurs étrangers et locaux. Cest une approche qui permet un renouvellement de certaines problématiques instituées sur la libéralisation politique en Afrique (Bratton et Van de Walle, 1997 ; Banock, 1992 ; Eboussi Boulaga, 1997) qui minimisent ou marginalisent de façon assez curieuse linfluence et la participation des acteurs " étrangers ". Contre cette vision dominante, on voudrait prendre en compte dans le déroulement de ce processus, les actions et interactions produites par les acteurs " locaux " et " étrangers ", si " souvent soigneusement isolés " en terre daccueil (Wagnier,1998 :24), pour montrer que lintensification et la concentration des flux démographiques ne sont pas sans conséquence sur la configuration de lespace politique -dimmigration. Appréhendé dans ce sens, le concept d"entrée dans le champ politique " nous semble particulièrement fécond dun point de vue heuristique, pour saisir la dynamique et la fluidité du phénomène migratoire. Il permet en effet la mise en exergue de son mouvement, cest-à-dire les chevauchements " straddling "- que cette immigration est susceptible deffectuer dun champ à un autre, notamment des champs sociaux ou économiques vers le champ politique ou inversement. Le postulat de départ étant quaucun problème nest en soi politique. Mais il le devient dès lors quil est transformé en enjeux, structurant les clivages entre les formations politiques et les diverses catégories de représentants (Bourdieu, 2000). Ce concept offre donc des possibilités de cerner les modalités dinvestissement et de marquage de lespace politique de la société daccueil par ces immigrés, très souvent hâtivement frappés dincompétence politique; alors que la réalité les montre directement ou indirectement impliqués dans le jeu et la scène politique locale.
Une difficulté importante se situe néanmoins au niveau méthodologique, où un redoutable exercice de décryptage et de décodage nous attendait: lobjet détude présentait en effet les caractéristiques dune " nébuleuse ", du fait dune occultation devenue le moteur des stratégies de séjour dune immigration largement clandestine: les lieux de linformalité régnante et de lillégalité dominante ne se prêtant que très difficilement aux techniques denquêtes usuelles. Si lon ajoute dans le cas despèce le fait que le politique est généralement considéré en contexte africain comme tabou - " I dont do politics "- (Bourdieu, 2000 :8) on comprend aisément lampleur de ces difficultés, puisque personne (encore moins les étrangers) nest prête à soffrir spontanément à un questionnaire portant sur ce genre de questions. Cette étude, pour être fiable, ne pouvait donc faire léconomie dun travail de terrain, lequel, devait permettre à travers la méthode dentretiens semi-directifs, et de la méthode de lenquête " boule de neige " de saisir les réalités concrètes avant de chercher à les expliquer. Cest cette démarche qui aura permis dapprocher les réseaux nigérians et dappréhender leurs rapports politiques aux populations locales, dobserver les mécanismes sociaux qui permettent leur politisation et leur entrée dans le champ politique local. Par ailleurs, labsence de données démographiques récentes et précises sur limmigration nigériane au Cameroun en général et à Douala en particulier, a du limiter de manière significative la dimension quantitative initialement projetée dans ce travail et justifie inversement, la tendance forte vers une analyse largement qualitative dun phénomène grandissant en Afrique. Cest donc faute de mieux que nous que nous utiliserons le Recensement Général de la Population et de lHabitat de 1987 comme base statistique pour cette étude.
Aussi, en même temps que les immigrés nigérians investissent par leurs activités lespace politique de la ville de Douala, les instances politiques " Doualaises " sapproprient à leur manière cette immigration. Cest cette dynamique marquée par une double convergence vers le politique qui singularisera cette entrée dans le champ politique des immigrés nigérians à Douala.
I- LES MODALITES " DOUALAISES " DINTEGRATION DES IMMIGRES DANS LA SCENE ET LE JEU POLITIQUE LOCAL
Lincorporation des immigrés nigérians dans le champ politique par les "Doualais" participe du processus de démarginalisation politique des immigrés en tant quacteur sociaux. Elle tend surtout à montrer limplication ou linféodation de ces acteurs étrangers dans la sphère du politique, ceci contrairement à une image dincompétence politique qui leur est très souvent accolée au Cameroun. Cest lhypothèse où létranger accède dans le champ politique à partir des initiatives locales.
A - POUVOIRS PUBLICS LOCAUX ET LEGITIMATION DES IMMIGRES NIGERIANS
Lune des principales modalités dentrée dans le champ politique de limmigration est, de façon générale, liée aux logiques de fonctionnement de lEtat, lesquelles consistent en une recherche de la gestion de ces dernières par les instances politiques centrales des pays daccueil (Costa-Lascoux et Weil,1992) Le concept générique de " politiques migratoires " désignera alors lensemble des instruments juridiques, politiques économiques et institutionnels mis en place par les Etats aux fins de contrôle ou de la maîtrise des flux humains étrangers. Dans ce cas de figure, lentrée dans le champ politique est initiée par le système politique et fait des immigrés un objet/sujet passif du champ politique. Lorsque cette inféodation de personnes " étranges " dans la scène ou le jeu est suffisamment perceptible, on peut dire, sans risque de se tromper, que lon est en face dun processus de légitimation politique. Ainsi, outre une politisation liée aux logiques de fonctionnement de lEtat au Cameroun, limmigration nigériane constitue un important enjeu autour duquel se construisent diverses stratégies dincorporation dans les instances de pouvoir à Douala. Leur présence dans ce type dinstance est très singulière dans le cadre général de limmigration au Cameroun (Weiss,1998) dans la mesure où il sagit en fait dune intégration politique " par le haut ". Le jeu politique à Douala sera donc édulcoré de manière très subtile par cette présence étrangère, en fonction des lieux et en fonction du temps, suivant la nature des groupes associatifs ou suivant la réputation des individus. Cette population immigrée est incorporée par les pouvoirs publics dans la scène et le jeu politique suivant deux principales modalités, qui sont associatives ou individuelles.
1- La reconnaissance et lincorporation des mouvements associatifs immigrés dans le jeu politique local
Le début de la légitimation de limmigration nigériane dans la ville de Douala par les autorités locales peut être appréhendé à partir du moment de leur reconnaissance en tant que mouvements associatifs. Si au Cameroun la législation en la matière les classe dans la catégorie dassociations culturelles, on verra que cette reconnaissance sur le plan juridique ne constitue que le point de départ dun processus dinféodation multiforme au sein des instances politiques locales, comme cest le cas de la NIGERIAN UNION, la NAPSDA ou la TIMBER DEALER ASSOCIATION etc. à Douala (Nkene 2000 :55)
Lidentité collective des immigrants nigérians est par exemple exprimée à Douala à travers la Nigerian Union. Association à léchelle urbaine, elle regroupe tous les nigérians sans distinction dappartenance ethnique ou régionale. Sa logique essentiellement fonctionnelle repose sur le recherche des intérêts particuliers et en fait un regroupement rationnel et non émotionnel. Quoique le droit camerounais ne reconnaisse en elle quune association culturelle, il faut cependant dire quelle jouit dune importante influence, notamment économique sur le plan local ( Weiss,1998 :275). A ce titre les autorités locales recherchent leur collaboration dans la réalisation de certaines uvres publiques : leur assistance a ainsi été régulièrement requise par les maires de Douala II pendant les municipales de 1986, en terme, daide à la réalisation des missions communales, telle la viabilisation des canalisations de la rivière qui traverse les quartiers occupés par certains immigrés - Fleuve Mboppi. Selon Nfampou Dagobert - ancien maire de Douala II- les étrangers quel quen soit leurs origines, ne sauraient rester en marge des activités de salubrité de leurs quartiers, puisquils en sont également des bénéficiaires. Ce groupe devient lobjet dun enjeu pour les partis en compétition, un partenaire politique quil faudrait avoir dans son giron du fait de son poids économique. Le moment le plus visible de tentative de contrôle de cette immigration par les autorités locales est la période de libéralisation politique qui a secoué le Cameroun entre 1989 et 1994 : Pendant les villes mortes de 1992 dans la ville de Douala, la NIGERIAN UNION et la NAPSDA, la TIMBER ASSOCIATION étaient régulièrement convoquées par les autorités locales aux fins de résoudre le problème de la fermeture de maisons de commerce selon le mot dordre de grève qui paralysait les activités de la ville. Si lOpposition regroupée autour du SDF souhaitait vivement que les membres de ces associations par ailleurs détenteurs de la plupart des maisons de commerce suivent le mot dordre de grève, le RDPC, par les autorités politiques locales qui lui étaient fidèles ramaient en sens inverse et ce faisant, légitimaient cette immigration à Douala. Leur présence dans ces instances de crise et de prise de décision nest pas fortuite dans la ville de Douala : cest quen réalité, ils détiennent un important rôle sur le plan économique, par le biais du monopole de certains secteurs dactivités vitaux qui font deux des acteurs incontournables à la fois sur le plan économique et sur le plan politique. Cela permet de comprendre les logiques denserrement des mouvements associatifs nigérians et les tentatives récurrentes de rapprochement initiées par les autorités politiques locales. Ce qui est important à faire entrevoir dans cette relation, ce sont les rapports clientélistes quentretiennent les immigrés et les autorités locales. La réciprocité des intérêts et des gains fondant cette relation sinscrit dans une logique déchange dyadique où létranger autant que les autorités trouvent un intérêt à collaborer. Le statut détranger qui habituellement indiquerait une position de faiblesse par rapport aux nationaux (Withol ,1987 : 23)est dans ce cas supplée par le pouvoir économique et en fait un partenaire politique décisif à rallier. Les luttes sourdes entre partis politiques à New-Bell visant à ramener dans leurs bastions les immigrés nigérians démontrent amplement cet état de chose.
Comme enjeux électoraux, les mouvements associatifs nigérians apparaissent comme des acteurs\facteurs déterminants dans certaines localités de la ville de Douala. Lexemple de la NAPSDA dont les services sont régulièrement demandés par les autorités de Douala II illustre à merveille cette tendance. Il sagit dun regroupement dimmigrés nigérians exerçant dans la filière des pièces détachées dans la ville de Douala et dont le dynamisme lui a valu de nombreuses réquisitions par les autorités municipales au quartier Yabassi ; ceci contrairement à lassociation des béninois de Douala historiquement lune des communautés étrangères la plus ancienne, mais moins influente et ne faisant lobjet daucune convoitise particulière de la part des autorités locales.
Si la visibilité de ce phénomène est moindre dans les quartiers " centralisés " de Douala, il faut dire quil est dune très forte prégnance dans sa partie insulaire, dans ses "marges ". En effet, les élections dans larrondissement de Manoka - Douala VI - sont le reflet de la participation ou non des associations immigrées nigérianes qui regorgent en leur sein près de 85% de la population locale. Leur contrôle est alors un gage important pour lexpression des suffrages, car leur " discipline " aux consignes de vote détermine largement le sens des votes.
Deux types dintérêts croisés sont à la base de ce processus dincorporation. Si lon peut considérer quils sont essentiellement sécuritaires pour les associations nigérianes, ils sont surtout pécuniaires et politiques pour les autorités locales qui se disputent leur contrôle à loccasion, comme en témoigne les rapports conflictuels entre DICKI KALLA -chef de 3ème dégré de Cap-Cameroun- et les autorités gouvernementales. La capacité dattraction est surtout liée à leur taille, le poids de lassociation apparaissant comme le principal critère de son inféodation dans les instances locales. La masse critique ici peut être le nombre ou alors linfluence perçue en terme de poids financier. Elles constituent une ressource pour les autorités et une clientèle pour le personnel politique local. A Douala, le contrôle du jeu politique passe donc aussi par celui de la maîtrise des regroupements immigrés, considérés dans ce cas de figure comme un enjeu : celui qui contrôle les nigérians à Camp yabassi tiendrait un gage supplémentaire pour le contrôle de la mairie de Douala II ; celui qui contrôlerait les associations nigérianes à Cap-Cameroun, Clic Number One, Munganguè, Kangue, Poka sassurerait la direction de larrondissement de Manoka. Leur influence, variable dune sphère à une autre, semble, en ce qui concerne la ville de Douala, justifier une inféodation à géométrie variable dans les instances politiques locales : il sagit tantôt dune incorporation qui a lieu au niveau des autorités gouvernementales, tantôt au niveau des autorités municipales, tantôt au niveau des autorités traditionnelles. Lentrée dans le champ politique survenant à partir du glissement de leur vocation culturelle/économique à un rôle politique. Cest, note Jacques Palard, la situation où lassociation joue un rôle charnière dans laccès au politique ; puisquelle représente un relais dautant plus efficace quest dune certaine façon postulée labsence de solution de continuité entre le micro-social et le macro-social, entre le niveau de lexpérience communautaire et celui de lorganisation politique. Lautre mode dinféodation de cette immigration nigériane dans la scène ou le jeu politique de Douala est basé sur des individus.
Lauxilliarisation des " chiefs " et la cooptation des " big massa " dans le jeu politique de Douala obéit aux logiques de recrutement politique rendu nécessaire par le contexte nouveau, marqué par la compétition politique, où les " représentants " et " élites " immigrés apparaissent de plus en plus comme des ressources pour les instances locales. Ici, on se situe en face des " effets pervers " (Boudon,1997) produits par cette immigration, du moment où il sagit des conséquences non désirées par les nigérians eux-mêmes : le charisme de certains immigrés est à la base de lengouement que lon observe de la part des autorités publiques pour leur cooptation dans le jeu politique local. La réputation et la position sociale permettent dentrevoir les logiques qui fondent cette inféodation: ils doivent pouvoir représenter quelque chose -association- ou avoir quelque chose fortuné - aux yeux des autorités locales.
En effet, les regroupements des immigrés nigérians dans la ville de Douala ont à leur tête des " chiefs ". Ce sont des leaders qui sont en général désignés par leurs congénères pour représenter leur association ou groupe . Le " chief " est désigné suivant deux principaux critères: lancienneté ou la fortune, étant entendu que les deux critères peuvent très bien se combiner, comme le montre le cas de Chief Patrick N. NDJOKU Président de la Nigeria Union à Douala . Ces personnes investies par les immigrés sont chargées au quotidien dagréger les doléances des membres auprès des instances locales, de parler en leur lieu et place en cas de besoin. Mais confrontée à laction, cette fonction de représentation se pervertit très vite, dans un milieu urbain où laffairisme et le désordre priment. A titre dexemple, les problèmes de titres de séjours sont les moments où ceux-ci sont en constants rapports avec les pouvoirs publics, puisquils sont sensés représenter les immigrants régulièrement inscrits dans leur association. Mais dans la pratique, il sagit dune tache ardue, car ils doivent concilier les intérêts contradictoires dune immigration nigériane essentiellement clandestine et les intérêts des autorités locales pour qui ces droits constituent dimportantes ressources fiscales. Voilà qui justifierait les stratégies de leur auxilliarisation par les autorités locales. Ils sont des intermédiaires et des médiateurs entre les immigrés et les autorités. Lauxilliarisation de ces membres de limmigration par les autorités locales est un moment important du processus de leur politisation, leur intervention se situant dorénavant dans les sites daction politique saillants observés dans la ville de Douala : les campagnes de recouvrement des impôts sur les personnes physiques qui concernent également les étrangers - resident permits - permettent de voir quils sont les interlocuteurs principaux et privilégiés des autorités locales à ces moments cruciaux. Les " chiefs ", alors mieux placés pour les déceler, sont régulièrement consultés par les autorités administratives et municipales pour la " conscientisation " des membres de leurs associations. Cette médiation constitue linstrument ou le vecteur assurant le passage de la sphère privée immigrée dans le champ politique . Cest également dans cette optique quil est possible, eu égard à la position quils occupent, dobserver la relation clientéliste et tribunicienne quils ont avec les autorités de la place: faisant semblant dagir exclusivement pour le compte des membres quils sont sensés représenter, les " chiefs " sapproprient très souvent les positions de domination sociale qui sont les leurs, à leur propre compte. Ainsi les verra-t-on bénéficier des grâces des autorités locales lors des rafles ou bénéficiant de moratoires dans le payement de quittances pour leurs maisons de commerce, ou alors toujours acquittés devant les commissariats en cas de différend avec leurs ressortissants ou même avec les populations locales (Nkene 2000 :57).
La cooptation des " big massa " nigérians dans le jeu politique local relève dune autre logique. Il sagit dune stratégie de contrôle dimmigrés fortunés dont le poids financier peut éventuellement être déterminant pour les activités de partis ou même ladministration locale. Cette catégorie nouvelle dacteur générée par la diaspora nigériane constitue, à certains égards, dans le cas de la ville de Douala, un type comparable " au big man " mélanésien de Sahlins qui, par ses propres efforts et en sappuyant sur ses femmes ou ses [cadets] réussi " à se hisser au-dessus du lot commun ". Bénéficiant dune " grande renommée "( Médard,1992 :169) il voit son statut social se différencier, ce qui lui confère un audience toute particulière parmi ses pairs. Ces types de profils sont recherchés par les autorités locales à des fins électoralistes lors des campagnes politiques, notamment pour leur apport financier comme on peut lobserver dans larrondissement de Douala II et dans certains archipels de Douala comme MANOKA ou CAP CAMEROUN où leur poids financier est devenu déterminant au fil des années. On nest pas très loin dans ce cas de figure dun processus de recrutement politique des étrangers dans les instances politiques.
Mais le processus dincorporation de riches nigérians dans le jeu politique local est plus visible avec la cooptation de immigrés nigérians naturalisés camerounais established. Ainsi de M . TANKO HASSAN, important homme politique de ville de Douala. Son itinéraire est typique de ceux des immigrés haoussas du nord du Nigeria arrivés à Douala avant lindépendance et installés dans les petits métiers. Ayant débuté comme tailleur à New-Bell, cet immigré nigérian sest ensuite reconverti dans le commerce où il sest imposé comme un ténor de la filière " import-export ", ce qui lui a permis de gravir rapidement les strates sociales avant dêtre élu président de la section RDPC de Douala IV. Cette nouvelle position sociale conquise et son appartenance à la religion islamique ont fait de lui un pole " naturel " de convergence de nouveaux immigrants nigérians de même obédience religieuse, dimmigrants en bute aux multiples tracasseries quotidiennes. Sa situation de "established " sert donc, au contraire de celle observée par Elias et Scotson à Winston Parva, de refuge pour les nouveaux venus. Parallèlement, cest une position qui sert aussi aux autorités locales, surtout lorsquil sagit de la résolution de la " difficile équation " nigériane à Douala. Dès lors, M. TANKO HASSAN apparaît auprès des autorités locales comme une personne ressource quil faut " capter ", aux fins de la maximisation des gains dans un jeu politique où les nigérians sont indirectement partie prenante. Il en est de même de M. AHLADJI GARBA, député RDPC de Douala II dont les origines nigérianes sont connues de tous et qui joue un rôle similaire dencadrement des immigrés nigérians à KOLOULOUN. Son investiture par le RDPC participe de cette logique de contrôle des immigrés de haute stature sociale et économique. La popularité de M. ALADJI dans les milieux immigrés est telle quil constitue aux yeux de autorités locales un maillon essentiel à partir duquel cette immigration peut être contrôlée.
La recherche du contrôle des immigrés par les autorités locales se traduit alors par linféodation dans le jeu politique local de certains " pontes " nigérians ayant acquis une notoriété dans la ville. Cest une stratégie qui débouche indirectement sur lentrée des " étrangers " dans le champ politique et qui devrait sanalyser comme un " effet pervers " ou un " effet de composition " du phénomène migratoire. Cependant, cette entrée dans le champ politique de limmigration nigériane nest pas, dans la ville de Douala, uniquement imputable à laction des autorités publiques ; elle résulte aussi de laction des populations locales.
B - PUBLICISATION DE LESPACE IMMIGRE PAR LES POPULATIONS LOCALES
Un autre mode dentrée des immigrés nigérians dans le champ politique résulte de certains modes populaires de représentation politique à Douala. Cest un mode de politisation " par le bas " (Bayart, Mbembe et Toulabor 1992) provoqué par des représentations issues du séparatisme anglophones et le conflit de Bakassi, qui induisent de nouvelles figures de perception des immigrés nigérians. Dans la ville de Douala, limmigré nigérian est très souvent perçu comme un " opposant ", par analogie et par assimilation aux anglophones qui depuis 1961 alternent au Cameroun entre participation et contestation du/dans le système politique. Si les anglophones camerounais souffrent être assimilés à des " biafrais ", les immigrés nigérians ne soffusquent à aucun moment dêtre traités d" anglos ". Cest a contrario une situation qui leur permet de se fondre dans un univers qui leur est très souvent hostile.
Les représentations politiques populaires dans la ville de Douala en rapport à limmigration nigériane ont partie liée avec lhistoire commune des deux pays. Le poids de limaginaire collectif (Withol,1999 :136) semble indissociable de certains faits historiques( Bayart 1992 :42) lesquels font transparaître clairement que les deux peuples nont pas jusquaujourdhui accepté ou digéré la partition qui a résulté du référendum de 1961 organisé par les Nations-Unies et qui attribuait la Southern cameroon au Cameroun et la Northern Cameroon au Nigeria. En effet, larbitrage des Nations-Unies a produit de part et dautres une amertume et une tristesse qui continuent de charrier le vécu quotidien des deux peuples et, une forme de rancune souterraine na pas cessé de hanter ici et là les consciences collectives. Les nombreuses et récurrentes conflagrations qui ont émaillé lexistence des deux pays depuis 1961, peuvent être justifiées dans une large mesure par ces représentations qui produisent des effets de réalité (métonymie). Les constructions ethnonymiques " biafrais " (Nkene, 2000 :52), " anglos ", " opposants " sont des étiquetages et appellations traduisant largement la perception péjorative vers eux orientées, et sont symptomatiques des rapports politiques turbulents en terre daccueil.
Comme " biafrais ", limmigré nigérian est perçu à Douala comme un usurpateur, un envahisseur dans la mesure où sa présence semble dabord rappeler la partie " perdue " du Cameroun septentrional. Limage dun Cameroun territorialement atrophié continue à imprimer chez les populations locales un sentiment de rengaine. Les rencontres de football entre les deux pays sont des moments important dobservation de ce climat de répulsion et de conflictualité permanente : la finale de la coupe dAfrique des nations remportée par le Cameroun a connu de formes multiples de débordements dans la ville de Douala :des marches et des slogans scandés durant toute la nuit " OKOSHA parle encore " traduisent le ras le bol des populations devant ce voisin géant qui " dérange ". Les victoires camerounaises contre léquipe nigériane apparaissent alors comme des instants de conjuration dun sort, dun exorcisme collectif, peut-être plus profondément encore, dune consolation par rapport à la portion de territoire " perdu " en 1961.
Comme " opposants ", les immigrés nigérians sont assimilés aux camerounais ressortissants du lex-cameroun occidental dont les velléités sécessionnistes sont considérées par les autres camerounais comme extravagantes et non fondées. Cest ainsi que dans les représentations, les immigrés nigérians sont considérés ou perçus comme des " alliés naturels " des anglophones, eu égard à lhéritage commun obtenu de la Grande- Bretagne et apparaissent comme des adversaires de lunité " durement conquise " du Cameroun. Cette présomption de soutien au mouvement sécessionniste anglophone produit des effets de réalité dans la scène politique de la ville de Douala où être nigérians rime avec le SDF. Ce parti né en 1990 à Bamenda exprime dans une certaine mesure la frustration exprimée par ces populations anglophones de Douala largement phagocytée par des francophones et qui apparaît comme organe de représentation et de défense des intérêts anglophones dans le jeu politique local. Principale formation de lopposition au Cameroun, ce parti est perçu comme bénéficiant des largesses des immigrés nigérians, notamment IGBO et HAOUSSA respectivement du Camp Yabassi et du quartier Congo doù létiquette d" opposants " qui leur est très souvent projetée par présomption, et malgré le fait quils navouent ne jamais faire la politique.
Par ailleurs, le conflit de Bakassi est apparu comme un autre facteur de cristallisation de la répulsion envers les immigrés nigérians, même si ces derniers répugnent en général à se prononcer publiquement sur la question. Le sentiment anti-nigérian a pris un bémol depuis que le contexte stratégique entre les deux pays est marqué par la résurgence de cette guerre. Au retour de leur séjour dans la péninsule de Bakassi, les militaires camerounais alimentent dans les "chantiers " et les " bars " les conversations les plus épiques sur la méchanceté de lennemi nigérian, " sans scrupule ni loi " et responsable, par ses incursions en territoire camerounais, de nombreuses pertes en vie humaines. Il est alors apparu dans la ville de Douala de nouvelles perceptions de limmigré nigérian, progressivement perçu comme " un ennemi dans la maison ", un " adversaire" qui se cache dans le giron des opposants " anglos ". Ces considérations tout à fait neuves dans cette ville affectent de manière significative lespace immigré qui se trouve élargi du fait de son glissement dans un champ quon lui croit par définition interdit, cest-à-dire la sphère politique (Withol, C, 1987 :165). Le rôle de la presse, entendue comme vecteur de publicisation de lespace immigré nest pas des moindres dans cette ville.
Lobservation et lanalyse de la production de la presse locale en rapport avec la question de limmigration nigériane à Douala montre une évolution quasi-parallèle avec le comportement et les attitudes des populations locales. Cette attitude varie également en intensité en fonction des périodes, cest-à-dire suivant que les rapports entre les deux pays sont stables ou non. Des " dossiers " sur limmigration nigériane à Douala sont alors régulièrement confectionnés par ces organes de presse, attestant par là même la sensibilité de la question auprès de lopinion publique et, son glissement sur la scène publique.
Le traitement de cette question à partir de la presse peut donc permettre dappréhender lopinion que se font les populations des immigrés nigérians, tant il est vrai que cette opinion est largement " travaillée " par les médias et réciproquement. Pour des raisons méthodologiques nous avons axé notre travail sur des organes de presse dont les sièges sont à Douala ou qui ont des représentations dans cette ville, pour des raisons évidentes de distance par rapport à lobjet détude. Notre postulat est que la perception de limmigration par les journaux locaux immergés dans laction et surtout en interaction quotidienne avec les nigérians devrait être différente de celle effectuée par les journaux gouvernementaux dont les positions sur la question sont très souvent aseptisées, et des organes de presse paraissant à des distances importantes et qui ne traiteraient de la question quà travers des " reportages ".
En établissant cette corrélation entre le pôle dobservation et les types de représentations qui en sont induites nous pensons pouvoir déterminer quelques critères objectifs de choix des organes de presse. Nous avons ainsi privilégié le MESSAGER et MUTATIONS pour les publications en langue française, CAMEROON POST et THE HERALD pour les publications en langue anglaise. Le choix de ces organes est fondé sur leur représentativité dans la villes de Douala, la régularité de leur publications et lintérêt quelles accordent dans leurs colonnes sur la question de limmigration nigériane à Douala .
Deux variables peuvent aider ici à appréhender ce phénomène : quantitative, en prenant en compte le nombre et la surface de production sur la question nigériane dans ces journaux , et qualitative en prenant en compte le contenu ou le ton des articles proposés.
En terme quantitatif, cest le journal le MESSAGER qui sattribue le plus grand nombre darticles sur la question, suivi de CAMEROON POST, de HERALD et de MUTATIONS. Nous avons arbitrairement choisi de privilégier la seconde variable, parce que estimions-nous, elle devrait être plus apte à nous renseigner sur les représentations et les images produites par la presse sur limmigration nigériane.
Le moment saillant de ce "passage au politique" est la manipulation du chiffre des immigrés nigérians. Une surévaluation systématique de leur nombre dans lensemble de la presse nest pas innocent : lentretien de cette image a pour fonction dexacerber les tensions et de montrer la menace réelle ou virtuelle dune population " étrangère " qui après avoir " envahi " Bakassi, est progressivement en train de faire de même, en ce qui concerne la ville de Douala. La construction dune menace immigrée peut être ainsi recoupée à travers certains journaux locaux. Selon le MESSAGER, il y aurait 500.000 à 1.000.000 nigérians vivants à Douala, sur les 3.000.000 vivants au Cameroun. Si le recensement de la population de 1987 - le seul dailleurs qui donne une approximation du nombre des nigérians à Douala - estime à environ 20.000 - ce qui est tout à fait invraisemblable - il y a lieu de remarquer que celui régulièrement servi par le MESSAGER le grossit de manière démesurée. Les chiffres avancés relèvent ouvertement dune volonté de manipulation et de la stigmatisation de limmigration nigériane, aux fins de la présenter comme une menace physique aux yeux des populations. Ce que nous souhaiterions faire voir ici, cest la signification, sur un plan politique, de cette manipulation du nombre. Lobservation montre que le " tango " de ces chiffres traduit un état de relations entre les deux pays: en période daccalmie, lélévation des chiffres traduirait lhospitalité des populations locales ; et en période de résurgence de conflits entre les deux pays, elle suggérerait le danger ou la menace dun envahissement dont seraient exposées les populations de Douala. Dans les journaux, les termes " amis ", " frères " nigérians alterneront alors avec les termes " ennemis ", " ingrats ", " fourbes ", " envahisseurs " pour exprimer, la menace permanente qui pèserait sur les populations locales. Il y a donc une corrélation entre létat des relations entre les deux pays et les images produites par la presse locale. Le ton, en général ambivalent, est donné sous forme dalerte dans la " une " de ces journaux : " la menace nigériane se précise " ; " Même CAMP YABASSI mappartient "; " Nouveau Bakassi. Fronde nigériane à MANOKA: " ; " Des Nigérians aux cotés des indépendantistes " " Le came no go des Nigérians " ; " Des nigérians arrêtés en possession darmes de guerre à Youpwè " ou sous forme dapaisement : " Le Général Abacha bientôt à Yaoundé ". La surmédiatisation de cette immigration est un important vecteur de sa publicisation, à partir du moment où lespace immigré est transporté au devant de la scène publique par le biais des journaux, et, en alimentant le débat public, elle se politise .
Autre modalité dentrée de limmigration nigériane dans le champ politique de la ville de Douala, la publicisation de lespace privé immigré. Il sagit de la transposition sur la place publique, des faits et murs qui habituellement sont considérés comme ressortissant de la sphère privée des étrangers. Au premier plan de ce processus, la religion. Nombre dimmigrés nigérians sont considérés comme animateurs des " sectes " dont les activités sont décriées dans la ville de Douala. Les plus en vue sont les " Eglises Pentecôtistes " et leur différentes variantes - Jesus Alive, Love God etc. -, qui absorbent une importante couche de la population, notamment celle en bute à des problèmes de survie. Les activités " louches " auxquelles elles se prêtent, à limage de la vente des organes humains imputée aux nigérians qui en sont membres défraient au quotidien la chronique à Douala (Nkene 2000 :50). Ici, le débat a pris la tournure dun véritable drame psychosocial avec lassassinat dun jeune enfant de 11 ans par deux nigérians pour dit-on, des fins de sorcellerie. Limplication de certaines personnalités immigrées, linterpellation de certaines autorités de police de la ville, et, surtout lintervention du Consul du Nigeria à Douala pour condamner cet " odieux acte "a donné une connotation fortement politique à lévénement, le faisant glisser dun fait de société à un fait politique : laffaire de meurtre denfant étant devenue une affaire entre Etats, au regard des niveaux des instances mobilisées.
Dans le même chapitre, " la sorcellerie " des nigérians, en tant que pratique intime est également passée dans le débat public au travers de la question de la " disparition des sexes " qui leur était imputée. Cette autre psychose sociale dont ils seraient responsables entretien de façon cyclique dans la ville de Douala , des manifestations et débats publics, où sentremêlent vie privée immigrée et opinion publique; comme en témoigne le lynchage des nigérians Igbo - et la destruction de biens par les populations au quartier Deido, soupçonnés de commanditer des " disparitions de sexe " à " distance " par des " pratiques louches ". La publicisation des comportements privés immigrés nigérians se traduit par son apparition dans lordre du jour du débat public et se pose en terme dhospitalité et de réciprocité, puisque nombres de camerounais résident également en territoire nigérian.
Ainsi, limmigration nigériane, largement considérée comme essentiellement phénomène de société à Douala, est passé au centre du débat public local par une publicisation progressive de son espace privé. Lobservation de la scène politique locale de Douala fait entrevoir une dynamique inverse de politisation, impulsée cette fois-ci par les nigérians eux-mêmes .
II - LES MODALITES IMMIGREES DENTREE DANS LA SCENE ET LE JEU POLITIQUE LOCAL
Lentrée des immigrés nigérians dans le jeu politique local est entendu ici comme celles de leurs activités sociales qui interfèrent de manière incidente avec les instances du pouvoir local, ou alors celles de leurs activités qui prennent de manière rationnelle naissance directement dans le champ politique local. Ce processus fait entrevoir deux types de stratégies : les stratégies intentionnelles dinterventions dans le jeu politique local, qui sanalysent en une conversion du capital économique en capital relationnel : le passage au politique sobservant au moment de larrimage de ces motivations économiques dans le champ politique. La nature occulte de ce type de stratégies est une caractéristique importante du séjour des immigrés nigérians à Douala, et, une particularité de leur mode dentrée dans le jeu politique. A coté de ces stratégies occultes qui opèrent par conversion de capital, il existe également une activité de marquage politique de lespace daccueil par ces immigrés, qui sanalyserait, dans le cas despèce, comme une participation politique non conventionnelle ( Mayer, Perrineau,1992 :11).
Limmigration nigériane na pas seulement produit des agents économiques incontournables dans la ville de Douala (Nkene, 2000 :56). Elle a également généré une catégorie dentrepreneurs politiques (Schumpeter,1983 :374) étrangers dont le fonctionnement et le comportement apparaît à tout égard atypique des modes classiques d"entrée en politique " (Rodrigo, 1990 ). Il sagit dagents sociaux allochtones qui investissent discrètement et sournoisement les instances de pouvoir aux fins de tirer partie de soutiens ou appuis politiques. Les taxinomies classiques les rangeraient vraisemblablement dans le cadre des groupes de pressions ; en effet, une observation serrée de leur fonctionnement montre quils naffichent réellement aucune prétention à exercer le pouvoir politique au niveau local, mais plutôt collaborent discrètement avec ce dernier aux fins de réaliser leur projet migratoire. Sans doute la situation d" étranger " justifie-t-elle les nuances observées dans le déploiement des stratégies de conversion de capital chez les immigrés nigérians à Douala.
1- Lentrée " buissonnière " sur la scène et dans le jeu politique local
Le repérage des immigrés nigérians dans le jeu politique local de la ville de Douala nest pas tache aisée, du fait du camouflage habituel de leurs activités pendant leur séjour. Linfiltration des réseaux fermés Igbo du quartier Yabassi sest avérée particulièrement fructueuse ici pour appréhender les mécanismes et surtout les motivations dune occultation devenue obsessionnelle: cest quen réalité, la situation quasi-générale de clandestinité (Mefouna, 1991 ;Bouillon, 1999)qui est la leur, les représentations foncièrement péjoratives qui leur sont affublées par les populations locales et, surtout leur statut d"étranger ", les amènent à adopter une attitude de repli et des stratégies essentiellement occultes pour pénétrer les milieux politiques. Cela expliquerait largement cette pseudo-absence dans un univers politique traditionnellement considéré comme relevant du domaine exclusif des " indigènes ". On verra, sagissant de la ville de Douala, que cet OPNI - objet politique non identifié - (Coulon et Martin,1991 :160) est bien présent et évolue au principal dans linformel. Expliquons.
Le monopole dont les immigrés nigérians jouissent dans certains secteurs dactivités économiques na jamais été du goût des populations locales qui sen accommodent à défaut de pouvoir les chasser( Nkene, 2000 :56). Ils sont, à tous les égards considérés ici comme des ennemis commodes (Christie,1986 ; Brubaker, 1984). Une présence également ostentatoire dans la sphère politique comme cest le cas dans le secteur économique serait insoutenable pour les populations locales. Pour ce faire, les immigrés nigérians évoluant dans la délicate sphère du politique se doivent dêtre discrets, aux fins de ne pas en rajouter à une répulsion sociale avérée. Par exemple, à la question relative au rapport quils entretiendraient avec la politique, les immigrés nigérians presque sans exclusive, répondent de manière systématique " I dont do politics ", comme pour souligner lindifférence pour ce sujet (Bourdieu,2000 :8) et surtout le statut dapolitique quils assumerait en terre étrangère. En réalité, il nen est rien. Il y a plutôt camouflage et occultation de lactivité politique pour les raisons xénophobes évoquées plus haut. Il sagit dune stratégie de diversion et de contournement du sentiment dincompétence politique qui leur est accolé, cest-à-dire le refus ou linterdiction socialement reconnue comme habilités à soccuper des affaires politiques ( Bourdieu, 1979 :466). Dans cette perspective, ils choisissent conséquemment les modes daction occultes, par exemple de financement occultes des partis politiques ou de corruption des autorités publiques locales pour la réalisation de leur projet migratoire. Cette prédilection pour linformalité politique à Douala renvoie à dautres types de comportement déviants dimmigrés nigérians observés dans les milieux économiques contrebande- (Fodouop,1988)et sociaux iconoclastes- (Amaazee 1990 :283) au Cameroun.
La constitution de lobbies politiques immigrés nigérians agissant dans le secret le plus absolu traduit ce penchant pour un jeu politique occulte. Au départ ce sont des associations ethniques ou professionnelles qui, au fur et à mesure quelles prennent de lenvergure, se retrouvent dans la nécessité de collaborer avec les instances politiques locales. Ce glissement de nature ou de vocation apparaît lorsque les intérêts grandissent, lorsque la coalition avec le pouvoir local devient un gage de la pérennité des affaires. A ce moment les lobbies financent les organes politiques locaux en échange de protections, de passe-droits etc
Les lobbies IGBO (Ejiofor,1981) apparaissent ici comme les plus influents, encadrés par de puissants réseaux opaques dont les ramifications sétalent en dehors du pays daccueil. Leur redoutable dynamisme en fait un lobby particulièrement craint dans certains milieux daffaires de Douala. Leur ancienneté et surtout le monopole de certains secteurs dactivité les placent comme des interlocuteurs de premiers plans avec les autorités locales. La NAPSDA - Regroupement de vendeurs de pièces détachées du Camp Yabassi - a, par le biais de son représentant financé secrètement le candidat RDPC de Douala II pendant les législatives de 1997, en même temps que le candidat SDF. Le jeu consiste ici à subventionner au même moment tous les candidats potentiellement éligibles aux élections. Cela permet de se prémunir contre déventuelles surprises. Cette attitude du reste dispendieuse, nest pas inconnue des milieux daffaires camerounais, comme en témoigne le plaidoyer à la télévision camerounaise pendant le villes mortes de KADJI DEFOSSO, accusé de financer le principal parti dopposition -SDF. Celui déclara quil finançait aussi le parti au pouvoir - RDPC et ne trouvait aucune incompatibilité à " aider " les deux partis. Le comportement des lobbies IGBO est à beaucoup de point de vue identique. En finançant tous les partis susceptibles de gagner les élections, ils se placent dans un jeu à somme variable, où ils sont assurés quel quen soient les résultats, davoir la " confiance " de nouveaux élus. Lexemple de collusion la plus remarquable entre immigrés nigérians et autorités politiques locales se trouve être linexécution dune décision de déguerpissement pour construction de maisons dans une zone déclarée " non idificandi " - pont du Camp Yabassi - jamais exécutée, parce quelle est majoritairement occupée par des commerçants Igbos, contrôlant parfaitement depuis près de 20 ans les députés et maires de cette circonscription administrative quelle que soit leur obédience politique.
Les lobbies Haoussa du quartier Congo encore plus discrets, sont à créditer dune influence politique grandissante. Ce quartier abrite la plupart des musulmans Nigérians depuis les années 1960. Dérivé des rapports religieux quils entretiennent avec leurs homologues camerounais du quartier Congo, les lobbies haoussa tirent leur efficacité de leur insertion et leur longue familiarisation avec les milieux nordistes très impliqués dans le commerce " import-export ". Dun point de vue politique, les immigrés haoussa, sont dans leur majorité inféodés aux camerounais originaires du " Grand Nord " et salignent en général sur les choix politiques de ces derniers. Leur choix très souvent vont pour lUNDP ou le RDPC en ce qui concerne les partis politiques. Mais lessentiel de leur lobbying seffectue en direction des autorités administratives de leurs circonscriptions directes. Ces alliances politico-administratives sont importantes pour le déploiement, la sécurisation et lencadrement de leurs activités qui se déroulent dans une large proportion dans la fraude et la contrebande.
Lobservation attentive de la scène politique de Douala montre que malgré les relents de xénophobie observés dans cette ville, les immigrés nigérians se posent comme des acteurs déterminants dans le jeu politique local, et , se trouvent ainsi, du fait de leur activité politique occulte, dans une situation atypique par rapport à la " discrétion " des autres étrangers y résidents. Mais on retiendra surtout que loccultation et la diversion caractérisent les modes dentrée en politique des immigrés nigérians à Douala. Au delà de ces stratégies buissonnières dentrée dans la scène et le jeu politique, la technique de conversion de capital apparaît comme une autre modalité de leur entrée dans le champ politique.
2- La conversion du capital économique en capital politique
Une fois de plus, on est dans un chapitre peu transparent de lactivité politique des nigérians dans la ville de Douala, qui a trait à larrimage des immigrés dans le champ politique via léconomique. Lentrée des immigrés nigérians dans le jeu politique de la ville de Douala par leur propre initiative obéit à une logique de conversion dun capital économique en capital relationnel (Bourdieu, 1983). En effet, les immigrés nigérians dans leur majorité sont dans les " affaires " -comprendre ici activités commerciales largement frauduleuses - et jouissent dans cette ville dune réputation dhabiles commerçants, ce qui justifierait la fortune quils réussissent très souvent à amasser en très peu de temps. Une des catégories socioéconomique (Portes, 1995 ;Light et Bonacich 1998) produite par cette immigration en terre daccueil est ce quon désigne ici par " big man ", " big massa " ou plus communément " njim tété ". Le " njim tété " immigré est en général un self-made-man qui, parti dun " settlement " arrive à se positionner comme un membre du groupe financièrement influent. Lidée sous-jacente ici est la réussite sociale individuelle, elle-même bâtie sur une réussite économique. (Geschiere et Konings, 1993) Mais dans de la ville de Douala, cette dernière ne peut réellement être efficiente sans des soutiens politiques et cest ce qui expliquera que lon les décèle également dans ce champ. Laction politique individuelle des immigrés nigérians dans la ville de Douala sinscrit dans une alliance dyadique où la logique de la corruption prévaut et où le secret est de mise. Ce sont en général de gros commerçants IGBO et Haoussa qui entretiennent ce commerce avec tantôt les partis politiques, tantôt avec les autorités administratives ou traditionnelles. Ojukwu, puissant homme daffaire IGBO installé au quartier Ngodi est un prototype du " njim tété " immigré nigérian à Douala. Réputé dans les milieux daffaires et dans les milieux politiques de la ville de Douala, il appartient à la catégorie des personnes " intouchables " de la place. Sa réputation de " dur " fait de lui un homme craint et respecté de la ville. Sa trajectoire dentrée dans les instances du pouvoir local est dabord passée par une accumulation, ensuite il y a eu redistribution à certains agents sociaux précis que sont les autorités locales - chef traditionnels, commissaires de police, maires, sous-préfets, préfets etc. - en vue de deux objectifs: la sécurité et le développement de son commerce. Au cur de cette mécanique, la logique de conversion dun capital économique en capital relationnel dans la mesure où ce qui est visé par limmigré nigérian, cest la sécurité de son commerce contre les populations locales avec lesquelles ils entretiennent des rapports plutôt " difficiles ". Sadjoindre les services et la protection des autorités politiques et administratives locales devient alors un gage pour la réalisation des projets migratoires. Lentrée dans le jeu politique on le voit ici est indirect, et obéit à dautre chose que la conquête ou lexercice du pouvoir. Il ne sagit pas dune recherche du pouvoir à exercer, mais davantage de la quête dun capital relationnel qui les sécurise dans un environnent social hostile et susceptible de nuire à leur objectifs denrichissement. Il sagit moins encore, en ce qui concerne le " njim tété " immigré, dune véritable professionnalisation politique (Gaxie, 1973) puisque leur rapport aux instances dirigeantes obéit à autre chose que la quête du pouvoir politique. Ainsi, le passage de léconomique au politique caractérise les stratégies denrichissement des " njim tétés " et, se traduit concrètement par une forme de " straddling " fonctionnel entre ces deux champs (Médard,1992 :185). Pour mieux saisir ce mécanisme, il faudrait surtout mettre en exergue les rapports déchanges qui existent entre le" njim tété " et les autorités locales. On empruntera volontiers ici les instruments danalyse du paradigme "clientéliste " pour décrypter les rapports d "instrumentalisation " réciproque entre immigrés nigérians et " élites " locales : en fait, la situation d"étrangers " et de " clandestins " les place dans une position sociale souvent inconfortable quil leur faut contourner au prix de sacrifices; lesquels leur permettent ensuite de réaliser leurs objectifs denrichissement et de se positionner comme des alliés indispensables dans le jeu politique local, par exemple en ce qui concerne le financement occulte des partis politiques ou de groupes de pressions.
Observés ainsi sous cette grille de lecture, les rapports entre les autorités locales et immigrés nigérians montrent que lentrée dans le champ politique est pour partie tributaire de différentes transactions, de coalitions politiques fondées sur des intérêts réciproques existant entre les deux premiers (Down,1972) (Marantzidis et Mavromatis,1999 :444). La réussite du processus daccumulation des " njim tété " est étroitement liée aux relations dont ils disposent au sein des instances dirigeantes qui les couvrent en cas de besoin (Médard,1992 :185) Ils sont reconnus comme " intouchables " dans la ville du fait de leurs attaches avec les autorités administratives ou politiques qui en retour obtiennent deux des prébendes. En somme, il sagit dune sorte " dalliance dyadique verticale entre deux personnes de... [catégories ou de groupes sociaux] statut, de pouvoir et de ressources inégaux, dont chacune considère utile davoir un allié supérieur ou inférieur à elle-même "
On doit toutefois faire observer que lentrée individuelle en politique des " njim tété " nigérians immigrés est sans préjudice de celles de leurs groupes politiques, ethniques ou socioprofessionnel quils représentent. A titre dexemple, la SCNC est considérée dans certains milieux politiques de Douala comme étant soutenu par les Nigérians, notamment des " njim tété " IGBO résidents dans cette ville. A la réunion de TARABA - région frontalière avec le Nigeria - M. Bamanga TUKUR indiquait en des termes très clair le rôle politique qui devrait être celui des immigrés présents à Douala : le commerce politique entre " njim tété " et autorités locales, sil ne doit pas être officiel, doit pouvoir servir aux intérêts des anglophones spoliés dans le partage des richesses au Cameroun. Mais en général, ce type dactivité immigrée prend, dans la majeure partie de temps, les trajectoires dune participation politique non conventionnelle, comme on le verra avec les manifestations et protestations des nigérians qui structurent de manière significative lespace politique de la ville de Douala.
B - LA PREDILECTION POUR UNE PARTICIPATION POLITIQUE NON CONVENTIONNELLE
Dans ses diverses modalités, la participation politique nest pas une dimension isolée de la participation sociale au sens large. Si ses principaux indicateurs covarient avec dautres activités sociales (Mayer et Perrineau,1992 :14), il y a quelle dépend étroitement des statuts des membres de la société incriminée. Ainsi, selon que lon est un national ou un étranger, la question de la participation politique se posera de manière différente (Withol, 1987 :11). En particulier, la question de la participation politique des immigrés nigérians à Douala se pose en des termes tout à fait singuliers. Il sagit dune population immigrée dont les rapports sociaux avec la population locales sont extrêmement conflictuels, et, dont les stratégies de séjours sarticulent en gros autour de loccultation et de la dissimulation. Leur participation aux activités politiques emprunte rarement ici les trajectoires légales ou celle des structures ou cadres conventionnels. Elle opère par contournement systématique des cadres agrées et, ce faisant, les introduit dans la sphère dune " participation politique non conventionnelle ". Celle-ci inclut des actions individuelles ou collectives en contestation du pouvoir politique, ou qui utilisent " des moyens refusant la légalité ou totalement illégaux " (Chagnollaud,1996 : 79) Certaines pratiques des immigrés nigérians à Douala dans leurs rapports à la nationalité et la citoyenneté camerounaise et la récurrence de leurs activités protestataires permettent de mieux appréhender ce processus de participation politique non conventionnelle.
1 - Acquisition dune nationalité et dune citoyenneté de "rente" : la double présence
La citoyenneté et la nationalité en ce quelle ont trait aux rapports entre les individus et lEtat, sont des questions relevant de lespace politique. Si cette relation est déjà problématique vis a vis des nationaux, elle constitue une véritable gageure en ce qui concerne les étrangers (Withol, 1987:19; Schuck,1998:160) : " La migration transnationale observe Jacobson, est en train de saper continûment le socle traditionnel de lappartenance à lEtat-nation, en un mot la citoyenneté ". Les motivations et surtout les modalités dacquisition de cette citoyenneté sont bouleversées à la suite des transformations induites de lintensification des flux migratoires qui donnent vie à de nouvelles figures de citoyenneté. Cest dans ce cadre quil faut situer la " citoyenneté de rente ". Par " citoyenneté de rente ", nous voulons marquer ici toute la différence entre une citoyenneté qui repose sur les droits et devoirs classiquement reconnus (Lochak, 1985) et une autre qui est acquise à des fins mercantiles, ou en raison des avantages pécuniaires quelle est susceptible dapporter. Celle que les immigrés nigérians acquièrent ces dernières périodes dans la ville de Douala se distingue fondamentalement par sa finalité et sa procédure dacquisition des modes normaux dacquisition de la citoyenneté: elle leur permet tantôt de marchander leur voix en période électorale ou surtout dacquérir des passe-droits sans pour autant se sentir des camerounais, cest-à-dire des membres de la communauté politique de lespace daccueil; cest donc dune acquisition à des fins essentiellement mercantiles quil sagit. La citoyenneté camerounaise pour limmigré nigérian nest quun instrument de travail, notamment pour éventuellement servir de voix pour les suffrages en cas délection ou alors comme un gage pour les affaires. Dans des localités comme MANOKA où les immigrés nigérians constituent jusquà 80% de la population, cet enjeu est encore nettement perceptible. Ici leur nombre important a des incidences directes sur les suffrages de cette circonscription administrative: véritables enjeux électoraux, ils pèsent souvent dun poids remarquable sur les résultats des élections, comme le montre les élections législatives et municipales de 1997 où ils déterminèrent la victoire du RDPC.
Cependant les moyens dacquisition de cette citoyenneté montrent très bien la considération quon les immigrés nigérians pour elle. En lieu et place dune action en naturalisation ordinaire ou dune double nationalité légalement acquise (Abiabag, 1982), les immigrés nigérians procèdent, à travers de réseaux camerounais et nigérians à des opérations frauduleuses pour lacquérir : moins longue, moins coûteuse et surtout pratique, cette procédure consiste à soctroyer sous pourboire, dans un premier temps, un acte de naissance camerounais auprès dune mairie de la place. Ensuite le même manège est utilisé pour la fabrication dun certificat de nationalité dans les tribunaux de la place et, munis de ces deux éléments, lintéressé peut se rendre dans des commissariats de police de la place pour se faire délivrer une carte didentité nationale camerounaise. En réalité, cette nouvelle procédure dacquisition des cartes nationales didentités visait, par sa longueur à se prémunir de cas de fraudes. Mais à larrivée, ce procédé naura pas servi à grand chose puisque les immigrés nigérians désireux de ces nouvelles cartes en sont dores et déjà titulaires. Au ministère de lIntérieur, et à la police des frontières, les mesures dinstitution de cartes didentités informatisées avaient pour but didentifier les nationaux et, par la méthode de résidus à évaluer la population étrangère. Mais au vu de léchec de cette entreprise du fait de la prolifération de cartes frauduleuses, lopération a connu depuis lors un ralentissement, même si on se targue dans certains milieux officiels à avancer dautres raisons qui seraient " purement techniques ".
Malgré lacquisition de cette nouvelle "citoyenneté ", les nigérians ne renoncent pourtant pas à leur nationalité dorigine, quils aiment dailleurs à arborer en certaines circonstances et en certains lieux, comme en témoigne les rassemblements quils organisent pendant la fête nationale du Nigeria (1er octobre). Dans une autre situation, on aurait dailleurs pu parler dune double nationalité; mais il nen est rien. Lidée que le Cameroun est un espace à coloniser est toujours aussi vivace depuis la colonisation britannique dans les représentations que se font les immigrés nigérians des camerounais, en dépit des résultats du référendum de 1961 et malgré les indépendances politiques. Cela justifierait le complexe de supériorité que ces derniers affichent en général en face des camerounais et, expliquerait léternel climat danimosité régnant entre les deux peuples. On comprend alors que les constructions et les représentations immigrées afférentes amènent à admettre quun nigérian ne doit donc pas, du fait de sa " supériorité " au camerounais, se vanter dune éventuelle naturalisation camerounaise. Voilà pourquoi ils sont " camerounais " pour contrôler le pouvoir politique local à Douala aux fins dassurer leur " business ", et nigérian pour des raisons " patriotiques ". Doublement présents à Douala, ils sont donc, en fonction des circonstances camerounais; mais demeurent toujours nigérians.
Les rapports des immigrés nigérians au pouvoir local prennent également les formes dactivités protestataires, dont la régularité et lintensité sont fonction de la distance avec le " centre ".
2 - Les manifestations publiques
Le marquage de lespace de la ville de Douala par les immigrés nigérians ne sest pas arrêté aux structures et représentations sociales. Ce processus dappropriation symbolique de lespace a également irradié sa sphère politique: Les manifestations du 1er octobre (indépendance du Nigeria) organisées de manière assidue par les nigérians chaque année à Douala sont un moment important de leur expression politique en terre daccueil. Ici lexpression privée se publicise à travers les festivités organisées à cette date et traduisent leur attachement à la nation où lEtat nigérian. La référence à lEtat nigérian en terre daccueil indique implicitement lallégeance à ce dernier, en dépit du processus de " désétatisation " proclamé ad nauseum en Afrique dans le cadre des flux migratoires. Le processus dinvestissement et de recomposition de lespace politique en Afrique par les étrangers ne seffectue donc pas totalement en dehors de lEtat. Il semble puissamment et paradoxalement marqué par la " pensée dEtat " (Abdelmalek, 1999) ou de la "culture dEtat" (Sindjoun 1999). En effet, il demeure encore un cadre de mobilisation de symboles qui déterminent de manière significative les attitudes, un vecteur de conditionnement des schèmes de pensée individuelle ou collectives au sein comme à lextérieur des sociétés. Comme forme symbolique, lEtat reste un puissant instrument de fabrication, et de structuration de lactivité migratoire (Sindjoun :1999) et est illustratif de ce quen réalité, lEtat se trouve aussi bien " dans les têtes "que dans les sociétés politiques. Il induit par exemple des formes de représentation politique tel que la magnification du nationalisme des immigrés nigérians à Douala. Lorganisation des festivités commémorant lindépendance du Nigeria par ses ressortissants à Douala traduit, au-delà de laffirmation dun référent national fort, une volonté explicite de marquage politique de lespace daccueil, en terme dimportation et dimposition de comportement politiques étrangers. Lhypothèse de linterdiction dune manifestation de cette nature estime dailleurs le Consul du Nigeria à Douala sanalyserait comme un incident diplomatique.
Une autre modalité dentrée des immigrés nigérians dans le champ politique de la ville de Douala consiste en leur forte tendance aux protestations publiques. En effet, les relations sociales conflictuelles entre immigrés nigérians et les populations locales génèrent des heurts de tout genre, qui trouvent comme mode dexpression des réactions collectives de désapprobation de la part des Nigérians. La caractéristique principale des réponses immigrées ici est leur caractère non conventionnel. Il sagit ici dactions collectives de contestation de lordre ou du pouvoir politique local par un usage de moyens très souvent en marge de la légalité. (Chagnollaud, 1996 :79 ; Mayer et Perrineau, 1992 :112). Mais ce marquage politique de lespace urbain varie également en fonction du degré de " centralité ". En effet, limportance et la concentration du nombre des immigrés dans certaines zones de cette ville est corrélée avec lamplitude des contestations (Coleman, 1990) Ainsi verra-t-on que les " quartiers difficiles " à linstar de Camp Yabassi ou " dangereux " comme New-Bell dont lallégeance est faible avec le centre du pouvoir local donnent aux immigrés nigérians des possibilités de contestation élevée, au contraire des quartiers comme Bonandjo (quartier administratif) où ils se montrent plus discrets. Dans le même sens, les archipels de la ville de Douala comme Cap-Cameroun, Clic Number One, Munganguè, Kangue, Poka etc. constitués de près de 85% dune population nigériane offrent, du fait de leur éloignement géographique, un espace de contestation aux amplitudes particulièrement élevées: elles vont parfois jusquà voir limplantation du drapeau nigérian, comme ce fut le cas à Cap-Cameroun -une des 22 îles de larrondissement de Manoka- au mois de septembre 2000 au cours dune insurrection des immigrés nigérians -Orong en majorité- La moindre altercation entre les immigrés Nigérians et les autorités locales dans ces archipels de Douala est source de protestations et de revendications de toutes sortes, qui culminent très vite avec des menaces dannexion du territoire camerounais. Limplantation des drapeaux nigérians lors de ces échauffourées témoigne non seulement cette tendance à la contestation, mais peut-être surtout un marquage politique dun espace quils considèrent sinon comme un territoire nigérian, du moins comme un "no man lands". Quoique "non orthodoxe", ces activités protestataires immigrées (Marsh, 1997) constituent une dimension importante de la participation politique qui ne doit pas être perçue uniquement dans le sens classique de la mise en uvre de la citoyenneté - appartenance à une vie associative ou syndicale, au vote etc. - mais également à un certain nombre dactivités remettant en cause lordre établi et les institutions en place. Ces protestations multiformes des immigrés correspondent donc à un marquage de leur présence dans la sphère politique de la ville de Douala; ce qui les place dans une situation singulière, par rapport aux attitudes et comportements des autres étrangers présents dans cette ville.
CONCLUSION
Limmigration nigériane à Douala nest pas restée cloîtrée dans le champ social ou économique comme on la souvent vu dans un bon nombre détudes relatives aux migrations internationales classiques. Elle a, par une dynamique co-produite par les locaux et les immigrés, irradié le champ politique local, entraînant une rupture avec les considérations jusquelà faites sur ce sujet : lincompétence politique souvent accolée aux étrangers est alors irrémédiablement battue en brèches ici par un ensemble de processus et dynamiques qui par volonté ou par destination, exposent ou inféodent limmigré dans lespace politique. Mais plus profondément, on se trouve devant un cas singulier de rapports politiques entre " étrangers " et " nationaux " au Cameroun, où les immigrés par leurs activités déterminent dans certaines conditions le jeu politique, fut-il à un niveau local; mais qui ne saurait être sans incidence sur lensemble de la vie politique nationale. Dans cette perspective, les confusions et cafouillages identitaires devenus banals et induits de la contrefaçon généralisée de pièces didentifications à Douala laissent perplexe quant à la passivité et lindifférence observée de part et dautre, amenant à un questionnement sur lexistence ou lefficience de politiques migratoires entre les deux Etats.
BIBLIOGRAPHIE
![]() |
Abdelmalek S. 1997, limmigration ou les paradoxes de laltérite, Bruxelles, de Boeck. |
![]() |
Abdelmalek S. 1999, La double absence. Des illusions de limmigré aux souffrances de limmigré, Paris, Seuil |
![]() |
Abiabag I, 1982, " La situation juridique de létranger au Cameroun ", in Encyclopédie juridique de lAfrique. |
![]() |
Actes de la recherche en science sociale, n°122 " Délits dimmigration ", Paris, Seuil, 1999 |
![]() |
Actes du séminaire " Insertion des migrants en milieu urbain en Afrique ", CRDI-ORSTOM-URD, Lomé 10-14 février 1987, Editions de lORSTOM, Collection Colloques et Séminaires 1989. |
![]() |
Adepoju, A.,1983, " Undocumented migration in Africa :Trends and policies ", in international migrations, 21(2) |
![]() |
Adepoju, A.,1984, " Linkages beetwen internal and international migration : The African Situation " in International social journal,18(1). |
![]() |
Amaazee, V. B.,1990, " The " Igbo Scare " in the British Cameroons c. 1945-61 in Journal of African History, n°31 |
![]() |
Back H. et Soininen M. ;1998, " Immigrants in Political Process " in Scandinavian Political Studies Vol 21, N°1 |
![]() |
Badie B.et Sadoun M., 1996, LAutre, Paris, Presses de Siences Po . |
![]() |
Bayart, J. F., Mbembe, A. et Toulabor, C., 1992, Le politique par le bas, Paris, Karthala, |
![]() |
Bayart,JF,1985, " Le passage au politique ", in Table Ronde 21-22 Mars 1985, FNSP-CERI |
![]() |
Beiser, M., 1980, " Coping with past and future: a study of adaptation to social change in West Africa " in Journal of operational psychiatry, vol II, N°2. |
![]() |
Boer, M, Den, 1998, " Crime et immigration dans lUnion européenne " in " Sécurité et immigration " in Culture et Conflits, n° 31-32 ,pp 101-123 |
![]() |
Bouillon, A,1999, "Immigrés africains francophones et Sud-Africains " in Immigration africaine en Afrique du Sud, Paris, IFAS et Karthala. |
![]() |
Bourdieu, P .,1980, Questions de Sociologie, Paris, éditions de Minuit |
![]() |
Bourdieu, P, 1983, " The forms of capital " in J.G Richardson (sous la dir.de), Handbook of theory of research for the sociology of education, New-York, Greenwood Press, pp 241-258. |
![]() |
Bourdieu,P.,2000, Propos sur le Champ Politique , paris, Presses Universitaires de Lyon |
![]() |
Boutet , R., 1992, Leffroyable guerre du Biafra, Paris, , Edt° Chaka |
![]() |
Bratton, M et Van de Walle,N, 1997, Democratic experiment in Africa, Cambridge, Cambridge university press. |
![]() |
Brubaker,W. R., 1984, The Limits of Rationality : An Essay on the Social and Moral Thought of Max Weber, London, Allen and Unwin |
![]() |
Brubaker,W. R., 1997, Citoyenneté et Nationalité en France et en Allemagne, Belin. |
![]() |
Chagnollaud, D., 1996, Introduction à la Politique, Paris, Editions de septembre |
![]() |
Chavez, L, R, 1992, Shadowed Lives: Undocumented Immigrants in American Society, Fort worth, Harcourt Brace College Publishers. |
![]() |
Christie, N, 1986, " Suitable enemy " in H. Bianchi et R. Van Swaaningen(sous la dir. De), Abolitionist: toward a non repressive approach to crime, Amsterdam, Free University Press. |
![]() |
Coleman, D., 1990, " geographical concentration of immigrant and ethnic minorities ", in The demographic consequences of international migration, Proceedings of the symposium, NIAS, Wassenaar, 27-29 septembre. |
![]() |
Costa-Lascoux J., et Weil,P.,1992, Logiques dEtat et Immigration, Paris |
![]() |
Coulon C. et Martin D.M,1991, Les afriques politiques, Paris, La Découverte |
![]() |
Down, A.,1957, An Economic Theory of Democracy, New York, Harper and Row |
![]() |
Eboussi Boulaga F, 1997, La démocratie de transit au Cameroun, Paris, karthala |
![]() |
Ejiofor, L, 1981, Dynamics of Igbo democraty. Abehavioral analysis of Igbo politics in Aguinyi clan. Ibadan, university press limited. |
![]() |
Elias, N et Scotson J.L, 1997, Logiques de lexclusion. Enquête sociologique au cur des problèmes dune communauté, Paris, Fayard |
![]() |
Fodoup, K, 1988, " La contrebande entre le Cameroun et le Nigéria ", Cahiers dOutre-mer, vol 41, n° 161,pp 5-25. |
![]() |
Gaffey, Mac, J. ,1987, Entrepreneurs and Parasites : The struggle for Indigenous capitalism in Zaire, Cambridge, Cambridge University Press |
![]() |
Gaxie, D, 1973, Les professionnel de la politique, Paris, PUF. |
![]() |
Geschiere, P, et Konings,P, 1993, Itinéraires daccumulation au Cameroun, Paris, ASC, Karthala. |
![]() |
Gouellain , R., 1976, Douala, ville et histoire, thèse de IIIè cycle, EPHE, paris. |
![]() |
Hermet G., Badie.B., Birnbaum. P., Braud, P.1994, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques , Paris, Armand Colin. |
![]() |
Jagling,S. et Dubresson, A., 1993, Pouvoirs et Cités dAfrique Noire, Paris, Karthala, |
![]() |
Lemarchand R. 1972, " Political Clientelism and Ethnicity in Tropical Africa : Competing Solidarities in Nations-Building, The American Political Science Review 66(1) |
![]() |
Light, l. et Bonacich E. 1998, Immigrants Entrepreneurs : Koreans in Los Angeles 1965-1982, Berkeley, University of California Press |
![]() |
Lochak, D., 1985, Etrangers, de quel droit ?, Paris, PUF |
![]() |
Mainet, G., 1985, Douala,Croissance et Servitude, Paris, lharmattan, |
![]() |
Marantzidis, N . et Mavromatis , G. 1999 " Political Cientelism and social Exclusion " The case of the Gypsies in the Greek Town of Sofades, in International Sociology , Vol 14, Décembre pp 443-456 |
![]() |
Mayer N. et Perrineau P.,1992, Les Comportements Politiques, Paris, Armand Colin |
![]() |
Médard, JFR, 1976, " Le Rapport de Clientèle, du Phénomène Social à lAnalyse Politique " in Revue Française de Science Politique, pp31-103 |
![]() |
Médard, JFR.,1992, " Le Big Man " en Afrique : Esquisse dAnalyse du politicien Entrepreneur " in LAnnée Sociologique n°42 |
![]() |
Mefouna, G., 1991, Les immigrés clandestins au Cameroun, rapport de stage diplomatique. |
![]() |
Moluh Yacouba, 1997, La participation politique à Douala, thèse de doctorat, Université de yaoundé. |
![]() |
Moriba T et Fadayomi (eds), 1993, Migrations et Urbanisation au sud du Sahara. Quels impact sur les politiques de population et de Développement ? Dakar, CODESRIA |
![]() |
Nkene B. J, 1997, Coopération et enjeux de puissance en Afrique , thèse de doctorat, Université de yaoundé. |
![]() |
Nkene B.J., 2000 " les Immigrés Nigérians à Douala : Problèmes et Stratégies dInsertion Sociale des Etrangers en Milieu Urbain in Law and Politicis in Africa Asia and Latin America (33 )1 |
![]() |
Portes, A, (ed) 1995, The Economic Sociology of Immigration. Essays on Networks, Ethnicity and Entrepreneurship, New-York, Russel stage foundation. |
![]() |
Prujiner, A., 1993, " Nationalité, Migration et Relations Internationales " in Etudes Internationales, vol XXIV, n°1 |
![]() |
Rodrigo, J.M., 1990, Le sentier de laudace : les organisations populaires à la conquête du Pérou, Paris, lHarmattan |
![]() |
Schumpeter, J.,1983, Capitalisme et Démocratie, Paris, Payot |
![]() |
Scott, J. 1969, " Corrpution, Machine Politics, and Political Change ", The American Political Science Review 63(4) |
![]() |
Shuck P. H., 1998, Citizens, Strangers and In-Betweens, |
![]() |
Sindjoun, L., 1997, " Cameroun-Nigéria : le conflit ambigu " LIMES, Revue française de géopolitique. |
![]() |
Sindjoun, L.1999, " LAfrique dans la Science des Relations Internationales : Notes Introductives et Provisoires pour une Sociologie de la Connaissance Internationaliste " in Revue Africaine de Sociologie |
![]() |
Tabutin, D. (ed) 1988, Populations et Sociétés en Afrique au Sud du Sahara, Paris, lHarmattan. |
![]() |
Tarrius, A. 1992, les Fourmis dEurope, Migrants Riches, Migrants Pauvres et Nouvelles Villes Internationales, Paris, lHarmattan, collection " Logiques sociales " |
![]() |
Warnier, J-P., 1994, " La bigarrure des patrons camerounais ", in La réinvention du capitalisme, sous la direction de J-F Bayart, Paris, Karthala. |
![]() |
Weiss E . A,1992, Principes de démographie politique, Génève, Economica |
![]() |
Weiss, L,T, 1996, " Migrations et conflits frontaliers. Une relation Cameroun-Nigéria contrariée ", Afrique Contemporaine, n° 180, oct-déc 1996. |
![]() |
Weiss, T.L, 1998, Migrants Nigérians. la Diaspora dans le Sud-Ouest du Cameroun, Paris, lHarmattan |
![]() |
Weiss,T.L., 1998, "LUnion nigériane du Cameroun. Le pouvoir dune communauté acéphale dans la diaspora " in Le Voyage Inachevé, Paris, OSTOM, PRODIG |
![]() |
Withol, C. de W., 1987, Citoyenneté, Nationalité et Immigration, Paris, Arcantère éditions |
![]() |
Withol, C. de W., 1993, " Expression privée et politique dans les groupes issus de limmigration " in Etudes Tsiganes n°2 |
![]() |
Withol, C. de W., 1995, " La beurgeoisie : les nouveaux immigrés dans la vie politique française " in A European Journal of International Migration and Ethnic Relations n°27 |