L'EXPLICATION DU VOTE DANS LES SYSTEMES POLITIQUES EN
par Maurice ENGUELEGUELE
CURAPP-CNRS/IRIC
Le débat théorique sur lexplication du vote dans les
systèmes politiques en transition[1] des pays dAfrique
subsaharienne prend une place de plus en plus importante dans la science politique
africaniste depuis quelques années[2]. Deux
facteurs au moins expliquent lintérêt scientifique nouveau[3] pour cette composante nécessaire
mais non suffisante de la démocratie représentative libérale. Dune part, la
réévaluation des schèmes explicatifs dominants dans les annales africaines au début de
la décennie 90 (communautarisme, rite, affection, théâtralisation, ...). Dautre
part, lobservation concomitante de modifications - plus ou moins affirmées selon
les contextes et configurations politiques nationales - dans les comportements électoraux
manifestée notamment à la faveur de la seconde série de scrutins organisés dans ceux
de ces systèmes au sein desquels le processus dinstitutionnalisation progressive de
la démocratie électorale - cest-à-dire de ce type de configurations politiques
dans lesquelles les gouvernants sont soumis à contrainte délection ou de
reélection sur des marchés électoraux plus libres et plus concurrentiels quil y a
une vingtaine dannée - sest poursuivi en dépit du ralentissement du
mouvement général depuis 1993, suivi lui-même dune vague de restaurations
autoritaires dès 1996. Si les élections qui se déroulent dans ces systèmes politiques
entre 1990 et 1993 peuvent être vues comme fondatrices dune première
génération caractérisée par lexistence dune concurrence
pluripartisane semi-ouverte[4], celles qui se tiennent
à partir de 1996 en constituent une seconde'[5] permettant de mesurer les variations
dans les déterminants des préférences des électeurs sous la pression congruente de
facteurs divers. Lobjectif de ces lignes est de revenir brièvement sur un certain
nombre de critiques opposées aux approches dominantes, puis de suggérer lexploration
dune piste complémentaire.
LES CLASSES DE CRITIQUES
Les limites du vote de solidarité
La première catégories de critiques porte sur la thèse du
vote de solidarité. Le choix politique des électeurs lors des
scrutins organisés depuis 1990 dans les systèmes politiques en transition
dAfrique subsaharienne a été largement présenté comme influencé par des
sentiments de solidarité, de loyauté, dallégeance au groupe dappartenance
et non par la volonté dobtenir des avantages personnels ; il serait fonction de laffiliation
sociale et non des calculs dutilité de lélecteur. Les décisions collectives
seraient ici systématiquement forgées non par des intérêts individuels mais par ceux
de groupements reflétant et exacerbant des clivages communautaires, ethno-linguistiques,
religieux, territoriaux. Dès lors, la mobilisation électorale sopèrerait
exclusivement sur la base de revendications dappartenance et de conflits didentité.
Les différents travaux qui posent cet axiome[8] partent
du postulat que dans les sociétés africaines les solidarités sociales préexistent aux
choix politiques, expriment la structure sociale et renvoient par conséquent à ces
identités plurielles : les individus ne seraient pas représentés politiquement en tant
que tels, sur une base égalitaire et partisane, mais en tant que membres de lune ou
lautre de ces entités voire de plusieurs simultanément ; lunité de base en
politique ne serait pas lindividu, mais le groupe défini
comme une somme dindividus liés par une origine tribale, une langue, des croyances
ésotériques ou une cause commune ou unis par des intérêts similaires dans une unité
articulée. La préférence exprimée lors du vote serait ici un supplément symbolique
qui vient renforcer les liens de solidarité préexistants.
Cette grille explicative est loin dêtre spécifique à lexplication
du vote en Afrique subsaharienne : on la retrouve notamment dans un travail ancien mais
resté célèbre de T. PARSONS[9] dont le
raisonnement, pour un autre contexte, était le suivant : parce que lélecteur ne
peut quignorer quelles sont les politiques susceptibles daccroître le
bien-être dans le pays, il est impossible de concevoir le choix électoral comme un choix
rationnel déterminé par un calcul dutilité. Lélecteur est placé devant
une décision présentée comme grave et sérieuse, mais dont il ne peut contrôler les
tenants et les aboutissants. Ce choix devra donc être fondé sur un acte de foi. Pour
récupérer la sécurité que cette situation dincertitude avait entamée, lélecteur
choisit de renforcer les liens de solidarité qui lunissent à un groupe social.
Sans rejeter lopérationnalité de cette thèse, les
tenants de la réévaluation soulignent néanmoins ses limites. Le modèle du vote
de solidarité fournit en effet une explication relativement conforme au
caractère plural ou segmentaire des sociétés africaines - propriété accentuée encore
dans la conjoncture dincertitude structurelle que toutes traversent au moment du
retour au pluralisme (1990)[10] ; il éclaire sur lexistence dune
espèce didentification partisane et offre un cadre de compréhension de la relative
stabilité des choix électoraux dans ces systèmes politiques. Il y a cependant des
phénomènes dont il ne permet pas de rendre compte.
Ainsi, pour expliquer des changements exprimés dans les
préférences électorales lors des scrutins de la seconde génération ( Bénin,
Madagascar, Sénégal, Ghana,...), le modèle de la solidarité ne
peut que renvoyer à des transformations dans
la structure des groupes sociaux ou à la distribution de leurs choix. Or, il faut bien
reconnaître que de telles transformations sont plus lentes, moins erratiques que les
brusques changements électoraux, les déplacements de vote dun parti à un autre et
la récupération subite de voix - perdues ou non - par lun au détriment de lautre.
La théorie est par là-même courte pour les systèmes politiques dAfrique
subsaharienne ayant connu une alternance électorale. La littérature existante en la
matière renvoie par ailleurs, souvent, à un cadre d'interprétation endogène dans
lequel domine une explication mono causale.
Le vote de solidarité ne parvient pas
non plus totalement, en dépit des apparences, à expliquer pourquoi les individus qui
forment un groupe choisiront un parti plutôt quun autre, un candidat plutôt quun
autre. Il rend compte des choix du groupe, mais non de ceux des individus en son sein,
dont il suppose quils sont a priori homogènes et ont un même déterminant. Rien ne
dit cependant que les choix de ces individus nont pas dautres fondements, le
calcul dutilité par exemple. De fait, la solidarité sur
laquelle sappuie le modèle est autant une construction de la réalité quelle
est le produit de situations sociales et culturelles. La politique ne ferait quen
prendre acte. Pourquoi dans ces conditions les acteurs politiques des pays dAfrique
subsaharienne tentent-ils de convaincre leurs concitoyens de la justesse de leurs
conceptions, pourquoi rivalisent-ils dans loffre de produits symboliques alternatifs
- y compris en recourant souvent à des pratiques de marchandisation[11], à la menace ou à lusage de
la coercition ? Ne serait-ce pas dabord ce discours politique, et lactivité
tactique - militante et dorganisation - qui ne peut en être dissociée, qui fondent
- ou au moins influent sur - les identités auxquelles la théorie se réfère ensuite ?
Le modèle de la solidarité fait enfin
abstraction de linfluence que le choix de dorientations politiques
déterminées et leurs effets peut avoir sur les liens de défiance ou de confiance entre
candidats et électeurs mais aussi de lexistence dun discours politique
contribuant à la formation didentité collectives qui ne sont pas données une fois
pour toutes par la structure sociale.
Linopérabilité de lapproche du vote comme rite
La seconde critique porte sur lappréhension de la
pratique électorale dans les systèmes politiques en transition dAfrique
subsaharienne comme expression dun rite. Ici, le geste électoral nest pas seulement
envisagé comme le moyen de faire valoir une opinion : il détermine aussi la nature du
jugement qui y transite[12]. Dans cette perspective, les scrutins organisés
entre 1990 et 1993 ont dabord été vu comme des ressorts de lintégration
nationale dans chacun de ces pays[13], des
moments exceptionnels et particuliers daccomplissement de lidentité citoyenne
dans la mesure où ils octroient aux membres de la collectivité le droit de désigner les
titulaires des rôles politiques et de choisir leurs représentants. Lélection a
ensuite, parallèlement, été conçue comme permettant dexprimer une loyauté à
travers la possibilité de choix repété quelle offre dans lalternative
sortie du jeu (exit) [ abstention] et soumission à la règle du jeu (loyalty) [participation] tout en construisant une
distinction identitaire[14]. Dans les deux cas, la
justification tient au fait que le
rite est un moyen de renforcer la solidarité car il la fait
exister dans le temps : il est indissociable de la répétition, signe de la persistance
de laccord dune collectivité durable, marque déposée de lidentité du
groupe. Les rites se caractérisent également par lusage dun
répertoire lexical particulier (lopération pieds morts au
Cameroun par exemple). La répétition des mêmes formules, des mêmes mots, les dote de
significations proprement politiques, distinctes de leurs occurrences habituelles ; ils
peuvent ainsi acquérir des significations qui ne sont compréhensibles que par une
collectivité (ethnique, linguistique, religieuse, ...) et par là renforcent son
identité. Avec la considération de la pratique électorale comme exprimant un
rite social, on dépasse la simple affirmation de linfluence
des sentiments de solidarité sur la formation des préférences politiques pour adopter
une approche globalisante. Lacte de vote est ici pensé comme étant surchargé de
sens pour un électeur qui a une claire conscience de sa portée '' symbolique''[15].
Sur ces deux plans, les travaux critiques précités soulignent
les limites de lapproche. Observant à juste titre que dans les systèmes politiques
en transition des pays dAfrique subsaharienne, les
identités citoyennes et sociales sont incertaines voire complexes, P. QUANTIN note que,
pour de nombreux électeurs, le vote peut être un
acte séparé du cours normal de la vie quotidienne, ni sacré, ni banal, mais seulement
insolite et dénué de sens. Et là où lélection compétitive nest pas du
tout intégrée par le jeu des prédispositions, il est risqué de lanalyser comme
une correspondance de lointaines pratiques sociales
institutionnalisées[16]. Prolongeant la même démarche
critique, C. CONAGHAN met en garde contre linversion
de problématique[17] résultant du recours à lapproche du vote
comme expression dun rite dans certains contextes, son principal inconvénient
étant de substituer à lanalyse de lélection réelle et des rapports de
force quelle engage létude
des représentations symboliques quelle met en mouvement[18]. La généralisation est donc ici
peu pertinente.
La faible valeur heuristique du modèle théâtral
La réévaluation porte aussi sur le modèle théâtral.
Situé à lextrémité dun continuum qui va de la thèse du vote
de solidarité et passe par celle du geste électoral comme expression dun
rite, ce modèle pose le problème de la structuration du jeu
politique dans les systèmes en transition dAfrique
subsaharienne depuis 1990. De la compétition politique comme spectacle, qui na pas
lexpérience dans les systèmes politiques de ces pays ? Les expressions
comédie électorale ou farce électorale
qui y sont largement popularisées visent à traduire cet état de fait. Une proportion
importante de leurs populations, lorsquelle suit le déroulement des joutes
électorales en lisant les journaux, en écoutant la radio ou en regardant la télévision
- quand elle a accès à ce support médiatique, ne se comporte pas différemment que
lorsquelle lit, écoute ou suit la retransmission dun match de football : on sinforme, y assiste sans pouvoir y participer, et on sait quon
ne peut intervenir pour inverser le cours des choses sinon autour de soi - et encore...-
en applaudissant ou réprouvant bruyamment. Le vote correspondrait dans cette perspective
à une technique de ratification : laccent est porté sur une formule dapprobation
dans laquelle on magnifie une sentence connue davance - ou dont on se doute - et qui
devient le motif dautorité. Nulle place nest laissée à la liberté du
sujet, à la voix personnelle du citoyen-électeur doù est censée émerger une
raison éclairée[19].
Cest en réalité la question de la fonction sociale du
vote que posent les travaux qui adoptent cette thèse : ce dernier viserait exclusivement
à renforcer lautorité dun dictateur, lui assurer une respectabilité
internationale et, plus rarement, réactiver une allégeance fondatrice. Le caractère
semi-ouvert de la compétition électorale, par lacceptation dune pluralité
des candidatures et dentreprises partisannes en concurrence mais aux chances
largement inégales, serait même une
précondition du succès de cette stragégie.
Ce modèle, et là est son mérite, met laccent sur lincompétence,
lexclusion et limpuissance des citoyens-électeurs, digérée par une savante
immobilité des systèmes politiques en transition des pays dAfrique
subsaharienne. Il a cependant pour principale limite de surestimer la césure entre
metteur en scène (i.e. le pouvoir) et spectateurs (i.e. les
citoyens) présumés passifs, dépossedés de toute possibilité dinitiative dans la
joute électorale et voués à la discipline. De fait, nombre de recherches africanistes
ont montré que, même dans les configurations de jeu politique tendu - telles les phases
autoritaires qui ont caractérisé les sytèmes politiques dAfrique subsaharienne
dans les années 70-80, les citoyens parviennent, par des manières de faire
occasionnelles, des tactiques, des opérations fugitives et informelles, à contester
voire mettre en cause lordre électoral établi et à prendre part ainsi au jeu[20].
Ces critiques non-exhaustives et rapidement présentées des
schémas explicatifs du vote dominants dans les travaux africanistes depuis 1990 portent
somme toute, on le voit, sur trois problèmes non résolus : la détermination des
conditions de la rationalité du choix individuel dans les systèmes politiques retenus ;
la nature des rôles politiques (des citoyens et des hommes politiques) et de leur
relation ; le fondement des distinctions entre identités politiques. Afin de combler
cette lacune, une analyse systématique du geste électoral dans les systèmes politiques
en Transition d'Afrique subsaharienne est suggérée, à partir
notamment dobservations empiriques effectuées dans la durée et tenant compte de lhistoire
des expériences électorales sur ce terrain[21].
Lexploration des théories néo-utilitaristes quon propose sinscrit dans
cette perspective.
PEUT-ON RECOURIR AUX THEORIES
NEO-UTILITARISTES ?
Lune des voies de reprise du problème posé par lexplication
du vote dans les systèmes politiques en transition dAfrique
subsaharienne pourrait consister à repartir dune interrogation simple : pourquoi
votent-ils ? Question faussement naïve qui permet daborder le geste électoral par
ses prémisses chronologiques (et sociologiques) - soit avant même le débat sur les
conditions (compétition juste, honnête et transparente) et la
distribution des voix en camps qui focalisent tant lattention
ordinaire, le délicat problème du rapport au vote des citoyens dans ces systèmes
politiques si particuliers, lequel ne va sans doute pas de soi. Les théories
néo-utilitaristes ont, les premières, adopté, dans le contexte des démocraties
occidentales, cette démarche à partir de leur question centrale : Why do Voters vote ?
Le recours à ces théories ici peut sappuyer sur des données observables lors des scrutins de la seconde génération : un recul de lidentification partisanne couplé à une certaine volatilité électorale ; lobservation dun vote utile, dun vote davertissement, dun vote sanction - dont lanticipation par les titulaires des positions de pouvoir politique justifierait aussi (mais pas seulement) le report de certaines consultations électorales. Ces faits témoigneraient de nouveaux comportements électoraux ; ils suggéreraient lémergence - ou le retour si on se réfère à la concurrence électorale dans un contexte de compétition politique ouverte de la phase de limmédiat post colonial dans la plupart de ces pays - dun électeur relativement autonome et imprévisible par rapport à sa situation socio-économique. A côté délectorats relativement distincts et homogènes [soit par exemple dans la donne camerounaise, Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC, parti au pouvoir) - Centre, Sud et Est ; Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) - Nord ; Social Democratic Front (SDF) - Ouest, Nord-Ouest, Union des Populations du Cameroun (UPC) - Littoral, ...] existeraient des électeurs réticents aux identités partisanes préfabriquées, moins captifs que lors des scrutins de la première génération, ayant des attitudes idéologiques relativement cohérentes, se prononçant de façon plus affirmée sur des enjeux et questions politiques que sur des noms de candidats ou partis, plus rationnels et calculateurs, décidant leur vote à partir dun faisceau complexe de facteurs parmi lesquels les calculs dutilité personnelle ainsi que lévaluation de la valeur des partis en présence par rapport aux questions politiques jugées pertinentes ( salient issues effect ) et létat de loffre électorale occupent une place importante. Cette transformation irait par ailleurs lamble avec les mutations morphologiques du corps électoral dans ces Etats, marquées notamment par larrivée en masse de nouvelles générations délecteurs, nés après les indépendances (1960 au Cameroun), souvent fortement scolarisés, principalement urbains, peu ou pas du tout intégrés au marché de lemploi et développant un regard fortement critique sur le débat public et la dynamique du jeu politique depuis lengagement des transitions des années 90[22]. Ce changement serait encore alimenté par lexplosion de la pauvreté et de la précarité dans les pays dAfrique subsaharienne depuis le début de la décennie 90, doublées de la montée en force dun individualisme grandissant. A partir de là, il devient tentant - la mode de lindividualisme [23] y poussant- de dessiner le profil de ce nouveau type délecteur, lélecteur individualiste, et de poser lhypothèse que lindividualisme deviendrait, autant que les identifications (communautaires, ethniques, ...) et les déterminations (affectives), lun des moteurs principaux du choix de lélecteur dans les pays dAfrique noire et notamment au Cameroun.
Ce modèle individualiste du comportement politique a été largement analysé dans les travaux de politistes américains sinscrivant dans la théorie des choix rationnels ou théorie néo-utilitariste[24] ; lesquelles ont fait une entrée tardive et timide dans la science politique Française[25]. Elles sont à linverse quasiment ignorées par la science politique africaniste ; signe supplémentaire de sa marginalité par rapport à la science politique centrale[26]. Tout au plus peut on noter lincursion indirecte et implicite quelles font dans les travaux de R. BANEGAS - quand il avance que cest probablement dans la marchandisation [27] du vote que se jouent les véritables processus de formation et de consolidation de la démocratie au sud du Sahara - ainsi que dans ceux de M. BRATTON et N. VAN de WALLE - lorsquils réfutent la vulgate dun électeur africain désorienté parce que brutalement confronté à des marchés électoraux saturés par des offres exagérément concurrentielles[28]. On peut également observer que louvrage fondateur de DOWNS (1957) est évoqué par N. VAN de WALLE et K. SMIDDY dans leur récente étude des partis politiques et systèmes de partis en Afrique noire[29].
Les tentatives dexplication dun évitement
Sans revenir sur les apories culturalistes (relatives notamment
au prétendu unanimisme existant au sein des sociétés africaines ou à lirrationalité
naturelle des individus qui les composent) et en rejetant par avance le schéma
évolutionniste (lequel laisse sous entendre que les formes de lélection ne sont
que les étapes dun processus assurant le développement de la modernité politique)[30], quelques explications de cet
évitement peuvent être avancées.
La première résiderait dans la prudence des politistes
africanistes face aux risques résidant dans (...)
limportation non contrôlée dun paradigme venu dune région bien
particulière de la science économique (...) [31]. Salutaire et louable souci de vigilance
épistémologique, pourrait-on dire en reprenant les mots du DURKHEIM des Règles sil ne dissimulait pas surtout, ce
que P. QUANTIN qualifie de stratégie de valorisation dapproches et dobjets
les plus cachés à lobservateur extérieur, enfouis dans des imaginaires difficiles
à percer et énoncés dans des langues vernaculaires ; stratégie participant elle-même
de leffet décran produit
par la revendication de compétences spécifiques utilisées comme droit dentrée
dans des sous-corporations scientifiques fonction(nant) grâce à la connivence qui évite la vérification
réciproque des savoirs des uns et des autres puisque ces connaissances distinctives
relèvent de disciplines lointaines [32].
Il faut en effet admettre que lun des principaux risques auquel expose ici le
recourt à lanalyse économique du vote est celui de la vérification universelle de
la thèse de limportance de la zweck-rational
wébérienne (soit laction rationnelle par rapport à un but qui plus est,
étroitement économique) par rapport aux trois autres orientations de laction
distinguées par lauteur dEconomie et
Société (soit laction rationnelle par référence à une valeur, laction
traditionnelle, laction affective ou émotionnelle)[33]; donc une espèce de dévoilement
de la science politique africaniste par rapport à la science politique
centrale.
La seconde explication possible de ce manque résiderait dans la
prépondérance de la thèse de la faible individuation des préférences politiques chez
les électeurs africains, sous-jacente à la plupart des
nombreuses recherches sur lacte de vote en Afrique subsaharienne depuis le début de
la décennie 90. Lune des trois grandes hypothèses sur lesquelles reposent les
théories économiques du vote ne pouvant ainsi être appliquée - celle portée par lindividualisme
méthodologique (lunité agissante est lindividu)[34], il serait alors impossible de
tenter de les expérimenter sur le terrain africain. Ici aussi largument ne tient
pas. Comme le montre J. D. LAFAY, rien ne proscrit lévocation de lindividualisme
méthodologique et le raisonnement sur des groupes ou des agrégats ; cela implique seulement, pour pouvoir
justifier les choix faits : davoir un minimum dinformations sur les
interactions individuelles (ou de faire des hypothèses sur celles-ci) à lintérieur
et à lextérieur du groupe considéré ; de faire un certain nombre dhypothèses
rendant possible ou facilitant lagrégation en un ensemble représentatif des
individus concernés [35]. Du
reste, plusieurs travaux africanistes récents ont montré que le vote communautaire nest
pas antinomique du vote dopinion, quil peut être un élément structurant du
jeu démocratique et, par conséquent, quil est loin de constituer un obstacle à létablissement
de la démocratie électorale[36].
Une troisième raison de lignorance de lanalyse
économique du vote dans la science politique africaniste peut être trouvée dans deux
biais distincts mais complémentaires : la relative absence de
recul historique et lirrégularité des cycles électoraux dans les pays dAfrique
noire. Il faut de fait reconnaître que la plupart des travaux anglo-saxons et Français
consacrés à lincidence des variables macroéconomiques sur les choix électoraux
se situent dans le cadre de lhistoricité du politique. Cest ainsi par
exemple, pour nen citer quun seul,
que le travail pionnier mené par G. H. KRAMER et publié dans lAmerican Political Science Review en 1971
porte sur une période qui va de 1896 à 1964[37].
Il nest par ailleurs pas innocent que les premières tentatives de validation
empirique du modèle des cycles politico-économiques (political business cycles)[38] aient été menées aux Etats-Unis
; pays qui, pour des raisons institutionnelles, présente un calendrier électoral dune
périodicité dhorloger [39]. Trois éléments viennent
cependant relativiser limportance de ces arguments. Dune part, et sans nier limportance
du recul historique, lanachronisme des séries longues - soit, par delà la
constance du nominal des variables listées, limpossibilité presque totale de
comparer sérieusement des ratios comme les taux de chômage ou dinflation ou encore
le revenu à quarante ans de distance[40] : comme on ne parle pas, en dépit des
apparences, exactement des mêmes choses, la conclusion que lon peut en tirer a une
portée limitée [41]. Dautre
part, le fait que le modèle des cycles politico-économiques ait pu être testé dans le
cadre de séries courtes, pour des régimes démocratiques à échéancier électoral
moins rigide (possibilité de dissolution anticipée), afin de démontrer que les sortants
pouvaient tenter de profiter dembellies économiques conjoncturelles ou - au
contraire- pour prévenir une dégradation anticipée des indicateurs économiques[42]. Enfin, sans insister sur le fait
que lidée de légitimité populaire nest pas étrangère à certains
systèmes politiques anciens en Afrique[43],
après la vague des élections sans choix ou semi-concurrentielles
des années 70-80, suivie elle-même dune quasi disparition du principe électif du
paysage politique continental, ce dernier a resurgi avec une vigueur inégalée depuis le
début de la décennie 90. En se gardant de toute satisfaction quantrophénique et en
ayant à lesprit la vigilance critique nécessaire à lappréciation des
conditions de déroulement de ces scrutins, on peut noter avec N. VAN de WALLE et K.
SMIDDY[44] que 42 des 48 Etats dAfrique
subsaharienne ont organisé environ soixante-dix élections législatives impliquant au
moins deux partis entre 1990 et 1998 ; que durant la même période, plus de soixante
élections présidentielles se sont déroulées avec plus dun candidat. Seuls sept
pays ( Erythtrée, Rwanda, Soudan, Somalie, Swaziland, Ouganda, Zaïre) nont pas
organisé délections multipartites pendant cette période. A titre de comparaison,
entre 1985 et 1989, neuf pays africains seulement avaient organisé des scrutins
multipartites jugés compétitifs. Au Cameroun même, les électeurs ont voté à cinq
reprises dans le cadre de scrutins concurrentiels entre
1992 et 1997[45]
; lorganisation de
secondes élections législatives et présidentielles dans les délais constitutionnels,
mais également lofficialisation de la décision de report des municipales[46] initialement prévues pour janvier
2001, pouvant être vues comme participant dun processus de routinisation des
élections régulières.
Plus fondamentalement, trois voies supplémentaires dexplication
de labsence de fréquentation des théories économiques du vote dans les recherches
africanistes peuvent être envisagées.
Cest dabord la question de la nature même des
démocraties mises en place depuis le début de la transition des
années 90 dans les pays dAfrique subsaharienne. Loin de toute tentation
normativiste, on peut se demander sil ne sagit pas de démocratie(s) non libérale(s) [47] ou de démocratie(s) virtuelle(s) [48] ? Question fondamentale car
renvoyant aux pièges de lanalogie[49] et qui
alimente encore la curiosité pour linterrogation de départ : pourquoi votent-ils ?
Sur le terrain camerounais, les chiffres relativement importants de participation aux
différentes consultations organisées depuis 1992 aiguisent encore lintérêt pour
cette interrogation.
La seconde renvoie à lintérêt tardif des économistes
des pays du continent pour les problèmes politiques. La différence de trajectoire avec
le rapport que leurs collègues des pays occidentaux ont toujours entretenu avec le
politique doit ici être soulignée. Accaparés par les questions de développement, les
économistes des pays africains ont longtemps refusé de sintéresser au politique[50]. Leur crainte, renforcée par la
nature autoritaire des régimes qui se succédaient ainsi que par le sort
réservé aux déviants - tels Ossendé Afana et Tchuindjang
Pouemi au Cameroun[51], était dy perdre une
neutralité scientifique souvent difficilement acquise - en raison
notamment pour leur adhésion relativement importante aux théories de la dépendance,
avec lidée implicite quétudier la politique revenait toujours plus ou moins
à faire de la politique. Cette réticence a eu dimportantes
conséquences en matière de politique économique et danalyse du secteur public. En
rupture avec la tradition classique de léconomie politique, ces économistes ont
pris lhabitude dopérer une césure nette entre les aspects sociaux et
politiques, considérés comme des données extérieures, apparaissant uniquement dans la
fonction de bien-être social, et les questions proprement
économiques. Les travaux relevant de léconomie publique se sont alors réduits à
la seule analyse normative [52], cest-à-dire à la
recherche des politiques optimales permettant datteindre au mieux les objectifs de
développement initialement fixées par les pouvoirs politiques centraux. Deux éléments
au moins vont faire évoluer cette situation. Dune part, le lien établi par la
recherche africaniste - à une époque où on ne parlait pas encore de conditionnalité et
où le dogme de la toute puissance du parti-Etat était inentamé - entre démocratie et
développement, et lhypothèse que lune serait peut-être la condition de lautre
plutôt que son but ultime. On verra alors se multiplier, dans le sillage du numéro 11
(septembre 1983) de Politique Africaine, des
travaux de science politique associant étroitement des économistes. Dautre part,
et paradoxalement, la crise subie par la plupart des économies dAfrique
subsaharienne à partir du tournant des années 80 et ses conséquences quant aux
capacités redistributives[53]
et en matière de lutte contre le sous-développement dEtats évidés, nayant
aucune prise réelle sur leurs politiques économiques largement dictées par les
institutions financières multilatérales de Bretton Woods - en particulier le Fonds
Monétaire International dans le cadre de programmes dajustements
macro-économiques, dépendant pour beaucoup des investissements étrangers ainsi que des
cours des matières premières et dont les dirigeants subissaient simultanément des mobilisations multisectorielles [54]
visant à renverser les régimes monolithiques quils avaient mis en
place. De cette période remontent les balbutiements dune réflexion menée en
commun par des économistes et des politistes africanistes sur le lien entre évolution de
certaines variables économique et formulation des préférences électorales ; analyse
principalement conduite au Cameroun par une jeune génération de chercheurs soucieux
également de se démarquer de leurs aînés[55]. Dabord très
confidentiels, leurs travaux connaîtront à partir de 1995 une audience remarquable au
point que le congrès annuel de lAssociation Africaine de Science Politique de
Harare (Zimbabwe) fasse de cette thématique un axe
de recherche privilégié[56]. Ainsi, lémergence dune analyse
économique de la politique serait en cours en Afrique.
La troisième résiderait dans le constat de lirréalisme
des hypothèses de base de ces modèles, confirmé par les nombreuses tentatives de
validation faites ailleurs ; dans les démocraties
représentatives Occidentales notamment. En
somme, pourquoi se casser la tête avec quelque chose détranger
et de compliqué alors que cela ne marche pas
ailleurs ? Face à cette interrogation, on ne peut que reprendre le pari proposé par M.
FRIEDMAN dès 1957, cest-à-dire admettre de manière courageuse que lirréalisme
des axiomes ninvalide pas nécessairement la démarche[57].
Les axes de recherche possibles
Lopérationnalisation des théories néo-utilitaristes
peut être menée à partir de lexamen du réalisme de leurs prémisses sur le
terrain africain : il sagira ici de savoir si, dans ces contextes et configurations
sociales et politiques spécifiques, ces théories peuvent effectivement rendre compte des
phénomènes quelles éclairent ou prétendent mettre en lumière ailleurs ; il
faudra aussi savoir si les explications quelles offrent sont plus pertinentes, au
regard de la réalité, que celles fournies par les autres modèles danalyse. Dans
cette perspective, devraient être interrogés successivement le paradoxe de lélecteur
africain - soit létude des arbitrages problématiques de ce dernier en faveur ou en
défaveur dune participation aux scrutins organisés dautant quil
gagnerait à vaquer à dautres occupations plus gratifiantes dans le contexte dincertitude
économique et sociale que connaissent les pays du continent, et la part des
considérations utilitaristes déduites de la conjoncture économique quengage cet
électeur dans la formation de ses préférences politiques. Ici, comme ailleurs, le
phénomène à expliquer sera bien le pourcentage de la part des voix pour un candidat ou
un parti ; la variable indépendante étant indicative du chômage, de linflation ou
de la croissance. Lhypothèse dintégrer à ces variables la pauvreté[58], mesurée par lindicateur de
développement humain (IDH), reste problématique : il sagit dune notion
beaucoup trop vague, dont la mesure exacte est difficile car elle relève tant de la
perception que du vécu quotidien ; plus encore, combien de citoyens-électeurs ont
connaissance de lindicateur de développement humain de leur pays avant daller
voter ?
Restera encore à poser le problème de la cohérence logique de
ces théories par rapport au même champ danalyse, en examinant quelles
conséquences emporte le fait daccepter que les individus dans les systèmes
politiques en transition dAfrique subsaharienne agissent
pour satisfaire leurs intérêts. Ce dernier pourrait être abordé en réfléchissant aux
tentatives que pourraient opérer les gouvernants de ces pays, dans des contextes de
stabilisation de la recéssion ou de croissance retrouvée, pour manipuler ces
considérations.
A première vue fortement éloignées, ces pistes entretiennent
- en plus de leur référent initial - certains liens logiques. Comme le montrent
notamment P. LEHINGUE, R. BOUDON et P. MERLE[59]
pour les démocraties occidentales, la théorie économique du vote sest, dans une
version première, attachée à la question de la participation électorale, lapplication
mécanique du schème de loptimisation débouchant sur le fameux paradoxe
du vote. Ce nest que par défaut, cest-à-dire faute de pouvoir
élucider avec le même outillage conceptuel ce paradoxe, que la réflexion sest
rabattue sur la question des interactions entre variables économiques et orientations
électorales. Lanalyse devra cependant sinscrire dans le cadre de la
sociologie de lexpérience[60], cest-à-dire
garder à la fois le souci du contexte étudié qui éclaire sur le sens des institutions
et de leurs pratiques pour les électeurs de ces pays afin de résister à la double
tentation des caractérisations incontrôlées, qualifications globales et
généralisations douteuses.
[1] On utilisera le concept de transition avec des guillemets tout au long de ce travail par référence à la distinction établie - certes pour un autre contexte mais très largement applicable à la donne camerounaise - au sein de ce processus entre libéralisation et démocratisation par ODONNELL (G), SCHMITTER (PC), WHITEHEAD (L), Transitions from Authitarian Rule. Tentative conclusions about uncertain democracies, Baltimore, London, The Johns Hopkins University Press, 1986, pp 7-17 ; DOBRY (M), Les voies incertaines de la transitologie. Choix stratégiques, séquences historiques, bifurcations et processus de path Dependence, Revue Française de Science Politique, Vol. 50, 2000, n° 4-5. Pour une application spécifique de ces problématiques aux pays africains, voir notamment BRATTON (M) et VAN DE WALLE (N), Neopatrimonial regimes and political transitions in Africa , World Politics, July 1994, pp 453-489.
[2] Voir notamment, BRATTON (M) et Van de WALLE (N), Democratic Experiments in Africa. Regime Transition in Comparative Perspective, New York, Cambridge University Press, 1997, chap. 6 ; OTAYEK (R), Les élections en Afrique sont-elles un objet scientifique pertinent ?, Politique Africaine, n° 69, Mars 1998, pp 3-11 ; QUANTIN (P), Pour une analyse comparative des élections africaines, Ibid, pp 12-28 ; QUANTIN (P), Afrique dans PERRINEAU (P) et REYNIE (D), Dictionnaire du vote, Paris, Puf, 2001, pp 22-26 ; YOUNG (T), Elections and Electoral Politics in Africa, Africa, n° 63, 3, 1993, pp 299-312.
[3] Sur ce point voir notamment, BUIJTENHUIJS (R) et THIRIOT (C), Démocratisation en Afrique au sud du sahara, 1992-1995. Un bilan de la littérature, CEAN-IEP-Université de Bordeaux-Montesquieu, Bordeaux-Leyde, 1995.
[4] Sur cette propriété du système politsiue camerounais dans limmédiat post-transition, voir ENGUELEGUELE (M), Cameroun : lopinion publique, une notion à géométrie variable, dans LAfrique Politique 2000, Karthala CEAN, 2000, pp 85-87.
[5] On nadoptera donc pas ici le découpage de WISEMAN (J. A ) qui distingue les élections de la première vague i.e., celles qui se déroulent pendant la période post-coloniale, celle de la seconde - i. e. les élections sans choix dans décennies 70-80, et celles de la troisième vague - i. e. de la early post-redemocratization period, dans Early Post-redemocratization Elections in Africa, Electoral Studies, vol. 11, n° 4, dec. 1992, pp 279-291. On est cependant conscient que pour comprendre ce quon qualifie ici délections de la seconde génération, il faut avoir à lesprit ce qui se joue dans celles de la première. On est aussi conscient que notre perspective débouche sur une oscification de la césure avant/après 1990, dont la relativité a été soulignée à juste titre par de nombreux travux. On retiendra cependant cette démarche pour les commodités de la démonstration.
[6] IHL (O), Le vote, Clefs Montchrestien, 1996, p 132.
[7] Ces théories ne correspondent pas à un corpus cohérent qui se serait développé de manière cumulative, voir PIZZORNO (A), Sur la rationalité du choix démocratique, dans BIRNBAUM (P) et LECA (J), dir., Sur lindividualisme, PFNSP, Références, 2è ed., 1991, pp 343-354. La distinction entre théories symboliques et théories néo-utilisatiristes diffère de celle posée par HARSANYI (JC), Rational-Choice Models vs Functionalistic and Conformistic Models of Political Behavior, World Politics, 21, 1969, pp 513-538.
[8] Voir notamment dans le cas du Cameroun, SINDJOUN (L), Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial, dans SINDJOUN (L), dir., La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, Karthala-Codesria, 2000, pp 269-329 ; MENTHONG (HL), Vote et communautarisme au Cameroun, Politique Africaine, n° 69, op.cit.supra., pp 40-41. ; MONGA (C), La recomposition du marché politique au Cameroun (1991-1992), Bulletin du GERDES-Cameroun, n°1, Décembre 1992.
[9]
PARSONS (T), Voting and the Equilibrium of the American Political System,
dans Sociological Theory and Modern Society,
New York, The Free Press, 1967, pp 223-263.
[10] Voir, pour le Cameroun, SINDJOUN (L), La démocratie est-elle soluble dans le pluralisme culturel ? : éléments pour une discussion politiste de la démocratie dans les sociétés plurales, dans LAfrique Politique 2000, Karthala CEAN, pp 19-40.
[11] BANEGAS (R), Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin, Politique Africaine, n° 69, op. cit. supra., pp 75-87.
[12] La filiation avec les thèses de BON (F), dans Le vote. Fragment dun discours électoral, Les discours de la politique, présentation Y. SCHEMEIL, Paris, Economica, 1991, p 184 - thèses dont LIPSET (SM) établit le constat dans, Lhomme et la politique, Paris, Le Seuil, 1963, p 223 - est évidente.
[13] Voir dans le cas du Cameroun notamment, MENTHONG (HL), Vote et communautarisme au Cameroun, Politique Africaine, n° 69, op. cit.supra., pp 40-41.
[14] Voir sur ces notions, HIRSHMAN (AO), Défection et prise de parole, Paris, Fayard, 1995.
[15] Au double sens donné par EDELMAN (M), The Symbolic Uses of Politics, Urbana, University of Illinois Press, 1964, Chap. II.
[16] QUANTIN (P), Pour une analyse comparative..., op. cit. supra., p 15.
[17] CONAGHAN (C), Comparative
Perspectives : New Approaches to Methods and Analysis, Peter Smith ed., 1995, pp
57-69.
[18] Ibid, p 58.
[19] Sur lapplication de cette thèse aux scrutins camerounais depuis 1992, voir notamment, MBEMBE (A), Crise de légitimité, restauration autoritaire et déliquescence de lEtat, dans Itinéraires daccumulation au Cameroun, Paris, Karthala, 1993, pp 334-374.
[20] Voir notamment, ENGUELEGUELE (M), La rumeur de la disparition des sexes au Cameroun : contribution à létude des modes dexpression politique alternatifs dans les conjonctures fluides, dans DARRAS (E), dir., La Politique ailleurs, Puf-CURAPP, 1998, pp 355-370.
CEAN-CERI, Aux urnes lAfrique ! Elections et pouvoirs en Afrique noire, Paris, IEP de Bordeaux-CEAN-Pedone, 1978 ; HAYWARD (FM), ed., Elections in Independent Africa, Boulder & London, Westview Press, 1987.
[21] Voir, QUANTIN (P), Afrique noire, op. cit. supra., p 26.
[22] On se permet de renvoyer sur ce point à nos travaux sur lopinion publique au Cameroun publiés dans LAfrique Politique 2000 et dans lInternational Social Science Journal, n° 169/2001.
[23] Voir sur ce point notamment, ESTER (P), HALMAN (L), MORR (R), The Individualizing Society. Value Changing in Europe and North America, 1993, Tilburg University Press ; LAVAU (G), Lélecteur devient-il individualiste ?, dans BIRNBAUM (P) et LECA (J), Sur lindividualisme, ouvrage précité, pp 301-329 ; MATTEI (D), Le déclin du vote de classe et du vote religieux en Europe Occidentale, RISS, n° 146, 1995, pp 613 et s.
[24] Voir notamment, DOWNS (A), An Economic Theory of Democracy, New York, Harper and Row, 1957 ; MUELLER (DC), Public Choice, Londres, Cambridge University Press, 1979 ; DALTON (R) et WATTENBERG (M), The not simple act of voting, dans FINIFTER (AW), ed., Political Science. The state of the Discipline, vol. 2, Washington, American Political Science Association, 1993, pp 193-218 ; GREEN (DP) et SHAPIRO (I), Pathologies of Rationnal Choice Theory : A Critique of Applications in Political Science, New Haven, Yale University Press, 1994 ; pour des synthèses critiques stimulantes, GREEN (DP) et SHAPIRO (I), Choix rationnels et politique : pourquoi en savons-nous toujours aussi peu ?, RFSP, vol. 45, n° 1/1995, pp 96-130 ; MAYER (N), Léconomie du politique, Revue Française de Sociologie, Avril-Juin 1997, XXXVIII, p 213 ; LAFAY (JD), Lanalyse économique de la politique : raisons dêtre, vrais problèmes et fausses critiques, Revue Française de Sociologie, Avril-Juin 1997, XXXVIII, 1997, pp 229-243 ; BOUDON (R), Le paradoxe du vote et la théorie de la rationalité, Revue Française de Sociologie, Avril-Juin 1997, XXXVIII-2, pp 217-227 ; LEHINGUE (P), Lanalyse économique des choix électoraux ou comment choisir déconomiser lanalyse. II. Truismes et paradoxes, Politix, n° 41/1998, pp 82-122 ;
[25] Voir sur ce constat, LAFAY (JD), art. précité, p 229 ; LEHINGUE (P), art. précité, pp 82-83 ; MERLE (P), Lhomo politicus est-il un homo oeconomicus ?, RFSP, Vol. 40, n° 1, Fév. 1990, p 64.
[26] Voir sur ce point, QUANTIN (P), Pour une analyse..., op. cit. supra., pp 12-13.
[27] BANEGAS (R), Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin, Politique Africaine, n° 69, op. cit. supra, pp 75-87.
[28] BRATTON (M) et VAN de WALLE (N), ouvr. précité, p 11.
[29] VAN de WALLE (N) et SMIDDY (K), Partis politiques et systèmes de partis dans les démocraties non libérales africaines, dans LAfrique Politique 2000, op. cit. supra., p 42.
[30] Comme laffirme IHL (O) en effet, ce serait là (...) entretenir une double cécéité. Dabord, faire oublier quentre des institutions qualifiées toutes de démocratiques, il peut y avoir de profondes dissemblances, en particulier si lexpérience sociale, à lorigine de lordre électoral, savère très différente. Ensuite, perdre de vue, de manière inverse, quen dépit doppositions aveuglantes, certaines expériences électorales peuvent entretenir des similitudes quoique espacées par plusieurs siècles, dans Le vote, op. cit. supra., p 30.
[31] LEHINGUE (P), op. cit. supra., p 83.
[32] QUANTIN (P), op. cit. supra., pp 12 et 13, note 1.
[33] WEBER (M), Economie et Société, Paris, Plon, 1971, Chap. 1.
[34] Les deux autres hypothèses étant lexistence de préférences stables (représentées en général par une fonction dutilité ) et un comportement de la fonction de maximisation dutilité précédente sous la contrainte de lenvironnement tel que lindividu le connaît ou lanticipe ; voir LAFAY (JD), op. cit. supra., pp 238-241.
[35] Ibid, pp 238-239.
[36] Voir notamment les articles dOTAYEK et QUANTIN précités.
[37] KRAMER (GH), Short term Fluctuations in US
Voting Behaviour : 1896-1964, APSR,
77, 1971, pp 131-143.
[38] Mac RAE (D), A political Model of the
Business Cycle, Journal of Political
Economy, 85, 1977, pp 239-263.
[39] LEHINGUE (P), op. cit. supra., p 106.
[40] Si en plus on dispose de statistiques...- fiables...- dans le cas des pays dAfrique noire, indépendant pour la plupart depuis 1960 ; mais cela est un autre problème.
[41] THELOT (C), Les traits majeurs du chômage depuis vingt ans, Economie et Statistique, n° 183, 1985, p 38. Pour une vue plus générale, consulter le débat ouvert dans Genèses, n° 9/1992 et notamment larticle de DESROSIERES (A), Séries longues et conventions déquivalence.
[42] Au Japon et au Royaume-Uni notamment.
[43] Voir sur ce point notamment, QUANTIN (P), Afrique noire, op. cit. supra., pp 22-24.
[44]
Van de WALLE (N) et SMIDDY (K), op. cit. supra., p 43.
[45] 1er Mars 1992, élections législatives anticipées ; 11 Octobre 1992, élection présidentielle anticipée ; 21 Janvier 1996, élections municipales ; 17 Mai 1997, élections législatives ; 12 Octobre 1997, élection présidentielle.
[46] Décret présidentiel du 8 Décembre 2000, reproduit dans Cameroon Tribune, 9 Décembre 2000, p 1.
[47] QUANTIN (P), Linstitutionnalisation du politique : les leçons de la démocratisation et celles de la guerre , LAfrique Politique, 2000, op. cit. supra, p 17.
[48] VAN de WALLE (N) et SMIDDY (K), op. cit. supra., p 43 ;
JOSEPH (R), Africa, 1990-1997 : From Abertura to Closure , Journal of Democracy, 9(2), 1998, pp 3-17.
[49] Voir impérativement, LEHINGUE (P) et PUDAL (B), Jeu des analogies et analogies du jeu, AFSP, Rapport au IV è congrès, Paris, Sept 1992,, inédit, 19 p.
[50] Comme lont confirmé la plupart des interventions présentées lors du colloque dédié à la mémoire du Pr Georges NGANGO, premier agrégé des universités Françaises en science économique du Cameroun, les 26, 27 et 28 Février 2001 à Yaoundé.
[51] OSSENDE AFANA, assassiné en mars 1966, auteur de Léconomie de lOuest-africain, perspectives de développement, publié à titre posthume aux éditions François Maspéro en 1996 ; TCHUINDJANG POUEMI (J), mort dans des conditions suspectes en 1983, auteur de Monnaie, servitude et liberté. La répression monétaire de lAfrique, publié aux éditions Jeune Afrique en 1979.
[52] Au sens de LAFAY (JD), cest-à-dire (...) analyse des normes - de leur bien-fondé et de leur cohérence - quanalyse de leurs conséquences pratiques compte tenu des contraintes positives de lenvironnement , Ibid, p 231.
[53] HIRSCH (M), LEtat et la société. LEtat redistributeur, dans Les frontières de lEtat. Economie et Société, Cahiers Français, n° 271, Mai-juin 1995, pp 27-34.
[54] DOBRY (M), Sociologie des crises politiques, PFNSP, 1992, 1ère ed.1986, p 13, 40, 140 et s.
[55] Par exemple, S. FOUDA, G. KOBOU, JP. KOMON, NTUDA EBODE tous de lUniversité de Yaoundé II, ...Il est important de noter que si tous ces chercheurs ont soutenu leurs thèses dans des universités françaises, ils ont poursuivi leur parcours scientifique par des études post-doctorales plus ou moins longues (en moyenne deux ans) dans des universités américaines.
[56] Les nouvelles de HARARE, Compte-rendu du congrès de lAssociation Africaine de Science Politique, Harare-AAPSA, Décembre 1995, p5.
[57] FRIEDMAN (M), A
Theory of the Consumption Function, Princeton, Princeton University Press, 1957, cité
par LEHINGUE (P), op. cit. supra., p 83.
[58] Hypothèse avancée notamment par G. KOBOU lors du pré-congrès de lAssociation Africaine de Science Politique devant latelier consacré au thème Rethinking African Politics, Yaoundé, le 3 Mai 2000.
[59] LEHINGUE (P), op. cit. supra., p 84 ; BOUDON (R), op. cit. supra., pp 217- 222 ; MERLE (P), op. cit. supra., pp 64-66.
[60] DUBET (F), La sociologie de lexpérience, Paris, Le Seuil, 1994.