POUR UNE APPROCHE INSTITUTIONNELLE DE LA TONTINE [1]

 

par Odile TOGOLO

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Université de Yaoundé II - SOA

 

''Un droit serait latent derrière les phénomènes de non-droit'',[2] écrit le doyen Jean Carbonnier. En parodiant l’auteur, une institution ne serait-elle pas latente derrière les tontines ? D’une manière générale, pourrait-il y avoir du formel dans l’informel ?

Cette question se pose parce qu’on a trop tendance à comprendre l’institution que comme une œuvre qui s’inscrit dans un processus réglementé. Celle-ci se présentant comme toute situation qui jouit d’un statut légal, c’est-à-dire qui obéit à des formes et cadres conventionnels imposés par l’autorité publique. Cette vision étroite de l’institution est celle du juriste dogmatique,[3] pour qui, en dehors du cadre formel, il n’y a point d’institution. Le formel renvoyant absolument à l’explicite. Dans cette optique, la tontine ne peut être regardée comme une institution.

Cependant comme formel peut aussi vouloir dire indubitable ou incontestable, il nous semble absurde que les tontines qui offrent tant de ''services efficaces et durables''[4] ne puissent constituer, par faute de formalisme, une institution. Encore faut-il convaincre que le formalisme induit nécessairement l’institution. Que d’institutions sur papier que celles-là risquent de ne jamais remplir leur objet. Une institution vit et se vit dans une société, c’est-à-dire qu’elle satisfait un objet social. La réglementation ne servant qu’à rationaliser le fonctionnement. Ce qui explique que même pour des institutions officielles, les politistes insistent davantage sur  ''leur fonctionnement de fait, leur importance, leur place et leur signification dans la société'' que sur leur aspect juridique.[5] Ce qui importe pour eux, c’est leur type d’efficacité au sein de la société.

A cet effet, l’abondant stock de travaux empiriques et théoriques en Sciences économiques s’y rapportant permet, d’entrée, que l’on puisse présenter la tontine comme une association informelle dont l’objet est ''de promouvoir toute action de solidarité entre les membres ou de constituer périodiquement un marché financier''.[6] Son enracinement en Afrique s’expliquerait par le ''besoin de convivialité, de sécurité, d’épargne, d’accès au crédit et de progrès de l’homme''.[7] C’est dire que son essor spectaculaire n’est pas lié à des seules considérations financières ou économiques comme le suggèrerait ''la montée des faillites des banques africaines''.[8]Il est vrai que l’effet de substitution provoqué par ces faillites et la gravité de la crise ont contribué à revaloriser la tontine ainsi que ses fonctions socialisante, occultante, sécurisante et financière.

La fonction socialisante tend à inculquer certaines valeurs sociales qui peuvent avoir des effets d’entraînement externes notamment sur le comportement en société. Le changement qui, peut en découler, est appréciable au niveau individuel et global. Sur le plan individuel, l’engagement à une tontine repose sur le respect de la parole donnée. De sorte que la conformité au  ''code'' de la tontine oblige l’adhérent à une discipline et à une rigueur dans la gestion de sa trésorerie intégrant par là même la prévision.[9] La prévision suppose un minimum d’organisation de ses activités dans le temps, ne serait-ce que dans sa forme la plus rudimentaire : cycle de production et de commercialisation. Autrement dit, la nécessité d’honorer son engagement tontinal accroît l’effort au travail et intensifie la commercialisation des produits de son champ quand il ne contraint pas l’individu à chercher un travail salarié.[10] Ce qui signifie que la tontine modifie des comportements économiques. Sur le plan collectif, la tontine crée spontanément entre ses membres ce qu’on appelle “ la garantie collective ”[11] ou la solidarité de groupe. Si bien qu’ils se doivent assistance mutuelle aussi bien dans les moments de tristesse que de liesse. En matière d’entreprise, cette solidarité se traduit par le conseil et la surveillance de la gestion des affaires personnelles de ceux qui ont bénéficié des crédits tontinaux. Cet apport est inestimable quand on sait que la défaillance de l’un des membres est source de difficultés en chaîne. Au-delà des intérêts individuels ou de groupe, les tontines s’activent de plus en plus à la réalisation des projets d’intérêt général : dons de médicaments et d’équipement à des hôpitaux, fournitures scolaires à des écoles, construction des points d’eau potable, etc.. Outre ces aspects économiques, la tontine est tout simplement un lieu de convivialité et de détente où l’on peut se confier facilement aux membres du groupe, échanger des idées aussi banales que des recettes de cuisine. Mais la tontine reste une société fermée pour les non-adhérents et constitue un lieu d’occultation des richesses.

La fonction occultante ''n’a pas pour objet de dire, mais de passer sous silence''.[12] D’apparition récente dans l’analyse, cette déviation permet la détention des sommes colossales dont on ne peut pas toujours justifier l’origine de rester dans l’anonymat pendant un moment donné et d’être ''blanchies''. L’adhésion à une tontine va donc de pair avec la recherche de la discrétion que n’assurent pas toujours les établissements de crédit, même dans des Etats moins regardants sur les comptes bancaires comme ceux d’Afrique. Malgré le laxisme ambiant, y demeure la faculté du fisc de lancer un avis à tiers détenteur que la Banque peut faire droit. Tout comme dans des cas de malversations caractérisées, le juge peut toujours ordonner le blocage ou la saisie des comptes bancaires à tout moment, alors même que les victimes crieraient au règlement de compte ou à l’acharnement contre telle ou telle personne. En réduisant la transparence, la tontine garantit l’enrichissement sans cause contre toute éventualité d’une répression officielle. La cotisation dans les tontines permet en outre d’échapper aux obligations communautaires,[13] que d’aucuns qualifient ''d’impôt de solidarité'' familial.[14] Si bien que ''l’argent de la tontine, c’est l’argent de la tontine''.[15] Cette boutade révèle certes le respect du principe de régularité qui régit les tontines, mais elle dénote aussi le relâchement du lien de solidarité africaine.

De manière objective, le dépôt des fonds en banque représente un grand risque à cause de nombreuses faillites enregistrées dans notre continent au-delà des mesquineries de leurs préposés, lesquelles rendent quasi impossible la moindre opération bancaire dans les meilleurs délais. En bref, les banques manquent de célérité dans le traitement des opérations et n’offrent pas assez de sécurité financière pour encourager l’épargne officielle qui de surcroît est très sélective.[16]

La fonction sécurisante a pour objet de mettre l’individu en confiance, de le rassurer. Du fait que dans la tontine ''chacun n’est en rapport qu’avec les individus qu’il connaît, et tout échange est, dans une large mesure, codifié par les usages, les coutumes et les rituels. Le degré d’imprévisibilité dans les relations sociales est très faible'',[17] cette fonction est assurée. Le lien de confiance qui, y est sous-jacent, se pose en une sorte de garantie tacite des créances et des dettes tontinaires. Seulement la proximité, c’est-à-dire l’absence de distance entre les associés, paraît plus ''mentale, culturelle et sociale'' que ''spatiale''.[18] Ce qui contraste avec les relations impersonnelles et l’anonymat des banques, source d’une ''distance mentale' qui peut être considérable.[19] Ce lien repose en effet sur l’intuiti personae, l’affectio sociétatis, le conseil et la solidarité qui sont des facteurs sécuritaires pour les affaires. Là réside peut-être le secret de la simplicité et de la flexibilité des transactions dans les tontines.

Toutefois le lien associatif de la tontine est temporaire et interdit des opérations à long terme, exception faite de certaines tontines bamiléké.[20] Cette vision économique met en avant le cycle des flux dans la tontine et en filigrane son caractère contractuel qui explique la précarité du lien tontinal. Du moment où les rapports entre les associés sont empreints de subjectivité, il est tout à fait naturel que, dès que le lien contractuel se distend, la tontine prend fin pour des motifs légitimes ou non. De la même façon qu’on peut la réveiller une fois que la confiance renaît. Cette réactivation à volonté par n’importe quel individu qui a une capacité organisatrice témoigne du caractère permanent et donc, institutionnel de la tontine. En général, l’évolution d’une institution n’est jamais uniforme ; elle passe nécessairement par des phases de stagnation, voire de régression. Ces flux et reflux constituent l’essence même de l’institution qui survit par delà des générations pour être un phénomène inter temporel. Cette inscription dans la durée en fait un véritable support de pouvoir.

Ces autres fonctions montrent bien que l’enracinement de la tontine en Afrique n’est pas animé que par le seul mobile financier. Son rôle financier reste pourtant à la mesure de la concurrence qu’elle livre aux banques dans la collecte et la distribution de l’épargne. Réseau d’épargne infra formelle,[21]la tontine perturbe le monopole de la finance que détient l’Etat même si tôt ou tard, l’argent qui y est collecté réintègre toujours les circuits officiels d’une manière ou d’une autre.[22] Alors même que la finance est tenue pour prérogative régalienne par excellence : seul l’Etat a droit de battre monnaie, d’en assurer la circulation, d’organiser la collecte et la distribution de l’épargne en régie ou sous tutelle.

Vu cet ensemble d’éléments, la tontine ne doit-elle pas bénéficier du label institution[23]?

En général, ''on recourt à l’idée d’institution pour attirer l’attention sur les relations structurelles existantes entre les réalités sociales ou humaines et les systèmes opératoires de pensée''.[24] Une institution, c’est d’abord un fait qui existe dans la réalité sociale quand bien même ses normes ne sont accessibles qu’à la compréhension.[25] En tant que ''structure stabilisée d’interactions juridiquement ou culturellement réglées'',[26] l’institution se caractérise par les finalités qu’elle poursuit et les contraintes normatives qu’elle impose.

L’élément contrainte nourrit toujours la réflexion du juriste. D’où notre démarche de déchiffrer la contrainte normative dans la tontine et de s’enquérir de la façon dont celle-ci est ou peut être contrôlée de l’extérieur. Somme toute, c’est le problème de la place de l’Etat dans la tontine qui est posé. De la sorte, notre approche institutionnelle qui, se veut le constat d’une situation, propose de voir dans la tontine une institution (I) qui se développe au sein de l’Etat (II)./font>

 

LA TONTINE, UNE  INSTITUTION ?

En ce début du IIIe millénaire, l’enracinement des tontines dans l’Afrique profonde laisse perplexe tout esprit épris de modernisme. Dans les faits, la tontine séduit plus les épargnants que les banques même si ces deux formes d’intermédiation financière restent complémentaire.[27] Son caractère attractif est tel que certains individus préfèrent avoir un découvert à la banque que de faillir à la tontine. Elle recrute dans toutes les couches sociales riches ou pauvres, instruites ou analphabètes, y compris les salariés des banques.[28] D’où l’approche institutionnelle à travers laquelle nous recherchons une explication et une justification logique de la pertinence de la tontine. Encore faut-il que le concept même d’institution soit bien cerné (A) avant de faire une transposition dans la tontine (B).

Le concept d’institution
La notion d’institution fait l’objet d’une approche pluridisciplinaire. Elle intéresse en effet les juristes, les sociologues autant que les politistes et autres philosophes. Faire un bref aperçu sur l’état de la doctrine en la matière relève donc de l’évidence même. Toutefois cette présentation n’a d’intérêt que si elle donne une perception correcte des effets et crée une capacité à maîtriser la tontine. Ce qui suggère une clarification de la notion d’institution et de la contrainte qui y est inhérente.

1/.  La théorie de l’institution

L’ambition se limite à une sorte de synthèse des opinions émises en la matière afin de voir si l’on peut dégager quelques critères homogènes de l’institution.

En droit, l’institution est un concept fondamental de la théorie juridique du doyen Hauriou. Pour lui, l’institution est une idée d’oeuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise qui procure des organes ; d’autre part, entre les membres du groupe social intéressés à la réalisation de l’idée, il se produit des manifestions de communion dirigées par les organes du pouvoir et réglées par des procédures.

Cette conception juridique fait fonctionner l’institution à la loi contrairement à la vision sociologique qui admet l’institution fonctionnant aussi à la foi, c’est-à-dire fondée sur un principe de soumission totale à un pouvoir doté d’une puissance illimitée.

L’approche sociologique présente l’institution comme une ''structure stabilisée d’interactions juridiquement ou culturellement réglées''.[29] L’aspect culturel complètent utilement le critère juridique pour exprimer les deux variantes de l’institution. Là réside l’essence de la pensée durkheimienne de l’institution qui met en avant le caractère contraignant et l’existence d’une autorité (morale ou physique).[30]  Cet élément culturel fait que la science politique valorise les institutions de fait qui sont des ''représentations collectives plus ou moins valorisées''.[31] L’institution est ''un pendant naturel des besoins sociaux et des pressions, un organisme réactif, adaptatif ''[32] En conséquence, elle associe à l’institution des modèles normalisés de comportements.[33]

La thèse ontologique met en relief l’idée de normativité. En effet, ''l’institution en tant que concept n’existe... que relativement à des systèmes normatifs donnés, comme elle détermine quelles possibilités institutionnelles existent à l’intérieur du système''.[34] De sorte que les institutions ''peuvent évoluer sans création législative préalable et sans référence à un concept préalablement défini''.[35]

Ces autres thèses que juridiques font progresser de façon significative la compréhension de la notion d’institution. Elles ne sont pas réductrices de l’institution au formalisme considéré par de nombreux juristes comme ''un trait essentiel'' de celle-ci.

Pour l’essentiel, même si une partie la théorie juridique privilégie le formalisme, comme ''un trait essentiel''[36] de l’institution, il faut reconnaître que beaucoup d’interprètes de la pensée du doyen de Toulouse retiennent trois caractéristiques essentielles : l’idée d’oeuvre à réaliser qui peut être identifiée avec la notion juridique d’objet ; un pouvoir organisé, c’est-à-dire divisé contre lui-même entraînant la division du pouvoir et la représentation ; enfin un public et des manifestations de communion qui doivent se renouveler sans cesse pour que l’institution puisse durer. Ce qui fait des institutions des mécanismes sociaux organisateurs, contraignants, durables et cohérents qui s’expriment généralement dans la normativité.

 

2/. La contrainte dans l’institution

La contrainte est un élément essentiel de l’institution qui s’exprime habituellement dans la normativité. Chaque fois qu’il est question de normativité (normes juridiques ou sociales), le problème principal est la détermination des rapports existant entre ces normes et la conduite effective des individus d’une organisation donnée. Plus précisément, dans ces normes doit-on voir seulement les règles de conduite ou également les comportements humains qui s’y rattachent, c’est-à-dire les rapports sociaux effectifs réglés par ces règles ? Cela se ramène à la question de coexistence entre l’élément normatif, l’ensemble des normes et l’élément factuel, l’ensemble des comportements effectifs, des rapports sociaux. Il semble difficile d’admettre l’un sans l’autre, ne serait-ce que du fait que les normes décrivent ce que doivent être les rapports sociaux dans un groupe. En général, les organisations sociales adoptent des actes généraux dans lesquels elles prévoient les normes qui règlent l’attitude de tous les membres.

Les normes se présentent d’ordinaire comme des principes qui régissent à la fois la direction générale et les devoirs et droits des intéressés dans un groupe. Dans ce contexte, “ le principe de légalité qui est seulement un principe de formation du droit, doit ici s’effacer devant ce qui est l’essence même du droit, c’est-à-dire la nécessité de protéger certains intérêts ”[37] dans un groupe déterminé. Encore faut-il pouvoir préciser la source des normes dans une organisation sociale donnée.

Sur ce point, estime-t-on, les ''institutions donnent son existence au droit en vertu de leur force mobilisatrice''.[38] Ce qui veut dire que les institutions sécrètent spontanément du droit. Mais on est pas renseigné sur la nature juridique de ce droit. La tentative est donc grande pour faire correspondre la nature de ce droit à celle de l’institution qui le secrète. Et de conclure à l’accessoire qui suit le principal. En pratique, on distingue deux types d’institutions: les unes officielles et les autres sociales. En partant de cette distinction la nature d’un droit est fonction du caractère officiel ou social de l’institution qui est son support. Là, on se trouve au cœur du positivisme sociologique. Celui-ci va à l’encontre de la théorie normativiste de Kelsen. Cette théorie fait largement abstraction du support sociologique et culturel des règles de droit et tend à donner au droit une image figée alors qu’il est bouleversé par des mutations dont on ne peut pas prévoir les effets.

Le positivisme sociologique recommande, en effet, de chercher le droit dans le milieu social qui, dit-on, ''secrète spontanément les règles de droit qui lui conviennent le mieux''.[39] Le ''vouloir-vivre''[40] que traduit ce droit peut être celui d’une société en mal de survie, et donc, à la recherche des instruments adaptés à un environnement subi. Tel est le cas de la nôtre à travers la tontine que nous voulons marquer du sceau d’institution.

 

De l’assimilation de la tontine à une institution

Cette assimilation n’est possible que si la tontine contient des éléments de contrainte. La contrainte est ce qui fonde l’autonomie d’une organisation par rapport à son environnement dont font partie ses membres. Sa finalité est de limiter la liberté d’action des uns et des autres dans un groupe. La transposition préconisée présuppose un corps de règles en relation avec la tontine ; un ensemble de règles et de sanctions qui s’agrège en un tout cohérent et parvenant à la permanence et à l’autoritarisme. Cela revient donc à s’assurer de la réalité des normes dans la tontine et de la façon dont elles sont respectées suggérant ainsi un système de régulation.

 

1/.  Le système normatif de la tontine

Le système normatif de la tontine a déjà fait l’objet d’un sondage pour affirmer sans détour ou confirmer son existence. Concernant le secteur non-structuré en général, on atteste que ''loin d’être une jungle, loin d’être sans formes, il (l’informel) ne peut subsister et se développer que sur la base des codes sociaux mais aussi juridiques et en mettant en place des instruments de règlement des conflits''.[41] L’existence d’un système normatif étant admise, il reste à déterminer la nature. A ce sujet, il est indiqué que c’est ''une catégorie de droits étendus dont le contenu est encore assez mal connu, en raison de leur caractère non officiel. Plus difficiles à cerner, ils constituent pourtant plus le droit réellement appliqué que les droits étatiques... Différents des droits étatiques, ils s’éloignent également assez souvent des droits traditionnels, car ils sont essentiellement innovants''.[42]

Une certitude donc, il existe dans la tontine un cadre et des règles appelées à orienter les efforts pour la réalisation des objectifs économiques, sociaux et financiers. Ces affirmations se révèlent néanmoins insuffisantes pour une saisie parfaite du droit dans la tontine. Cela s’explique aisément. D’une part, il est difficile de rattacher ce cadre normatif à tel ou tel auteur ou de situer son apparition dans le temps. D’autre part, il est impossible de circonscrire son contenu exact. Doit-on alors seulement prendre acte d’un droit diffus ?

En effet, il est difficilement assimilable ni à un droit écrit ni à un droit coutumier, plutôt c’est un droit innovant qui reste pourtant innomé. Si du moins l’on est convaincu que c’est un système juridique, il importe donc de lui donner un nom dans la mesure où tout ce qui revêt un caractère populaire reste diffus. Cela est d’autant plus nécessaire si l’on veut éviter de retomber dans le défaut habituel des systèmes archaïques où les normes ne sont pas définies de manière compréhensible pour tous. Comme cela sied en Afrique, on verra toujours là planer l’ombre de la civilisation orale qui utilise un langage saisissable que par les seuls initiés. Pour ce faire, on peut chercher à l’intégrer dans une catégorie de normes connues. D’abord le caractère innovant qui vient d’être relevé en fait un droit hybride ou mixte. Se contenter de dire cela ne fait pas progresser la discussion ; et ce droit continuera à vivre le syndrome de la chauve-souris qui n’est ni oiseau ni animal en dépit des efforts pour le faire sortir de l’ombre. On peut aussi le regarder comme un ensemble d’usages professionnels. Cette hypothèse manque de pertinence puisqu’on n’est pas en présence d’une profession ou d’un métier face à la tontine même si dans certains pays des agents collectent les fonds et les déposent à la banque. Il n’apparaît là rien de plus qu’une fonction d’intermédiaire entre la tontine et la banque. Ce qui leur confère un statut de mandataires assimilables aux commissionnaires.

En dernière analyse, on peut tout simplement désigner ce système juridique d’usages tontinaux. Ces usages s’inspirent de toute sorte d’instruments de régulation de la société dès lors que les intérêts du groupe sont protégés. Les sources d’inspiration sont donc hétéroclites : la morale, la coutume, la loi, la doctrine, les usages professionnels, voire la pratique judiciaire, les valeurs, etc. En réalité, si la question de la dénomination de ce droit est une piste de recherche, elle ne s’impose pas comme une donnée incontournable ou décisive dans la quête de lumière sur le système des normes tontinales. La source de droit étant souvent déterminé par le droit positif. La science juridique ne se livre qu’à l’interprétation et à l’appréciation critique de ce droit. L’élément le plus déterminant dans cette entreprise reste donc l’identification des normes dans les tontines.

Au juste, l’identification des normes tontinales est le point crucial du débat puisque leur existence et leur réalité ne sont pas mises en cause. On doit pouvoir isoler chaque règle par rapport aux autres. L’objectif étant une meilleure connaissance et un accès aisé à cette source de ce droit. Pour ce faire, un travail de compilation ou de codification est nécessaire. Une fois de plus, on risque de se heurter à la méthodologie d’une telle tâche. La simple compilation ne pose pas de problème particulier puisqu’il s’agit d’un travail de recherche que l’on peut initier à loisir. Mais pour quelle durée et pour quelle autorité ? La compilation privée n’a qu’une valeur doctrinale sauf qu’elle peut contribuer à l’harmonisation des pratiques par rapport au système actuel.[43] La codification appelle l’intervention des pouvoirs publics et l’intégration dans l’ordonnancement juridique. Au bout du processus, c’est la nature informelle de la tontine qui sera entamée et cessera de relever du secteur non-structuré.

Cependant, la codification aussi souhaitable soit-elle pour le besoin de lisibilité de normes n’est pas le gage d’effectivité du droit. Or apparemment ce qui fait la force du droit dans le secteur informel, c’est le consensus sur son acceptation comme un ordre immanent. Ce consensus tire sa force de la proximité, de la confiance, de l’idée de projet commun pour que ce droit s’impose comme des devoir être aux co-sociétaires. Comme tout système fondé sur un consensus ''est un système élaboré, complexe, donc fragile'',[44] la prétention à une soumission aveugle reste à rechercher justifiant ainsi d’un système de régulation rigoureux.

 

2/. Le système de régulation dans la tontine

La rigueur du système de sanctions est telle que les défaillances restent rarement impunies.[45] La sanction s’entend ici dans son acception négative tendant à priver d’un bien ou d’un droit le sujet qui a violé la norme. Cette précision paraît assez intéressante à l’analyse dans la mesure où on est passé d’un système de sanctions morales à un système de sanctions matérielles plus vigoureux (taux d’amende de 10 % de son épargne). Vu l’esprit de solidarité qui y règne, la tontine peut prendre en charge les cotisations d’un membre défaillant pour des motifs légitimes. La rigueur des sanctions peut s’apprécier sur deux plans : la police interne et la justice arbitrale.

a) La police interne

Assurée par un ''censeur'', cette police tend à faire respecter les obligations et l’éthique du groupe au sein de la tontine. Ce pouvoir se traduit par les amendes pour retards et absences injustifiées à la réunion ainsi que pour le non-remboursement des cotisations. Le règlement intérieur peut même prévoir le prélèvement d’office des montants correspondants sur l’épargne[46] des défaillants. Pour se prémunir contre d’éventuelles insolvabilités, le règlement intérieur rend l’épargne obligatoire pour un montant minimum comme 50 000 F CFA par an. Celle-ci constitue un gage du non-remboursement des cotisations et prêts et en même temps sert au paiement des actions sociales non honorées et amendes. D’ailleurs les prêts accordés à un membre sont proportionnels à sa capacité d’épargne. Une mesure de prévention contre le risque d’insolvabilité et d’escroquerie qui permet au moins de récupérer le capital. Avant la clôture des opérations de fin d’année, si l’épargne du sociétaire emprunteur n’est pas suffisante, la police de la tontine le somme de rembourser. Sans aucun doute, il y a là une interpénétration des mécanismes bancaires. Cette utilisation sournoise des mécanismes et méthodes des banques montre une certaine mutation dans la conception des tontines alors qu’il est certain qu’elles ne ''sont pas des banques'',[47] même si elles sont à l’origine de ces institutions financières hybrides que sont les coopératives d’épargne mutuelle. La défaillance totale met en oeuvre la justice arbitrale.

b) La justice arbitrale

En cas de défaillance totale ou de conflit avec d’autres membres, une instance arbitrale interne règle les différends. Dans certains cas, la victime d’une escroquerie n’attend pas la sentence arbitrale et prend les devants en saisissant lui même les biens du défaillant. Si cette justice a le mérite d’être plus rapide et moins coûteuse, elle se révèle aussi par certains aspects plus expéditive. En effet la sanction est parfois disproportionnée par rapport au dommage subi. Ainsi la saisie-exécution faite ou ordonnée par la victime elle-même n’est pas toujours loin de l’exaction.

Cette justice arbitrale paraît assez efficace dans le règlement des litiges internes. Fondée sur la confiance, les parties semblent se plier un peu plus facilement aux décisions de cette justice. Et lorsque les associés procèdent eux-mêmes à la ''saisie-exécution'' des biens des co-sociétaires défaillants, ces derniers se résignent à entreprendre une autre action. Est-il possible de comprendre l’acceptation de cette justice sans grande difficulté ?

Ces pratiques qui sont insoupçonnables dans un Etat de droit n’existent que parce que les institutions officielles accusent un déficit. Ces débordements ne ternissent pas pour autant l’image de la tontine qui perdure dans une société en proie à la recherche des outils de son développement. D’ailleurs beaucoup d’adhésions sont motivées par la recherche de la discipline ambiante qui y règne.

Cet ensemble de considérations incline à penser à une ''innovation institutionnelle par imitation''.[48] Cette mutation du système de normes, de valeurs et même de buts dans la tontine symbolise le phénomène d’acculturation des institutions. Ceci est dans l’ordre des choses dans la mesure où toute civilisation ouverte s’approprie des apports extérieurs. La capitalisation de ces apports positifs dans la tontine peut se mesurer par rapport à l’extension de l’usage de l’écrit en tant qu’outil de rationalisation et moyen de preuve. Il y a lieu de s’interroger sur son rôle dans un système de croyances populaires. Ne sert-il pas de véritable forme de contrat qu’un moyen de preuve ? Au moins l’existence de la preuve facilite le contrôle étatique.

 

A  PLACE  DE  L’ETAT  DANS  LA  TONTINE

 

Une mauvaise appréhension du phénomène étatique veut que “ l’Etat ne se mêle pas de la tontine ”. Cette thèse qui postule le devoir d’abstention de l’Etat dans l’entrepreunariat  privé rappelle le libéralisme classique. Même une institution ultra libérale ne saurait se passer  de la répression de l’Etat, ne serait-ce que pour assurer sa sécurité, gage de prospérité. Sur le plan sécuritaire donc, l’Etat a sa la place dans la tontine. Dans l’absolu, la tontine peut-elle vraiment ignorer l’Etat et vis versa ?

La réponse affirmative qui, procède d’une vision apologiste et partisane du statu quo, fait de la tontine une entité extérieure à l’Etat. En toute vérité, si l’exclusion de l’Etat dans la création et le fonctionnement de la tontine se conçoit comme le révèle la pratique, lorsqu’un conflit sérieux naît, ce raisonnement ne peut plus résister à l’analyse. En ce que la tontine met en jeu des masses d’argent susceptibles de faire l’objet de stratégies et de manipulations, elle   requiert ainsi des systèmes de délibération et de contrôle externes. Dans une optique conflictuelle l’intervention de l’Etat s’y impose comme une donnée incontournable (A) ; et les intéressés eux-mêmes ne manquent pas de temps à autre de solliciter les pouvoirs publics (B).

 

L’intervention étatique, une donnée incontournable

La nécessité de discrétion dans la tontine rend apparemment le contrôle de l’Etat superfétatoire en la matière. Cependant, dès que la difficulté devient sérieuse, les institutions de répression officielles sont quelquefois saisies. Vu qu’elle entraîne une manipulation de fonds susceptibles d’abus de toutes sortes, les frictions ne peuvent pas manquer. Or, l’efficacité de la contrainte interne de la tontine ne peut être totale que dans un système de croyances traditionnelles. Dès que la foi en la tradition commence à s’effriter, la suppléance d’une force extérieure pour rétablir l’équilibre rompu se conçoit sans peine. Il importe donc de sonder le fondement du contrôle de l’Etat nonobstant les obstacles de droit auxquels il peut se heurter.

 

1/. Le fondement de l’intervention de l’Etat dans le conflit tontinal

Le contrôle étatique rencontre particulièrement des difficultés à s’exercer, faute d’un cadre juridique approprié. Cette carence oblige à élever le débat pour poser le problème général des limites de l’intervention de l’Etat dans les activités qui s’exercent dans son territoire. Dans ce sens, la tontine est une “ activité financière de l’association ”.[49]

Soit comme association ou activité tout court, l’Etat doit pouvoir intervenir dans la tontine d’une façon ou d’une autre, et ce, au titre de la police administrative. Par nature tout activité humaine exercée en commun est sujette à conflit ouvert en raison des intérêts divergents qui s’expriment au sein du groupe quel que soit le degré de tolérance de ses membres. De fait dans tout groupement humain, le conflit de leadership est immanent même s’il peut être voilé sous d’autres formes. Somme toute, le conflit est le propre de la société humaine et perturbe inexorablement la tranquillité et la sécurité publiques. A chaque fois que l’ordre public est perturbé, l’Etat ne peut être indifférent. Et les infractions commises en matière de tontine menacent à coup sûr l’ordre public. Des infractions qui ont pour nom : l’escroquerie, à l’abus de confiance, la diffamation, les coups et blessures et même l’envoûtement, déclare un officier de police judiciaire à Yaoundé. On ne peut passer sous silence des exactions qui y sont commises résultant de la vente des immeubles hypothéqués ou des voitures gagées par des membres défaillants.

Dans un tel contexte, le doute sur la mise en œuvre de la police administrative n’est plus permis. A ce sujet, le chef de l’exécutif dispose d’un pouvoir de police général sur l’ensemble du territoire même en l’absence de texte depuis la jurisprudence Labonne de 1919 (CE, 8 août 1919 Labonne). Ce pouvoir de police est prévu expressément par notre Constitution dans sa version de 1996 qui reconnaît un pouvoir réglementaire aussi bien au Président de la République (article 8, al. 8) qu’au Premier ministre (art. 12, al. 3). Le réalisme que sous-tend cette règle tend à ôter le prétendu dénuement juridique de tout intérêt lorsqu’un litige naît dans la tontine. Dès lors, le juge doit pouvoir intervenir sans que l’on puisse lui opposer l’autonomie des volontés.

Par ailleurs le règlement intérieur et les statuts de la tontine constituent en quelque sorte des éléments probants pour ne pas tirer argument du vide juridique en la matière. Des documents que l’on retrouve de plus en plus même lorsque la tontine n’est pas déclarée.

Le règlement intérieur est considéré comme un acte administratif, donc, justiciable du juge administratif. Il est vrai que l’on ne songe guère à saisir le juge administratif des litiges posant à titre principal des questions de droit privé. Face à une difficulté sérieuse, le juge administratif peut être saisi pour question préjudicielle en appréciation de validité ou en interprétation du règlement intérieur. Ce qui ne serait qu’une question préalable devant le juge pénal qui a plénitude de juridiction. La conformité du règlement intérieur au bloc de légalité conditionne la validité de la convention sur laquelle repose la tontine. De la même façon, les statuts de la tontine qui procèdent par imitation des textes légaux peuvent faire l’objet d’interprétation par le juge judiciaire pour déterminer la qualité d’associé ou celle de dirigeant ainsi que les droits et obligations des uns et les autres. De surcroît, cette interprétation déterminera la compatibilité de l’objet de la tontine avec les buts des associations. Or les prêts avec intérêts, qui plus est, à taux usuraires, ne semblent pas toujours conformes à l’objet d’une association. Ces taux figurent même dans le règlement intérieur ou les statuts. En l’absence de plainte d’une victime, ces documents internes peuvent même servir de base à un contrôle administratif à des fins fiscales et surtout de régularité de l’activité tontinale. Ce dernier aspect, somme toute, tendrait à établir l’illégalité de la tontine.

Comme ''activité bancaire'', le contrôle de l’Etat devient un truisme. Est-il besoin de rappeler que toute activité impliquant les manipulations des sommes d’argent comporte en elle des germes de menaces réelles à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Les abus qui sont inhérents à toute manipulation d’argent ne demandent pas de développements particuliers puisqu’ils sont sanctionnés par le juge dès que leur preuve est apportée. Si l’assimilation de la tontine à une activité bancaire est juste, elle tombe manifestement sous le coup de l’exercice illégal des activités financières. Cette qualification est intéressante à l’analyse en ce qu’elle permet d’établir une coresponsabilité de tous les adhérents de ces actes incriminés, y compris les victimes. En outre la fréquence et la régularité des réunions de tontine peut même amener à y voir une profession habituelle pour l’application de la théorie de l’acte de commerce. Selon l’article 632 du code de commerce, les opérations de prêts sont des actes de commerce par nature et relèvent de ce fait de la commercialité objective. Ainsi la thèse de ''non commercialité du secteur informel financier'' fondée sur la théorie de l’accessoire ne peut résister plus longtemps à l’analyse objective des faits. Toujours à l’appui de la thèse de commercialité de la tontine, on évoquera en outre l’existence des commissions et des honoraires pour la rémunération des dirigeants[53] et des intérêts pour les épargnants. Si la rémunération annuelle des dirigeants pour services rendus peut se révéler symbolique ou inexistante dans certains cas,[54] le taux d’intérêt dans la tontine, par contre, est plus rémunérateur que celui des banques flirtant avec l’usure. En outre les hypothèques et gages peuvent être matérialisés sous forme d’acte authentique. Ces faits et actes ressortissent du juge commercial, du juge pénal et du juge fiscal suivant les cas.

La faiblesse de ce raisonnement tient au fait que les recours en justice portent uniquement sur le capital que l’on veut récupérer et non sur la rémunération des uns et des autres. De même que le prêteur à taux usuraires omettra cette partie au procès. Si bien que l’on retiendra la qualification d’un simple dépôt de fonds assimilable à la garde de la chose (art. 1384 C.C.). Trompe qui peut, même le tribunal qui, du reste, ne peut statuer ultra pétita.

L’argument pourrait davantage être éloquent si l’Etat exerçait un contrôle de gestion sur les tontines, contrôle qui suppose un siège stable. Or se développe de plus en plus une tendance à l’anonymat dans la tontine. Dans cette formule, le paiement des quotes-parts se fait à longueur de journée, par exemple, chez un gérant de débit de boisson qui tient un registre et verse le produit au bénéficiaire le soir.

Cela dit, ces extrapolations ouvrent des perspectives de réflexion, elles ne doivent pas faire oublier que l’intervention de l’Etat rencontre des obstacles juridiques réels.

 

2/. Les obstacles juridiques à l’intervention de l’Etat dans la tontine

Ces obstacles se conçoivent aisément pour une matière qui se trouve à la lisière du droit. Est-il besoin de rappeler que le contrôle de l’Etat suppose en amont l’édiction d’un corps de règles dont le juge contrôle le respect en aval. En l’absence d’une telle réglementation, le juge ne peut que décliner sa compétence.

 

a) L’absence d’une législation spécifique

D’entrée de jeu, on ne peut tenir pour vrai cette assertion qu’autant que l’on accorde beaucoup d’importance à l’adjectif spécifique. Sinon la prétention à un vide juridique s’avère inexacte comme il vient d’être démontré et le refus du juge de statuer est constitutif d’un déni de justice.

Le contrôle étatique reste certes diffus en la matière, mais il est tout de même réel, ne serait-ce que par le biais du chèque de garantie sans provision.[55] De principe, toute émission de chèque sans provision est une infraction pénale appelant d’emblée le contrôle judiciaire.

Cependant les recours en justice ne cessent d’augmenter. Cela est si naturel dans un domaine où les relations sociales se multiplient que le besoin de l’intervention de l’Etat naisse et que celui-ci à son tour puisse satisfaire la demande quitte au juge de déclarer la demande irrecevable pour des motifs de droit.

b) L’irrecevabilité de la demande

La fin de non-recevoir opposée par le juge signifie que les conditions d’une action en justice ne sont pas remplies. De façon sommaire, une action en justice présuppose une plainte déposée par une personne ayant intérêt à agir contre un défendeur, auteur d’une infraction.

Le demandeur est celui qui s’estime lésé dans ses droits. Le préjudice subi peut être le fait de ne pas pouvoir récupérer à temps ou pas du tout les fonds engagés dans la tontine. On peut aussi imaginer les injures et autres outrages, des faits qui malheureusement risquent de faire perdre de vue le caractère tontinier du litige. Seules les atteintes aux finances paraissent donc plus pertinentes. Du point de vue juridique et de la pratique judiciaire, de tels faits sont constitutifs soit de l’abus de confiance, soit de l’escroquerie, ou alors de rétention sans justification de la chose d’autrui en fonction des cas d’espèce. Sur ce point la victime, la personne qui n’a pas pu rentrer dans ses fonds, a donc incontestablement intérêt à agir puisqu’on est en présence des infractions pénales. Cette assertion ne suffit pas pour autant pour évacuer le problème puisqu’il reste à déterminer la personne contre laquelle l’action sera dirigée. Dans la logique processuel, il s’agit du défendeur, personne physique ou morale auteur d’une faute.

A ce niveau commencent des difficultés réelles et sérieuses. Même en face des infractions pénales comme il est mentionné ci-dessus, on est loin du flagrant délit pour espérer la saisine d’office du Ministère public. Ce qui veut dire que la victime doit nécessairement déposer une plainte qui de surcroît risque de ne pas aboutir compte tenu de l’opportunité de poursuites dont dispose le Ministère public. Un principe de droit qui laisse toute latitude au Parquet pour mettre en mouvement l’action publique ou classer l’affaire sans suite.

Ces difficultés s’accroissent davantage en présence d’un simple membre qui refuse de rembourser les sommes reçues que face à membre dirigeant (trésorier ou président) qui représente l’association. L’obstacle est de taille surtout lorsque la tontines n’est pas déclarée, c’est-à-dire dépourvue de personnalité juridique pour retenir la responsabilité des personnes morales. Dans ces conditions, le litige se ramène souvent à un différend entre deux individus sur la base d’un contrat supposant le non-respect d’une obligation. Il en résulte que la justice va interpréter un contrat qui n’existe pas en bonne et due forme entre les parties au procès. Dans la logique de l’association, les liens contractuels n’existent qu’entre les adhérents et la tontine représentée par les dirigeants. L’hypothèse contraire suggèrerait que la tontine sous-tend une foule de contrats individuels implicites entre les différents membres qui la composent.

L’absence de contrat individuel express liant les membres les uns les autres et le manque de personnalité juridique de la tontine sont donc les motifs de rejet de la demande. S’agit-il d’un empêchement diriment à l’appréciation du juge des délits en matière de tontine ? Nous ne le croyons pas. Révèle-t-on d’ailleurs qu’il y a des instances pendantes[56] en justice même si par ailleurs certains tribunaux opposent l’irrecevabilité de la demande pour faute de personnalité juridique de la tontine.[57] Un substitut procureur de la République près le Tribunal correctionnel de Yaoundé rassure que le juge se fonde sur l’article 318 du code pénal qui punit l’abus de confiance, l’escroquerie et le vol. Au juste, le nombre insignifiant de plaintes en justice tient à des raisons autres que juridiques l’efficacité des mécanismes internes de contrôle.

 

La sollicitation timide de l’Etat par les victimes

Le penchant actuel pour la justice étatique ne doit pas étonner. Elle doit s’analyser comme une contre régulation qui viendrait appuyer la régulation interne en phase de dépassement. Cette évolution est le signe d’une société en proie entre la modernité et la tradition sans possibilité d’exercer d’un choix prononcé. Ainsi de l’absence de recours systématique, on assiste à un appel croissant au contrôle étatique. Que peuvent être les motifs de ce mouvement balancier

1/.Les motifs possibles de l’absence de recours systématique en justice

D’entrée de jeu, le système de tontine obéit à la loi du silence. Si bien que les affaires de tontine sont peu connues de l’extérieur. Cette loi traduit, en fait, les habitudes comportementales d’une société et se mue en la loi du milieu. La fonction occultante revêt alors toute sa portée. Au-delà de l’arbitrage interne relativement efficace, cette loi réduit à la passivité et, donc, à la résignation de nombreuses victimes qui espèrent la sanction suprême pour leurs bourreaux.

De manière objective, ce n’est pas encore une société procédurière. De fait, beaucoup d’individus redoutent encore fortement le formalisme des tribunaux d’Etat et à son coût en temps et en argent. Dans ces conditions, il vaut mieux s’acquiescer devant le forfait de son associé de tontine que d’avoir à gravir les marches du palais de justice et à tout dévoiler à un avocat et devant une juridiction. En d’autres termes, la publicité qui entoure le procès et la décision qui en résulte est un facteur de fuite de la justice étatique. Une publicité que beaucoup de personnes appréhendent mal tant sur l’état de leur fortune en particulier que de leur vie privée en général. Encore que l’argument est à tempérer en ce qui concerne la fortune dans un pays où l’imposition sur les signes extérieurs de richesse n’existe pas dans les faits et où l’exhibitionnisme de ses biens matériels est de règle. La règle du silence s’inscrit dans les habitudes d’une société où tous les forfaits sont permis, sauf ''parler à haute voix'' qui s’apparente à un crime de lèse majesté.

Problème structurel, le refus de se pourvoir en justice peut aussi s’analyser comme le manque de confiance aux institutions étatiques confirmant ainsi la thèse de l’Etat comme une institution exogène. Toutes ces considérations confinent à l’inaction des personnes lésées dans les tontines. En dépit de cette vérité, certains auteurs préconisent l’institution d’un ''délit tontinal''.[58] L’édiction d’une infraction spécifique et, par ricochet, d’une législation particulière telle ''une loi-cadre''[59] induit ceci : l’Etat a intérêt que les tontines coexistent avec les établissements de crédit. Or au Cameroun, par exemple, la tendance officielle est la résorption du phénomène comme le témoigne l’institution des coopératives d’épargne mutuelle. Si la réglementation peut donner un cadre juridique au contrôle étatique, son effet risque d’être mince quant à la pratique au stade actuel des mentalités : la loi ne pouvant s’auto-prévaloir en justice. Le raisonnement par analogie suffit pour que le juge se prononce quand il est saisi par plainte d’une victime. De toutes les façons, la prétention de tout sanctionner est une illusion puisqu’il y a toujours des individus rebelles à l’autorité. Excepté que la rébellion fait progresser la normativité qui, au demeurant, risque de rester sans effectivité certaine dans le cas d’espèce.

A notre avis, la législation de la tontine se trouve dans la banque elle-même. Dès que celle-ci facilitera l’accès de tous à l’épargne et au crédit, le recours de la tontine comme prestataire de ces services se réduira de lui-même. Si du reste le sens de l’histoire suit une courbe géométrique ascendante, il est certain qu’avec l’évolution des mentalités, la tontine va se vider de sa substance - l’informalité - peu à peu comme le dénote le recours grandissant aux pouvoirs publics.

 

2/.  Les raisons du recours à l’Etat

Le recours des tontines à la contrainte étatique se concrétise par la déclaration d’existence sous la forme d’association de la loi de 1990 ou la saisine des institutions de répression officielles en cas de litige.

Le premier type est exercé par l’autorité administrative, protecteur de l’ordre public et de bonnes mœurs et le second par l’autorité judiciaire, gardienne de la propriété privée. Le contrôle administratif se limite à la conformité de l’objet de la tontine au droit des associations et débouche sur une alternative : l’octroi ou le refus de l’autorisation. Dans ce domaine si la réponse négative n’intervient pas dans les deux mois, le silence de l’administration vaut décision implicite d’acceptation. Ce qui signifie que peut fonctionner en toute quiétude une tontine dont l’objet ne serait pas conforme à l’éthique associative.

A l’évidence, la déclaration d’existence de la tontine à la Préfecture sous la forme d’association s’avère paradoxale à la logique même de l’informalité. Cette déclaration qui en fait des personnes morales au sens juridique se justifie néanmoins par la nécessité de se constituer une preuve en cas de conflit et une attestation de légalisation pour solliciter les aides extérieures de toute nature. Sur ce dernier point donc, l’action sociale des tontines à objets multiples demande des fonds importants que l’aide extérieure peut compléter utilement. L’octroi de celle-ci est logiquement subordonnée à la capacité juridique des tontines surtout quand elles émanent l’Administration ou des entreprises mécènes. Ce qui oblige beaucoup d’entre elles à s’immatriculer après plusieurs années d’existence. De la sorte leur caractère informel se trouve extirpé par jeu de calcul intéressé pour recevoir des aides ou pour se pourvoir en justice.

Devant les instances judiciaires, cette déclaration n’est pas une condition sine qua none pour ester en justice, mais constitue un élément de preuve appréciable. La saisine de l’autorité judiciaire - la police, la gendarmerie ou le tribunal - est restée ouverte comme il a été souligné plus haut. La recevabilité de la demande montre les limites de l’a-légalité des tontines en particulier et du secteur informel en général. Elle traduit par ailleurs le devoir de protection des intérêts privés par l’Etat en vue de préserver l’ordre public. Dans cette quête du maintien de l’ordre public, la police judiciaire se pose en juge de paix : son objectif étant ''le règlement à l’amiable du litige et le déféré du dossier au Parquet  n’intervient qu’en cas d’échec ou de difficulté sérieuse'', confie un officier de police judiciaire.

Dans l’appel des victimes à la contrainte extérieure, on peut y voir non seulement les limites de l’efficacité des organisations infra étatiques mais encore le signe d’une évolution des mentalités. Objectivement, on en conviendra que toute institution dans un Etat reste sous le contrôle de la Justice. “ La loi d’un milieu ne le soustrait pas à la Loi ”.[60]

Par ailleurs l’autonomie du groupement ne peut être absolue, ni son pouvoir arbitraire ou discrétionnaire. Ainsi se superposent deux systèmes de régulation pour un meilleur fonctionnement d’une institution. Dès lors, peut-on déjà tirer la sonnette d’alarme pour une espèce en voie de disparition ? Il est très tôt pour prendre une position radicale. La réalisation de cette éventualité va prendre du temps, le temps nécessaire à la mutation complète des mentalités.

Au terme de cette étude, on peut dire que le concept de tontine reste largement ouvert à la réflexion, à la méditation, à l’imagination pour un continent à la recherche des outils adaptés à la gestion de ses cités. Serait-on alors convaincu de cette œuvre édifiante et de l’enjeu déterminant qu’elle constitue dans le débat sur le développement de l’Afrique ? A en croire une certaine opinion, “ les structures économiques semi-formelles ou infra informelles préparent les structures économiques formelles et légales ”.[61]

Ce travail n’est qu’un simple regard d’un publiciste sans prétention aucune à une solution juridique à la tontine. Il emboîte juste le pas des études économiques qui ont su donner le ton. Procédant de la démarche de conceptualisation qui sous-entend la vulgarisation, elle a pour ambition d’ouvrir la réflexion au plus grand nombre. De la sorte, on pourrait mieux serrer les faits dans la réflexion théorique. En pratique, la tontine a déjà fait preuve de son autonomie et de sa pérennité en dépit de certaines faiblesses qu’elle peut afficher. Les économistes peuvent donc déjà établir son “cycle de vie ” susceptible de refléter la transformation d’une société d’appui en une véritable institution d’intermédiation financière. Vu ses techniques d’avant-garde, il est impérieux de méditer sur les tontines à un moment où l’on projette d’introduire davantage des bourses de valeur en Afrique ; et de se demander si l’on ne pourrait pas bien scruter ses méthodes pour les adapter à nos futurs marchés financiers, au lieu d’aller chercher des formules clés en main au Palais Brognard, à Wall Street et autres institutions de cet acabit à Londres ou à Hongkong.

 


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[1] Ce texte est une version révisée d’une Communication aux Premières Journées Scientifiques du GEREA/Université de Douala du 5 au 8 mai 1998.

[2] Carbonnier J., Flexible droit, Paris, LGDJ, 1983, p. 37.

[3] Si Jean Carbonnier utilise l’expression juriste dogmatique, Neal MacCornick et Ota Weiberger emploient celle de juriste dogmaticien pour désigner les adeptes du positivisme juridique, Cf. J. Cabonnier, op. cit. p. 20 ; N. MacCornick et O. Weiberger, Pour une théorie institutionnelle du droit, LGDJ, Story Scientia, 1992, p. 2.

[4] Seibel H. D., “ Finance informelle et informelle - Stratégies de développement des systèmes locaux de financement ”, Revue Tier-Monde, t. XXXVII, n° 145, janvier-mars 1996

[5] Duverger M., Institutions politiques et droit constitutionnel - Les grands systèmes politiques, T. 1, Paris, PUF, 1990, p. 25.

[6] Nzemen M., Théorie de la pratique des tontines au Cameroun, Yaoundé, SOPECAM, 1988, p. 130.

[7] Nzemen Moïse, Monnaie, Franc CFA et tontines - La monnaie dans les réalités africaines, op. cit., p. 86.

[8] Mayoukou C., Le système des tontines en Afrique - Un système bancaire informel, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 31.  Toujours dans le sens de dynamique propre, voir aussi, Aryeetey E., “ Activités économiques informelles et informelles ”, in L’Afrique maintenant, Paris Karthala, 1995, p. 205.

[9] En Afrique, la notion de prévision n’est pas encore intégrée dans les moeurs.

[10] Sur la plilosophie des tontines, Cf. Nzemen M., Théorie de la pratique des tontines au Cameroun, op. cit. p. 127.

[11] Nzemen M., Théorie de la pratique des tontines au Cameroun, op. cit. p. 125.

[12] Ségur P. “ Prévoir en politique ”, Annales de l’Université des Sciences sociales de Toulouse, T. XLIV, 1996, p. 155.

[13] Hugon P., “ Incertitude, précarité et financement local : le cas des économies africaines ”, Revue Tier-Monde, t. XXXVII, n° 145, janvier-mars 1996, p. 20.

[14] Mayoukou C., op. cit., p. 56.

[15] Nzemen Moïse, Monnaie, Franc CFA et tontines - La monnaie dans les réalités africaines, op. cit., p. 90.

[16] Pour ouvrir un compte d’épargne au Cameroun, il faut au moins 10 000 F CFA à la Caisse d’Epargne postale et 50 000 dans les Banques commerciales et justifier nécessairement d’une activité salariale. On ne peut passer sous silence des abus. Ainsi les liquidateurs de Crédit agricole du Cameroun demandent aux titulaires des comptes d’épargne de payer 10 000 F CFA pour l’historique de la Banque s’ils veulent être payés parfois pour des sommes modiques de 30 000 F CFA alors qu’ils n’ont jamais changé de carnet.

[17] Ségur P. op. cit., p. 148.

[18] Baumann E., Servet J.-M., “ Proximité et risque financier en Afrique - Expériences sénégalaises ”, in Michel Lelart, AUPELF -UREF, 1997, pp. 215 et s.

[19] Ibidem.

[20] Hugon P., op. cit. p. 20

[21] Le terme infra-formelle reprend la terminologie de Hobbes qui considère tout ce qui n’est pas étatique comme infra-étatique.

[22] Les Bamilékés raillent l’informalité des tontines en ces termes : “ l’argent des tontines sert à construire des châteaux, lesquels impliquent l’achat du ciment et des barres de fer ”. Dans le même sens, on peut aussi évoquer le transfert de fonds de pariculier à particulier d’Europe en Afrique. A l’origine, il s’agissait de déjouer les lenteurs et indélicatesses des institutions financières officielles, mais par la suite l’activité s’est révélée assez lucrative et par conséquent élevée au rang de “ petit métier ”.

[23] Nzemen Moïse, après avoir énuméré les douze motivations qui assurent la stabilité des tontines, conclut à une institution, Monnaie, Franc CFA et tontines - La monnaie dans les réalités africaines, Yaoundé, Mandara, 1997, p. 86.

[24] MacCornick N. Weiberger O., op. cit., p. 29.

[25] Ibid..,  p. 24.

[26] Braud P., Sociologie politique, LGDJ, 1994, p. 537.

[27] Kemegne F.-M. développe cette thèse de la complémentarité, Mutations financières et comportements de détention de la liquidité au Cameroun, Mémoire de DEA en Sciences économiques, S/D° du Pr. Bruno Bekolo Ebe, Université de Yaoundé II, août 1997, p. 88

[28] Ibid., p. 86.

[29] BEaud P., Sociologie politique, LGDJ, 1994, p. 537.

[30] Encyclopedia Universalis, pp. 1218 et s.

[31] Duverger  M., Institutions politiques et droit constitutionnel - Les grands systèmes politiques, t. 1, PUF, 1990, pp. 25.

[32] Selznick P. cité par André Legrand dans “ L’éducation nationale en transition ?, in RFAP, n° 79, juillet-septembre 1996, p. 439.

[33] Hall P. A., Taylor R. C. R., “ Le néo-institutionnalisme ”, RFSP, Vol. 47, n° 3-4, juin-août, 1997, p. 473.

[34] MacCornick N., Weiberger O., Op. cit.,  p. 13.

[35] Ibid.

[36] Mehl L. et Beltrame P., Science et technique fiscales, Paris, PUF, 1984, p. 588.

[37] Lukic R., Théorie de l’Etat et du droit, Dalloz 1974, p. 408.

[38] MacCornick N. Weiberger O., op. cit., 1992, p. 30.

[39] Carbonnier J. Droit civil, T. 1, PUF, 1982, p. 55.

[40] Ibidem.

[41] Gaud M. “ Nouveaux regards sur l’économie informelle ”, Afrique contemporaine, n° 157, janvier-mars 1991, p. 30.

[42] Rouland N., cité par Gaud M., op. cit., pp. 31-32.

[43] A l’observation, on ne peut même pas affirmer qu’il n’y a pas harmonisation des pratiques puisque les mêmes individus appartiennent à plusieurs tontines à la fois et que certains dirigeants occupent les mêmes postes à chaque fois.

[44] Losappio P., Essai sur les difficultés d’application du droit fiscal français : la vraisembleance et l’équité, Paris, LGDJ, 1994, p. 249.

[45] La sanction sociale paraît plus efficace puisqu’une enquête de moralité négative peut interdire l’adhésion à d’autres tontines. 

[46] Il faut comprendre le mot épargne ici au sens financier strict impliquant le dépôt d’une somme d’argent remboursable à terme, le capital augmenté des intérêts. 

[47] Gaud M., op. cit., p. 32.

[48] Lepes J.-L., “ Les informalités tontinières : traditions et innovations ”, in Tontine, M. Lelart, Ed. AUPELF-UREF, Paris, 1990, p. 343.

[49] Fone A. -M., “ Le secteur informel camerounais au regard du droit Commercial ”, in Les annales de l’Université de Tchang, n° 2, 1998, p. 133.

[50] Pour une synthèse sur le contenu des règlements intérieurs, voir Soedjede Douato Adjémida, “ L’épargne et le crédit non structurés au Togo ”, in Tontine, M. Lelart, Ed. AUPELF-UREF, Paris, 1990, pp. 207 et s.

[51] Pour plus de précisions sur les comportements spéculatifs en matière de tontine, voir Bekolo-Ebe B., “ Le système de tontines : liquidité, intermédiation et comportement d’épargne ”, in Revue d’économie politique, 99 (4), juillet-août, 1989, pp. 616-638 ; Soedjede Douato Adjémida, op. cit. pp. 220 et s.

[52] La position de l’auteur se comprend aisément puisqu’elle participe de l’apologie de la tontine, institution qu’il faudrait, selon lui, protéger par des mécanismes juridiques adéquats, Fone A. -M., op. cit., pp. 129 et s.

[53] Liman Tinguiri Kiari, “ Epargne et crédit informels en milieu rural au Niger : l’activité des tontines et des gardes-monnaie villageois ”, in Tontine, M. Lelart, Ed. AUPELF-UREF, Paris, 1990, p. 190.

[54] Pour plus de précisions sur l’évolution des tontines, Cf. Henry A., Tchente G., Tontines et Banques au Cameroun, Paris, Karthala, 1991, pp. 101-108.

[55] Henry A., Tchente G., op. cit., p. 104.

[56] Vu l’état des archives et de la tenue des documents administratifs dans notre pays, il est impossible d’accéder à la jurisprudence en question. Ces affirmations émanent d’un substitut du procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de Yaoundé.   

[57] Henry A., Tchente G., Tontines et Banques au Cameroun, Paris, Karthala, 1991, p. 107.

[58] Nzemen M., Tontines et développement ou le défi financier de l’Afrique, Yaoundé, SOPECAM, 1993

[59] Liman Tinguiri Kiari, op. cit. p. 194.

[60]  Actes du 92e Congrès des notaires de France, “ Le monde associatif ”, Deauville 12/15 mai 1996.

[61] Pony L., “ Economie en transition - Analyse systémique du Tiers-secteurs d’appui au développement. Le cas des ONG, des associations, des clubs et des mutuelles de développement ”, CEDRES, février-mars, 1997.