INTRODUCTION GENERALE

ORDRE ET DESORDRE EN AFRIQUE

Daniel BACH (CEAN-IEP Bordeaux) et Luc SINDJOUN (GRAPS - Université de Yaoundé II)*

 

 

SOMMAIRE :

LA DYNAMIQUE DES CONFLITS

QUELLE TYPOLOGIE DES CONFLITS?

RETABLIR L’ORDRE : RESOLUTION DES CONFLITS

VERS LE TRIOMPHE DE LA RESOLUTION HOBBESIENNE DES CONFLITS EN AFRIQUE

LA QUETE DE CONSECRATION DES POLES DE PUISSANCE

 

En août 1995, à Ibadan au Nigéria, le thème du congrès biennal de l'Association Africaine de Science Politique portait sur " L'Etat et la démocratie en Afrique "; deux ans plus tard, en juin 1997, à Durban en Afrique du Sud, l'ordre du jour du débat des politistes africains s'articulait autour des thématiques de " La paix et la sécurité en Afrique". Cette évolution des thématiques n'est pas due à un effet de mode qui serait dépourvu de toute consistance concrète; elle traduit dans une large mesure la prégnance des dynamiques socio-politiques à l'oeuvre sur le continent. L’actualité elle-même tend à confirmer de manière spectaculaire qu’au processus de démocratisation de la fin des années 1980 et du début des années 19901 succède une dynamique de conflictualisation2 . Le cas du Congo Brazzaville constitue à cet égard une pièce à conviction: naguère présenté comme un modèle de transition démocratique du fait d’une conférence Nationale souveraine, suivie d’élections et d’une alternance à la tête de l'Etat, il est devenu en l'espace de quelques années, le théâtre d'un conflit armé entre diverses milices se réclamant des acteurs politiques de premier plan, en quête du pouvoir (Sassou Nguesso) ou de stabilité (le président élu Pascal Lissouba et ses alliés dont Kolelas), avec pour conséquence la mobilisation de ressources aussi bien locales que régionales voire internationales.

L'émotion et l'indignation suscitées par les images ou les nouvelles en provenance des "tristes tropiques", pour légitimes qu'elles soient, ne sauraient constituer des catégories d'analyse. A cet égard, la dichotomie démocratisation/ conflictualisation est d'une opérationnalité discutable. En premier lieu, démocratisation et conflictualisation peuvent être reliées en ce sens que celle-là peut entraîner celle-ci, comme l'illustrent des pays tels que le Burundi et le Congo; en outre, l'une n'exclut pas l'autre. Ces dynamiques socio-politiques traduisent la complexité de réalités politiques difficilement réductibles à une formule si impressionnante soit-elle4. Par conséquent notre propos n'a pas la prétention de rendre compte à travers les formules de " conflits ", de " crises " de la situation historique présente de l'Afrique. La conflictualité est plutôt conçue ici comme une des dimensions constitutives de la dynamique sociale, un élément de " conjoncture critique " caractérisé par l'échange de coups symboliques et physiques entre protagonistes, par un relâchement, voire la dissolution, des normes et pratiques fondatrices de la cohésion ou du maintien du statu quo, enfin et surtout par une des-institutionnalisation relative ou totale de l'ordre politique5. Il s'agit d'un rapport social d'hostilité entre diverses parties au sens de Simmel6. Dans cette perspective, les notions de " conflit " et de " crise " sont synonymiques7.

Le processus de conflictualisation à l'oeuvre dans certains Etats Africains peut être abordé à partir de regards croisés sur leur expression et leur résolution. Le registre de leur mode d'expression permettra d'accéder dans un premier temps, à l’analyse des causes, des enjeux, des acteurs et de leurs comportements. On traitera ensuite des questions liées à la résolution des conflits, c’est à dire aux trajectoires de sortie de crise.

LA DYNAMIQUE DES CONFLITS

 

La logique de la compréhension et de l'analyse des conflits récents qui travaillent le champ socio-politique en Afrique interpelle les modèles d'analyse, mais aussi la capacité d’observation des situations.

L’IMPERATIF D’UN REMODELAGE DES CADRES D’ANALYSE

 

Il ne s'agit pas de procéder ici à une provincialisation épistémologique des relations internationales africaines en faisant ressortir les difficultés d'élaboration d'un discours scientifique sur les conflits en Afrique; notre propos vise tout simplement à démontrer l'insécurité épistémique de certains cadres d'analyses et à démonter les illusions qui obérent la perception de la réalité.

Une première illusion face aux " nouveaux conflits " en Afrique est celle qui consiste à ériger la fin de la guerre froide en ligne de démarcation radicale8. Nul ne songe à nier que le monde de l’après guerre froide est un contexte international nouveau pour l'Afrique9 et la théorie des relations internationales, libérée notamment du carcan des routines de lecture des dynamiques sociales à partir de la bipolarité Est-Ouest. Toutefois, on ne saurait oublier que la plupart des conflits qui ont émaillé l'actualité récente ont parfois une histoire qui remonte bien au-delà de l'année 1989 – ainsi en est-il du Rwanda et du Burundi par exemple. D’un point de vue analytique, la fin de bipolarité Est-Ouest a accéléré le déclin, certes déjà engagé10 de l'analyse "dépendantiste" des conflits africains, avec pour corollaire une redécouverte de leur historicité. C’est cette redécouverte qui est célébrée sous le vocable de " nouveaux conflits ", une expression qui constitue, dans une certaine mesure, une facilité de langage. Dans l'Afrique noire postcoloniale, les conflits ont toujours eu une dimension locale ou autonome minorisée par l'accent mis sur la pénétration politique, et idéologico-militaire des Etats-Unis et de l'ex U.R.S.S. L'intelligence pratique des acteurs africains, leur aptitude à jouer avec le système international ont trop rarement été soulignées11. A cet égard, la bipolarité du monde fut une ressource importante pour Jonas Savimbi, le leader de L’UNITA dans le cadre du conflit angolais; la restructuration du monde a constitué pour lui une mauvaise affaire et une bonne affaire pour Laurent Désiré Kabila dans la République populaire du Congo (RPC), l’ex-Zaïre, dès lors que le soutien des Etats-Unis au régime de Mobutu n'avait plus de légitimité stratégique. On peut, en ce sens, considérer qu’il y a une une autonomisation des conflits en Afrique comme le fait la littérature sur les "nouveaux conflits". Néanmoins, il convient, là encore, de relativiser le propos. Les dynamiques de l'interdépendance, entre Etats africains, mais aussi entre Etats africains et acteurs étatiques ou transnationaux du système international, sont à l'oeuvre dans la plupart des conflits : les soldats Ougandais, Tanzaniens et Rwandais impliqués dans le conflit de l'ex Zaïre, les soldats Angolais envoyés au Congo Brazzaville pour combattre aux côtés de SASSOU NGUESSO, les mercenaires Serbes et Ukrainiens présents dans l'ex Zaïre et au Congo, etc. constituent autant d’illustrations de relativité de l'autonomie des conflits en Afrique.

La dynamique de mondialisation des relations internationales complexifie toutes les situations; y compris lorsque sont adoptées des sanctions visant à isoler un Etat comme le Nigéria : le système international et transnational offre alors des opportunités de rattrapage que souligne la contribution de Richard Sklar. En outre, il faut éviter en parlant d'autonomisation de faire le lit du discours de la marginalisation de l'Afrique. L'Afrique n'est pas laissée à elle-même; loin d’être " hors jeu "12 elle demeure un champ de confrontation entre les puissances occidentales, notamment la France et les Etats-Unis (contribution de Maria Pulido Escandell), mais aussi entre puissances occidentales et la puissance à vocation continentale que constitue désormais l'Afrique du Sud (contribution de Chris Landsberg et Francis Kornegay). De fait, les conflits récents dans la région des grands lacs ont engendré une redéfinition des politiques africaines de la France et des Etats-Unis (contribution de André Guichaoua), ainsi qu’une série de réflexions nouvelles sur le maintien de la paix, dans les capitales occidentales (contribution de Catherine Atlan et Jérôme Lauseig).

Un second aspect de l'illusion d’une spécificité africaine des conflits repose sur le constat objectif de leur permanence, sur l'indignation suscitée par le spectacle indécent des "terreurs africaines". Selon le discours consacré, l’Afrique est "la région du monde la plus affectée par les luttes armées ou les crises politiques porteuses des germes de guerre "13. Ce thème de l'Afrique, continent des conflits est suffisamment ancré pour qu’il soit devenu une constante des discours des institutions onusiennes et africaines. Au delà de ce constat qui peut inciter à la description et à l'énumération exhaustive, il importe pour le théoricien des relations internationales de comprendre ce qui se joue dans les conflits en Afrique. Cette option conduit, en premier lieu, à considérer que les conflits en Afrique relèvent de l'activité politique sous d'autres formes. Il s'agit en conséquence de rendre compte de conflits politiques ou des conflits de pouvoir entretenus par des acteurs ou des entreprises utilisant notamment les identités "Tutsi" ou "Hutu", etc.14. D'ou l'importance du recours à la sociologie politique pour expliquer la mobilisation des groupes en conflits, les stratégies des acteurs, les règles pragmatiques, etc.

Outre cela, l’adoption d’une approche globalisante des conflits, incite à renouer avec des analyses plus sociologiques et moins spectaculaires en évitant les discours en termes de "pathologie". On peut dire ici, que la permanence des conflits en fait des phénomènes normaux. La normalité conflictuelle devient l’objet de l’analyse : le conflit est appréhendé comme manière de faire la politique, comme manière de gérer l’économie de rente, comme mode de socialisation, etc. Considérer les conflits à travers leur banalité et leur universalité politique permet de se situer dans une perspective plus ouverte qui permet à l’analyse d’échapper au piège du ghetto15.

Le troisième et dernier aspect de l’illusion d’une spécificité africaine des conflits tient à la rupture entre entre dynamiquesdu dedans et du dehors qui fut l’un des postulats fondateurs de l'analyse réaliste, et partant de la constitution des relations internationales comme discipline scientifique. La contestation de la dichotomie entre les registres interne (l’Etat) et externe (l'inter-Etatique) désormais véhiculée, pour l’analyse des relations internationales par le courants transnationalistes et postmoderne16, tend à être banalisée par les africanistes17. Les conflits du Rwanda, du Burundi de l'ex Zaïre, etc. n’ont cessé de leur donner raison. En effet, en adoptant une perspective postmoderne, Richard Ashley considère que: le partage binaire interne-externe repose sur un "double mouvement" qui, d’une part, assimile la communauté politique à l'interne en dissimulant les conflits, et, d’autre part, admet la violence entre différents Etats du fait de l'absence de communauté politique. De même, la dichotomie "souveraineté/anarchie" permet d’idéaliser la paix dans l'ordre interne et de systématiser les phénomènes de violence à l'extérieur18.

De fait, les conflits du Rwanda, du Burundi ou du Congo sapent les fondements des dichotomies interne/externe, souveraineté/anarchie en ce sens qu'ils traduisent d'abord la violence dans l'ordre interne, dans l’espace de souveraineté censé être un havre de paix (voir Catherine Atlan et Jérôme Lauseig ; André Guichaoua). Ce sont des conflits qui suivant la perspective africaniste des relations internationales ont profondément ébranlé la coupure artificielle entre le dedans et le dehors parce qu'ils transgressaient les frontières19 et ont entraîné soit l'élargissement du cercle des belligérants (renversement du régime de Mobutu), du théâtre des opérations (transfert du conflit Rwandais vers le Kivu, dans l'ex Zaïre, à partir de 1993 ) ; ou encore l'élaboration de politiques de régulation. De ce fait, l’évolution spécifique des conflits dans la Corne de l'Afrique et dans la région des Grands Lacs incite à envisager l'hypothèse d'un régionalisme conflictuel de nature trans-frontalière ou trans-étatique. Il n’a jamais été très réalise de prétendre " séparer en pensée les problèmes internes des Etats et les problèmes de relations entre Etats", affirmait N.Elias il y a quelques années20. La multiplicité des noeuds d'interdépendance et de contagion des conflits en Afrique ne fait que mieux le rappeler.

Les carences du paradigme réaliste face aux conflits récemment observés en Afrique tiennent également à la nature de l'ordre politique qui s’y exprime. Le paradigme réaliste, en ce qui concerne l'analyse des conflits, privilégie l'Etat21. A ce titre, il ne manque pas de pertinence à propos des conflits inter-étatiques à l’instar de celui qui oppose le Cameroun et le Nigéria depuis 1993-1994. On n’abordera pas ici les problèmes que pose la caractérisation de l'Etat en Afrique. Une littérature de qualité22 existe sur le sujet. On se limitera donc à deux séries d’observations sur "l'Etat Africain" en situation de conflit.

Les conflits du Congo, du Libéria et du Rwanda sont là pour illustrer la perte du monopole étatique de la contrainte armée. Dans tous les cas cités ce sont des groupes privés qui ont mis en déroute les armées "nationales". Certes, des transactions clandestines ou ouvertes entre bandes privées et Etats voisins n’ont pas été sans importance dans des domaines aussi divers que la fourniture d’armement, d’aide financière, de soutiens diplomatiques ou militaires. Toutefois, la montée en puissance des bandes privées contre l'Etat sur son territoire est une donnée récurrente des relations internationales africaines actuelles. La privatisation de l'usage de la force armée peut également s'accompagner, sur un autre registre, de l'exploitation ou du contrôle de l'exploitation des ressources minières comme on le constate avec Jonas Savimbi en Angola. Tout aussi frappant est l’exemple de Laurent Désiré Kabila qui, avant la conquête du pouvoir dans l'ensemble du territoire, profitait du contrôle qu’il exercait sur la région orientale pour signer des contrats avec les compagnies minières.

L'absence d’allégeance universelle à l'Etat, se traduit par une consolidation des particularismes et des clivages et ethniques ou religieux notamment au Burundi, au Rwanda, au Soudan, etc., ce qui contribue non seulement à relativiser l'homogénéité du territoire mais aussi à miner la légitimité sociale de l'ordre politique. Avant leur renversement, les régimes de Mobutu et de Lissouba, ne contrôlaient plus l’ensemble du territoire de leurs pays respectifs.

De manière générale, les conflits révèlent des Etats fragiles23 voir, selon l'expression forte de Zartman, des "Etats en faillite"24. Sans pour autant opter pour une démarche relativiste figeant parfois les cultures extra-occidentales25, on voit comment "la représentation instituée de l'Etat" par le paradigme réaliste devient un obstacle à l'analyse parce que le terme "Etat" peut recouvrir des phénomènes qui lui sont étrangers dans une certaine mesure. Dès lors, il convient de rompre avec l'Etat comme évidence du discours des réalistes pour poser la question de sa réalité fonctionnelle à travers l'expérience des conflits26. Parce que les conflits évoqués témoignent du degré de consistance de l'ordre politique, ils incitent l'analyste à une désétatisation relative de l'ordre interne afin de prendre en compte des acteurs sub-étatiques. Ce travail préalable de remodelage des cadres d’analyse est essentiel pour la compréhension des conflits en Afrique.

QUELLE TYPOLOGIE DES CONFLITS?

 

En Afrique, la polarisation variable des conflits en cours semble rebelle à toute simplification : l’enchevêtrement des origines ou des " causes " des conflits n’a d’égal que leur déploiement sur une multiplicité de registres souvent concomittants.

Un conflit peut être interne notamment parce que ses enjeux (conquête du pouvoir d’Etat et autres contrôle des ressources minières, distribution des honneurs et des prébendes) sont liés à un Etat et que les protagonistes légitimes sont ceux qui ont la nationalité du pays concerné. Tel était le le cas du conflit du Congo Brazzaville (Mai-Octobre 1997) jusqu’à ce qu’il n’acquiert une dimension régionale du fait de l’envoi de quelques militaires de la RPC à Brazaville (suite aux dégats causés à Kinshassa par les tirs d’obus en provenance du Congo), de l’intervention angolaise aux côtés de Sassou Nguesso ou encore de l’acheminement à ce dernier d’armements ayant transité par les facilités aéroportuaires mises à sa disposition par le Gabon.

Le conflit de l’Est du Zaïre était originellement interne au pays en ce sens qu’il portait sur la reconnaissance des droits de citoyenneté des " Banya Rwanda " (Hutu, Tutsi, Twa) en général et des " Banyamulengé " (Tutsi) en particulier, sur fond de tension entre ces " allogènes " et les " autochtones ". A cette question de la nationalité s’est greffée celle des réfugiés Rwandais, essentiellement Hutu, après la guerre du Rwanda de 1994. A partir de ce moment là se sont conjuguées les revendications de la nationalité zaïroise par les " Banyamulengé ", la réorganisation politique de certains réfugiés Hutu (à l’Est du Zaïre) instrumentalise l’opération " Turquoise " et la protection humanitaire internationale, ainsi que le désir sécuritaire du nouveau régime rwandais (qui s’estimait menacé par l’établissement des camps de réfugiés à sa frontière) et la décomposition du régime de Mobutu27. D’où la fécondité de la notion de " continuum conflictuel "28.

Les conflits de l’ex-Zaïre oriental, du Congo ou du Libéria et autres résultent dans une large mesure de "bricolages tactiques" des acteurs; ils se situent au carrefour de diverses rationalités et projets qui relativisent leur cohérence. Si l’on fait appel aux grilles d’analyses de la théorie réaliste des relations internationales, on constate des situations de définition extensive de l’intérêt national par le biais de l’intervention. Si l’Angola intervient au Congo pour soutenir Sassou Nguesso contre le président Lissouba, c’est en partie parce que ce dernier soutenait des mouvements angolais rebelles tels que l’UNITA et le FLEC (Front de Libération de l’Enclave de Cabinda). En intervenant, il s’agit, certes, de soutenir un allié congolais mais aussi de résoudre un problème interne à l’Angola; celui du contrôle du territoire par le pouvoir central. De même, Sassou Nguesso, en bénéficiant du soutien de l’Angola pour renverser le régime de Lissouba se trouve t-il impliqué dans le conflit angolais dont certains protagonistes étaient proches du président Lissouba et pouvaient utiliser le territoire congolais comme base de repli ou d’attaque. Dans le cas de l’ex-Zaïre, le soutien apporté par l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et l’Angola à l’AFDL de Laurent Désiré Kabila était également façonné par des rationalités multiples. La victoire de la rébellion assumée par Kabila a permis au Rwanda et au Burundi de stabiliser l’Est du Zaïre qui était le principal pôle de concentration de leurs adversaires politico-militaires Hutu; il en a été de même pour l’Ouganda, en quête de " pacification " des maquis du Nord-Ouest dont les acteurs bénéficiaient d’un accès au Zaïre. Quant à l’Angola, le soutien à Kabila a privé son adversaire, l’UNITA d’un allié important qui lui permettait en partie de survivre à l’épuisement de la rente de la bipolarité Est-Ouest et à son lâchage par les Etats-Unis. Laurent Désiré Kabila, dont la création du mouvement rebelle AFDL était liée à l’insurrection des Banyamulengé soutenus par le régime Rwandais, avait aussi des intérêts qui lui étaient propres à défendre. Opposant de longue date au régime de Mobutu, il a su conférer une dimension interne au conflit de l’ex-Zaïre; et conquérir le pouvoir grâce à ses alliés régionaux.

Les exemples congolais et zaïrois illustrent bien un enchevêtrement d’intérêts qui permet à chaque partie de trouver son compte tout en servant les intérêts de l’autre. C’est cette interaction d’intérêts égoïstes ou cette politique du donnant-donnant29 qui est dissimulée lorsqu’on recourt à la charge symbolique du panafricanisme pour qualifier la coalition anti-mobutu30.

Les conflits tiennent à la fois à la personnalité des dirigeants, au régime politique et au système régional dans lequel ils s’insèrent. Il est difficile de rendre compte du conflit libérien sans mentionner la médiocrité de l’équation personnelle de Samuel Doe, de ses rapports étroits avec le chef de l’Etat nigérian Ibrahim Babangida, de l’illégitimité de son régime politique et les transactions diverses entre des belligérants tels que Charles Taylor et les Etats de la sous-région, notamment le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire.

Les conflits se déclinent également sur divers registres : ethno-culturels (le problème de l’identité des sudistes au Soudan, des Tutsi au Rwanda, etc.), politiques (la remise en cause de la légitimité du régime notamment au Soudan, au Rwanda, au Libéria, etc.), militaires (rapports entre violence publique et violence privée), ou encore économiques (contrôle de la rente pétrolière au Congo). De ce fait, les conflits africains peuvent exprimer dans une certaine mesure le succès de la diffusion de cultures de la criminalisation du politique31. D’un contexte marqué par une pénétration criminelle ou mafieuse de l’Etat, l’affirmation relative des dimensions d’"Etat Kleptocrate " ou d’Etat malfaiteur ", découle un brouillage des normes particulièrement fort quand le conflit confert une légitimité charismatique aux vainqueurs (cf Kagame au Rwanda, Museveni en Ouganda, etc.) et permet à ses acteurs de contrôler diverses rentes dans les localités dominées (cf Savimbi et les mines de diamant en Angola, les seigneurs de guerre somalien et le trafic de la drogue, etc.).

 

RETABLIR L’ORDRE : RESOLUTION DES CONFLITS

 

L’ordre semble demeurer un paradigme important des relations internationales africaines. Il s’agit ici de l’ordre qui résulte de la gestion et de la prévention des conflits en Afrique32. La figure " Afrique l’ordre " renvoie à l’Afrique de situations normalisées33.

En dépit de la conflictualisation rampante et ouverte de l’Afrique, la paix demeure la norme. C’est une norme dont la concrétisation est au coeur de diverses interactions constitutives d’un champ d’action et révélatrices d’une tendance lourde.

LE CHAMP DE LA RESOLUTION DES CONFLITS

 

La violence symbolique de l’idéologie philanthropique qui légitime la résolution des conflits est si forte qu’elle délégitime en partie toute lecture sociologique de ce qui se joue dans le maintien de la paix ou la prévention des conflits34. Il en résulte un discours objectiviste qui prend pour argent comptant les prétentions affichées par les acteurs, apprécie les politique de résolution de paix en termes de réussite et de défaillances35 ou encore encourage la promotion de la paix36.

Le champ de la résolution des conflits renvoie à un espace social constitué par les relations de concurrence ou de complémentarité entre des acteurs en quête de définition de l’ordre dans une situation conflictuelle. Les enjeux sont pour partie symboliques en ce sens qu’ils concernent le crédit ou le discrédit des acteurs de la paix. D’où la recherche du prestige ou de l’honneur par les Etats occidentaux à travers leur implication dans la résolution des conflits africains. L’institution qu’est devenue le " prix nobel de la paix " est un indicateur de la valeur de l’enjeu de la résolution des conflits dans les relations internationales.; le discrédit est aussi possible ainsi, dans le cas des Nations-Unies, lorsque leur impuissance s’est manifestée au début du génocide rwandais en 1994 du fait de son impuissance. Les enjeux peuvent aussi être d’ordre matériel, telle la stabilisation d’une région au regard d’intérêts d’ordre géostratégiques (exemples de la médiation de l’Afrique du Sud dans le conflit de la région des Grands Lacs, du président gabonais dans le conflit congolais).

La résolution des conflits en Afrique doit également sa complexité à la multiplicité des acteurs , qu’il s’agisse de l’ONU (Organisation des Nations unies), de l’OUA (Organisation de l’Unité africaine) ou encore des organisations régionales africaines, ou encore d’acteurs étatiques africains ou occidentaux.

L’ONU peut intervenir en envoyant des opérations de maintien de la paix (ONUSOM en Somalie, ONUMOZ au Mozambique, UNAVEM en Angola, MINUAR au Rwanda, etc.), mais aussi par la désignation d’un envoyé spécial représentant le Secrétaire Général de l’ONU (M. Sahnoun, envoyé spécial au Zaïre et au Congo), ou encore par le vote d’une résolution appelant au cessez-le-feu et à la négociation (mode d’action de l’ONU dans le conflit frontalier entre le Cameroun et le Nigéria en 1996).

Pour sa part, l’OUA agit à travers l’action médiatrice de son Secrétaire général et dans le cadre du mécanisme de prévention et de gestion des conflits mis en place en 1993. Parmi les organisations régionales africaines, la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique Occidentale) a contribué, par l’entremise de l’ECOMOG (Ecowas Cease-fire Monitoring Group), au rétablissement de la paix au Liberia en assurant la médiation, la coercition et la protection des élections de Juillet 1997.

Les médiations fondées sur des acteurs capables de mobiliser des ressources étatiques sont particulièrement fréquentes : on se contentera d’évoquer ici les exemples de Omar Bongo dans le conflit congolais, ou de Gnassigbe Eyadema dans le conflit frontalier entre le Cameroun et le Nigéria. A ces médiations s’en ajoutent d’autres, fondées sur l’autorité de personnalités civiles respectées, tel Amani Toumani Touré, ancien président malien, appelé à intervenir dans le conflit Touareg au Niger et lors de la mutinerie d’une partie de l’armée en Centrafrique, ou encore Julius Nyerere, ex-président de la Tanzanie, sollicité dans le conflit burundais.

Sont également présents les Etats occidentaux qui, tels la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne participent à l’élaboration de politiques de maintien de la paix (Atlan et Lauseig), tandis que l’Union Européenne a désigné un envoyé spécial dans la région des Grands Lacs.

Cette multiplicité d’acteurs a pour conséquence des relations de coopération et de concurrence qui influent très directement sur le contenu et les modalité d’exécution des politiques de résolution des conflits.

La coopération entre organisations internationales notamment l’ONU et l’OUA a été mise en oeuvre au Congo à travers la désignation commune d’une envoyé spécial représentant les Secrétaires Généraux des deux organisations. Au Libéria, une coordination des activités de l’ECOMOG et de la MONUL (Mission d’observateurs des Nations Unies au Libéria), a concrétisé la coopération entre la CEDEAO et l’ONU. La coopération entre organisations internationales africaines et Etats occidentaux transparaît également dans le financement du mécanisme de l’OUA pour la prévention et la gestion des conflits par des Etats tels que les USA ou la Belgique.

La coopération entre Etats se traduit par la concertation notamment en ce qui concerne le projet de force interafricaine de maintien de la paix entre la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis. La création récente d’un forum de consultation France-Afrique du Sud relève du même ordre de préocupations. La résolution de la crise centrafricaine née de la mutinerie d’une partie de l’armée a été l’occasion d’une coopération entre la France et des Etats africains tels que le Gabon, le Tchad, le Sénégal et le Congo. Après avoir été lancée et initialement financée par la France en janvier 1997, la MISAB (Mission Interafricaine de Surveillance des Accords de Bangui), bénéficie du soutien du Conseil de Sécurité de l’ONU depuis l’adoption de la résolution du 6 Septembre 1997.

La coopération entre Etats et médiateurs est constante. Les médiateurs sont tantôt sollicités, tantôt acceptés par les Etats. Ainsi en a t-il été pour les interventions de Amani Toumani Touré au Niger et en Centrafrique, ou pour le rôle joué par Omar Bongo dans le conflit congolais. Dans le cas du Burundi, le médiateur Julius Nyerere était soutenu par l’OUA.

On ne saurait toutefois s’y tromper, le champ de la résolution des conflits en Afrique est également un lieu de concurrence entre acteurs. De fait, la médiation37 peut s’analyser comme un espace de compétition entre acteurs en quête du statut de tierce partie et des bénéfices symboliques qui en découlent. A titre d’exemple, le conflit congolais a suscité deux offres de médiation concurrentes: l’une plus ancienne et devenue réalité, celle du président gabonais Omar Bongo; l’autre tardive et restée au stade de l’énonciation, proposée par le président Kabila de la RPC.

Les initiatives de maintien de la paix, à l’instar de toute politique publique, sont mise en œuvre de manière concurrentielle: concurrence entre des projets qui traduisent des lectures différentes de la situation, en fonction de l’expérience de chaque Etat et de ses intérêts: - cf l’opposition entre la France et les Etats-Unis à propos du projet d’intervention au Kivu au Zaïre en Novembre-Décembre 1996, ou encore les divergences entre la France et les Etats Unis à propos de l’opération " Turquoise " lors de la crise rwandaise.) , concurrence entre les priorités définies; concurrence entre les moyens d’intervention (force multinationale ou envoyé spécial, mission d’observation,…), et bien sûr concurrence entre les acteurs eux-mêmes (cf contribution de Landsberg et Kornegay).

De fait, les relations de concurrence s’avèrent d’autant plus intenses que la résolution des conflits est porteuse d’enjeux de domination. La résolution des conflits marque, d’une certaine façon, le leadership des acteurs de l’ordre sur les belligérants. Dans un contexte social international structuré par la paix comme modèle de conduite collective, l’implication d’un acteur dans la résolution des conflits lui confère un avantage symbolique ou un bénéfice de " gardien des normes " de l’ethique des relations internationales. Face aux parties belligérantes, le médiateur se trouve ainsi placé dans une posture qui les transcende (cf. les exemples de Bongo vis-à-vis de Lissouba et de Sassou Nguesso, de Mandela vis-à-vis de Mobutu et de Kabila lors de la crise zaïroise, de Toumani Touré en Centrafrique). C’est là une conséquence, mais aussi peut être une source de la médiation. A cet égard on peut considérer que les opérations de maintien de la paix des Nations-Unies participent de l’affirmation de l’hégémonie symbolique de l’organisation. Celle-ci est renforcée par le passage du maintien de la paix à l’imposition de la paix, observée dans le cadre du conflit somalien à travers l’autorisation onusienne du recours à la force contre les belligérants. Il a été de même en ce qui concerne l’ingérence de la CEDEAO au Libéria.

La résolution des conflits devient ainsi révélatrice des positions de force dans des situations concrètes. La crise zaïroise, au moment des négociations entre les parties au conflit, a eu pour effet d’afficher la montée en puissance de l’Afrique du Sud et des Etats-Unis, dans un contexte de redéfinition de l’influence de la France (cf les contributions de Landsberg et Kornegay, de Pulido Escandel, de André Guichaoua). La régulation des conflits apparaît donc comme relevant d’un champ complexe38 déterminé par les politiques de puissance dans une certaine mesure.

VERS LE TRIOMPHE DE LA RESOLUTION HOBBESIENNE DES CONFLITS EN AFRIQUE

 

L’ordre en cours dans la plupart de pays africains ayant abrité des conflits est dans une large mesure " un ordre réaliste " plus précisément " un ordre de la puissance "39. D’où l’expression " résolution hobbesienne " des conflits qui vise à traduire l’importance des rapports de force dans les relations internationales africaines: importance camouflée par les mythes de la palabre africaine et du discours diplomatique sur la fraternité. Dans la réalité, la " kalachnikov " semble plus présente que le baobab, ou l’arbre à palabre.

La résolution des conflits peut être considérée comme une politique publique en ce sens qu’elle marque la prise en charge par le système international (universel ou régional), par des acteurs étatiques des désajustements par rapport à la paix considérée comme norme de vie publique internationale. Sa mise en oeuvre récente semble l’affirmer comme un lieu privilégié d’expression de politiques de puissance sur le plan interne et régional.

LA SOLUTION MILITAIRE DES CONFLITS EN AFRIQUE

 

Sur le plan interne, la résolution hobbésienne des conflits renvoie à la victoire d’une des parties au conflit, si l’on considère comme Simmel, que " la façon la plus simple et la plus radicale de passer de la guerre à la paix c’est la victoire "40. C’est dans ce cadre que l’on peut légitimement envisager le lien direct entre la fin du conflit rwandais et la victoire militaire du FPR (Front Patriotique Rwandais) ; entre la fin du conflit érythréen et la défaite militaire du régime de Mariam Mengistu face à l’alliance du FPLE (Front Populaire de Libération de l’Erythrée) et du FDRPE (Front Démocratique Révolutionnaire du Peuple Erythréen) ; entre la fin du conflit congolais et la victoire des milices de Sassou Nguesso soutenues par les troupes angolaises ; entre la fin du conflit zaïrois et victoire des troupes transnationales de l’AFDL, etc.

Le poids du modèle hobbesien de résolution des conflits est d’autant plus flagrant que, dans nombre de cas (récemment au Congo et dans l’ex-Zaïre), les efforts de résolution pacifique par la médiation, de désarmement des milices, de cessez-le-feu, etc. s’étaient avérés vains. Dans le cas du Congo, l’éclatement du conflit armé dans la période pré-électorale avait révélé, dans une certaine mesure, une préférence pour les armes aux dépens des urnes…

Dans l’ex-Zaïre, l’option armée de résolution du conflit a engendré un coût humain élevé. Au Rwanda, il en a découlé le génocide des Tutsi. De manière générale, l’usage de la violence armée traduit l’existence et parfois le succès des chefs de guerre africains tels que Paul Kagame (Rwanda), Museveni (Ouganda), Charles Taylor (Libéria), Zenawi (Ethiopie), Issayas Afeworki (Erythrée), etc.41.

La solution militaire des conflits en Afrique n’est pas cependant pas exclusive. Il arrive qu’elle cohabite avec l’établissement de la paix sous les auspices d’une organisation internationale. C’est le cas du Libéria ou l’action de la CEDEAO a été importante au point de permettre la tenue des élections générales le 19 Janvier 1997 (élections remportées par le seigneur de la guerre Charles Taylor). D’autres voies de résolution des conflits sont aussi utilisées42, notamment l’établissement d’un compromis comme en Centrafrique ou au Niger. Néanmoins, il demeure que la politique de puissance constitue le fait marquant des processus de sortie de conflits dans les 1990 en Afrique. De cette politique de puissance, les belligérants n’ont toutefois pas le monopole.

LA QUETE DE CONSECRATION DES POLES DE PUISSANCE

 

La construction d’une Afrique de l’ordre est dans une large mesure en phase avec le paradigme réaliste de la puissance43. En effet, la résolution des conflits est le théâtre d’affirmation des pôles régionaux de puissance en Afrique. C’est cette politique de régulation qu’Ali Mazrui a pu considérer comme relevant de " l’auto-colonisation ", d’une " colonisation interafricaine " baptisée " pax africana "44. Le processus renvoie à la prise en charge des Etats " faibles " ou " défaillants " par des Etats puissants au premier rang desquels figurent le Nigeria et l’Afrique du Sud.

Le conflit libérien a fourni au Nigeria l’occasion de s’affirmer comme puissance régionale à travers une implication hégémonique au sein de l’ECOMOG. La prépondérance du Nigéria dans cet organe responsable du maintien concret de la paix, s’est traduite par une contribution déterminante tant en hommes qu’en matériel45. C’est dans cette optique de politique de puissance qu’il convient d’interpréter la volonté du gouvernement militaire et putschiste du général Abacha de réinstaller en Sierra Leone le régime de Tejan Kabbah, démocratiquement élu mais renversé par un coup d’Etat. C’est également cette position hégémonique du Nigéria, entretenue par des ressources diplomatique et économique (enjeux pétroliers et gaziers) non négligeables qui a permis au régime militaire du général Abacha de se jouer de sanctions diverses du Commonwealth, de l’Union Européenne et des Etats Unis (cf contribution de Richard Sklar).

L’affirmation de l’Afrique du Sud comme puissance régionale apparaît, elle aussi, partiellement liée à son implication active dans la résolution des conflits du continent. En Afrique Australe, leur mode de traitement est parfois évocateur d’une conception impériale. Ainsi, au Lesotho à la suite de la déposition du gouvernement et de la suspension de la constitution par le roi Letsie III, l’Afrique du Sud, par le biais de la SADC (Southern Africa Development Community) confortée par une mobilisation des troupes sud-africaines le long de la frontière avec le Lesotho, est parvenue à rétablir le statu quo ante46. Cette option était d’autant plus envisageable que le Lesotho est une enclave au cœur de l’Afrique du Sud qui a toujours procédé à la définition extensive de sa sécurité47.

Dans la région des Grands Lacs, l’implication en 1997 de l’Afrique du Sud dans la résolution du conflit zaïrois, a révélé sa pénétration continentale : le président sud africain Mandela s’est imposé comme médiateur principal ; le navire de guerre sud africain  Lutenika et la ville de Prétoria ont été érigés en lieux privilégiés de négociation... La dimension impériale de la résolution du conflit se vérifie aussi au niveau du soutien, implicite dans un premier temps, explicite dans un second temps, accordé à une des parties à savoir Kabila et surtout aux transactions avec l’Ouganda, allié de Kabila.

C’est parce que l’Afrique du Sud s’impose désormais comme une puissance régionale48 que s’élaborent des discours qui tantôt croient entrevoir l’émergence d’un axe Washington-Prétoria, tantôt soulignent la mise en place d’un axe Paris-Prétoria. Dans une perspective plus large, les conflits de la région des Grands Lacs, ont encouragé l’hypothèse de la naissance d’un continuum hégémonique intégrant l’Ouganda, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Rwanda, et l’Afrique du Sud, considérée comme un pôle initiateur49. Si la solidité monolithique d’un tel continuum paraît contestable, le dynamisme des interactions entre l’Ouganda (allié de l’Erythrée et le l’Ethiopie), le Rwanda et l’Afrique du Sud s’est manifesté avec éclat durant la crise zaïroise. L’Ouganda et le Rwanda ont fourni la logistique militaire à Laurent Désiré Kabila, tandis que l’Afrique du Sud contribuait à affaiblir diplomatiquement le président Mobutu en se prononçant pour un renouveau politique au Zaïre.

Le " nouvel ordre politique africain "50 n’est pas une nouveauté pour la science des relations internationales, tant le conflit et sa résolution relèvent de la banalité… L’ordre et le désordre traduisent tout simplement la complexité de la réalité51.

Les contributions rassemblées dans ce volume sont issues de communications présentées lors de la conférence organisée par le Centre d’Etude d’Afrique noire (CNRS-IEP de Bordeaux) et l’African Studies Centre (Université de Boston) à Talence, du 22 au 24 mai 1997. Les éditeurs de ce volume tiennent à remercier leurs collègues pour leur amicale collaboration.

NOTES ET REFERENCES

 

* Daniel BACH est Directeur du CENTRE D’ETUDE D’AFRIQUE NOIRE et Enseignant à l’INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES de Bordeaux; Luc SINDJOUN est Enseignant à l’Université de Yaoundé II (CAMEROUN) et vice-président de l’Association Africaine de Science Politique.

1. Sur les processus de démocratisation en Afrique, Patrick Quantin et Jean Pascal DALOZ, dir., Transitions démocratiques africaines, Paris, Karthala, 1997; Nicolas Van De Walle et Michael Bratton, Democratic Experiments in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

2. Sur les conflits en Afrique, lire GRIP, dir., Conflits en Afrique ; analyse des crises et pistes pour une prévention, Bruxelles, Complexe, 1997; Jean Du Bois de Gaudusson, dir., " L'Afrique face aux conflits " Afrique contemporaine, numéro spécial, n° 180, octobre-décembre 1996; lire aussi " Spécial relations internationales " in Afrique 2000, no 27-28 (avril-octobre 1997), Christophe Ruffin, dir., " Les conflits en Afrique ", Relations internationales et stratégiques, n° 23, automne 1996.

3. Sur le lien entre démocratisation et conflictualisation, lire Filip Reyntjens, L'Afrique des grands lacs en crise, Rwanda-burundi, 1988-1994, Paris, Karthala, 1996.

4. A titre d'exemple, lire J. F. Bayart, S. Ellis et B. Hibou, La criminalisation de l’Etat en Afrique, Bruxelles, Complexe, 1997.

5. Sur les conjonctures critiques, Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Press de la FNSP, 1992.

6. Georg Simmel, Le conflit, Circe, 1995.

7. Cf Michael Brecher, " Crisis, conflict war: state of the discipline ", Revue internationale de Science Politique, vol.17, n° 2 Avril 1996, p. 127-139.

8. Lire Anatole N. Ayissi, " Le défi de la sécurité régionale en Afrique après la guerre froide, vers la diplomatie préventive et la sécurité collective ", Travaux de recherche de l’UNIDIR (New York et Genève), n° 27, 1994.

9. Edmond J. Keller et Donald Rothschild, eds., Africa in the New International Order, Boulder et London, Lynne Rienner Publishers, 1996.

10. C. GEFFRAY, La crise des armes au Mozambique, anthropologie d’une guerre civile, CREDU-Karthala, 1990.

11. Z. LAÏDI, Les contraintes d’une rivalité: Les superpuissances et l’Afrique (1960-1985), Paris, La Découverte, 1986.

12. D. BACH, " Les dynamiques paradoxales de l’intégration en Afrique sub-saharienne: Le mythe du hors-jeu ", Revue Française de Science Politique, Décembre 1995, pp. 1023-1038.

13. In Anatole Ayissi, Op. cit., p. 41.

14. Ted Gurr, "Peoples against states: Ethnopolitical conflict and the changing world system ", International Studies Quarterly, 38, 1994, pp. 347-377.

15. Sur cette posture, cf Patrick Chabal, "The African crisis; context and interpretation", in R. WERBNER et T. RANGER (Eds.), Postcolonial identities in Africa, London, Zed books, 1996, pp. 29-54.

16. Sankaran Krishna, "The importance of being ironic: A post-colonial view on critical international relations theory", Alternatives, vol 18, n° 3, 1993, pp.385-417.

17. François Constantin, "A propos de l'itinéraire africain d'un internationaliste en science politique", in Les relations internationales à l’épreuve de la science politique. Mélanges Marcel Merle, Paris, Economica, 1993, pp. 181-192.

18. Richard K. Ashley, "The Geopolitics of Geopolitical space toward a critical social theory of international politics", Alternatives, vol. 16, 1987, pp. 403- 434; Du même auteur "Untying the sovereign state: a double reading of the anarchy problématique", Millenium, vol 17, n°2, pp. 227-262.

19. Lire Daniel BACH, "Frontiers versus boundary lines: changing of state-society internations on subsaharan Africa" Welt Trends, n° 14, 1997, pp. 97-111. Du même auteur, "Contraintes et ressources de la frontière en Afrique sub-saharienne", Revue internationale de politique comparée, Vol 2, n° 3, 1995, pp. 533-341.

20. Norbert Elias, Engagement et distanciation, Paris, Fayard, 1993, pp. 71-79.

21. Pierre de Sénarclens, "Le paradigme réaliste et les conflits internationaux" Revue internationale des Sciences sociales, n° 127, février 1997, pp. 5-19.

22. J. F. Bayart, L'Etat en Afrique, Paris, Fayard, 1989; J. F. Médard, dir., Etats d'Afrique noire, Paris, Karthala, 1991.

23. P. F. Gonidec, Relations internationales africaines, Paris, L.G.D.J., 1996, pp. 12-17; C. Clapham, Africa in the International System: The Politics of State survival, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, pp. 3-27.

24. William Zartman, ed., Collapsed States. The Desintegration and the Restauration of Legitimate Authority, Boulder Colorado, Lynne Rienner Publishers, 1995, pp. 1-11.

25. Lire Bertrand Badie, La fin des territoires, Paris, FAYARD, 1995; L'Etat importé, Paris, Fayard, 1992.

26. Stephen Ellis, "The strange Life of African states", Africa Insight, Vol 26, n° 1, 1996, pp. 2-3.

27. Sur l’Etat du Zaïre et le conflit dans la région des Grands Lacs, Georges Nzongola Ntalaja, " Conflict in Eastern Zaïre ", Africa Insight, Vol. 26, n° 4, 1996, pp. 392-394; Roland Pourtier, " La guerre au Kivu: un conflit multidimensionnel ", Afrique contemporaine, n° 180, Octobre-Décembre 1996, pp. 15-38.

28. Didier Bigo, " La conflictualité à travers l’analyse de la banque de données de l’Institut Français de Polémologie ", Approches polémologiques, Sous la direction de Daniel Hermant et de Didier Bigo, Paris, Fondation pour les Etudes de la Défense Nationale, 1991, pp. 51-80.

29. Robert Axelrod, Comment réussir dans un monde d’égoistes, Paris, Odile Jacob, 1996.

30. Propos tenus par Georges Ngonzola Ntalaja, le 23 Juin 1997 à Durban. Voir " Presidential address " by Georges NGONZOLA NTALAJA at the Biennal Congress of The African Association of Political Science in Durban, South Africa: " The role of intellectuals in the Struggle for Democracy, Peace and Reconstruction in Africa ", 14 pages.

31. Bayart, Ellis & Hibou, Op.cit.; Stéphane Engueleguele, " Etat, criminalité organisée et stratégie pénale: Eléments pour l’analyse des politiques criminelles en Afrique ", Polis, Revue Camerounaise de Science Politique, Vol 3, n° 1, août 1997, pp. 21-293.

32. Luc Reychler, " Les conflits en Afrique: comment les gérer ou les prévenir ", Conflits en Afrique, op. cit., pp. 15-38.

33. A propos de l’usage du concept de " normalité " dans les relations internationales africaines, Ruddy Doom, " Vers la normalité: analyse du concept et des moyens d’action ", Conflits en Afrique, op. cit., pp. 237-293.

34. Luc Sindjoun, " Universalisme, régionalisme et maintien de la paix dans le contexte international actuel ", Relations internationales et développement, Bordeaux ACCT, 1995, pp. 62-85.

35. Anatole N. Ayissi, op. cit.; Marie Claude Smouts, Les organisations internationales, Paris, Armand Colin, 1995, pp. 140-143.

36. Léonard W. Doob, La résolution des conflits, Nouveaux Horizons/Age de l’Homme, 1984.

37. Sur le rôle des médiateurs, Thomas C. Schelling, Stratégie du conflit, Paris, PUF, 1986, pp. 181-183.

38. Lire Keller & Rothschild, op. cit., pp. 27-183; Francis Deng, Sadikiel Kimaro et al., Sovereignty as Responsability, Conflict Management in Africa, Washington, Brookings Institution, 1993.

39. Sur l’ordre de la puissance, Michel Girard, " Les conceptions de l’ordre dans les relations internationales ", Cahiers français, no 263, Octobre-Décembre 1993, p.7.

40. Simmel, op.cit, p. 141.

41. Michel Gaud et Laurence Porges, " Biographies de quatorze chefs de guerre ", Afrique contemporaine, n° 180, Octobre-Décembre 1996, pp. 173-198.

42. Lire Mahmoud M. Abul –Enein, " Peaceful settlement of the African Disputes in the Post Cold War Era ", Rapport présenté au 11ème Congrès de l’AAPS, 23-26 juin 1997 (Durban).

43. Il s’agit ici de la puissance des Etats au sens classique; sens qui peut être illustré en Afrique en dépit des réserves de François Constantin. Lire son article " Aux périphéries de la scène internationale: puissance, pouvoir et petits poucets ", Le trimestre du monde, 3ème trimestre du Monde 1995, pp. 51-81.

44. Ali Mazrui, " Système d’autodétermination à l’africaine: Quand la pax africana devient effective ", Bulletin du CODESRIA, n° 3, 1997, pp. 16-17.

45. Margaret Vogt, " The involvment of ECOWAS in Liberia’s peace keeping ", in Keller & Rothschild, op. cit., pp. 165-183.

46. Lire Mafa Sejanamane, " Regional peace initiatives in an unequal relationship  ", Rapport présenté au 11ème congrès biennal de l’AASP, Durban, 23-26 Juin 1997, 23 pages.

47. Denis Venter, " Regional security in Southern Africa " Rapport présenté au 11ème Congrès biennal de l’AAPS, Durban, 23-26 Juin 1997, 59 pages.

48. Chris Alden et Jean Pascal Daloz, " Introduction ", Paris, Pretoria and the African continent, London, Mac Millan, 1996, p. 1.

49. Alexandre Adler in Le Courrier international, n° 514 (7 Novembre 1996), p. 4; Lire aussi Dani W. Nabudere, " The political implications of the great lake conflicts ", Rapport présenté au 11ème Congrès biennal de l’AAPS, Durban, 23-26 Juin 1997, 24 pages.

50. Edmond J. Keller, " Introduction: Toward a new african political order ", in Keller & Rotschild, op. cit., pp. 1-25.

51. A titre général, lire Jacques CHEVALLIER, " Présentation " Désordre(s), Paris, PUF/CURAPP, 1997, pp. 5-14.